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30/01/2006 | FRANCE | N°04NT00188

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 30 janvier 2006, 04NT00188


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 février 2004, présentée pour M. et Mme Pierre X, demeurant ..., par Me Lacroix, avocat au barreau de Nanterre ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.2426 en date du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1994 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

) de condamner l'Etat au remboursement des frais exposés dans le cadre de la présente ins...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 février 2004, présentée pour M. et Mme Pierre X, demeurant ..., par Me Lacroix, avocat au barreau de Nanterre ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.2426 en date du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1994 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat au remboursement des frais exposés dans le cadre de la présente instance sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2006 :

- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X exploitaient sous forme d'entreprise individuelle un hypermarché, une cafétéria et une exploitation agricole ; que, par acte du 26 février 1994, avec effet rétroactif au 2 janvier 1994, ils ont fait apport de la partie de leur activité afférente à l'exploitation de l'hypermarché à la SARL KERVILLY, société préexistante dont ils détenaient la totalité du capital, à l'exception du stock de marchandises qu'ils avaient cédé à la SARL KERVILLY dès le 29 décembre 1993 à son prix de revient, soit 50 034 464 F ; qu'ils ont reçu en rémunération de cet apport des droits sociaux dont la valeur a été estimée à 10 000 000 F ; qu'ils ont opté pour l'imposition des plus-values constatées à l'occasion de cet apport selon le régime spécial prévu par l'article 151 octies du code général des impôts ; que l'administration a remis en cause l'application de ce régime ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une contradiction de motifs en estimant, d'une part, que la cession préalable d'un stock de marchandises, lorsque le passif correspondant à ce stock n'est pas compris dans l'apport, ne fait pas par elle-même obstacle à l'application du régime spécial d'imposition prévu par l'article 151 octies du code général des impôts, d'autre part, que la prise en charge par la SARL KERVILLY, dans le cadre de l'apport, du passif “fournisseurs” de l'entreprise individuelle X interdisait l'application dudit régime ; que le rejet du moyen tiré de l'application de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales n'est pas davantage entaché de contradiction de motifs ;

Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal, après avoir cité les dispositions de l'article 151 octies du code général des impôts a précisé “qu'il résultait des termes de cet article qu'il ne pouvait s'appliquer qu'aux biens transférés dans l'acte d'apport” ; qu'il a ainsi suffisamment motivé en droit son jugement, alors même que la rédaction est entachée d'une erreur de plume ;

Considérant, en troisième lieu, que le tribunal, pour confirmer le bien-fondé de l'imposition, a jugé que les contribuables ne remplissaient pas les conditions d'application de l'article 151 octies du code général des impôts ; que, par suite, il n'était pas tenu d'examiner le moyen présenté à titre subsidiaire, par l'administration, tiré de l'application de l'article 54 septies du code général des impôts ;

Considérant, enfin, que l'ensemble des autres moyens soulevés par M. et Mme X tendant à établir l'irrégularité du jugement doivent en réalité être regardés comme critiquant le bien fondé de la position adoptée par les premiers juges ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts : “I. Les plus-values, soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition, de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle ou de l'apport d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : l'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession à titre onéreux ou du rachat des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure… L'imposition des plus-values afférentes aux autres immobilisations est effectuée au nom de la société bénéficiaire de l'apport selon les modalités prévues au d du 3 de l'article 210 A pour les fusions de société.” ; que le régime d'imposition prévu par ces dispositions ne s'applique qu'aux apports exclusivement rémunérés par des titres de la société qui en est bénéficiaire ;

Considérant, que, comme il a été indiqué ci-dessus, M. et Mme X ont d'abord cédé, le 29 décembre 1993, à la SARL KERVILLY le stock de marchandises dont ils disposaient pour l'exploitation de leur hypermarché et en ont encaissé le prix ; qu'ils indiquent avoir ensuite apporté, le 2 janvier 1994, à ladite SARL la branche complète d'activité correspondant à cette exploitation ; qu'il est constant que l'apport auquel ils ont ainsi procédé a notamment compris, outre l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à cette branche d'activité, les dettes “fournisseurs” de l'hypermarché inscrites au passif de l'entreprise individuelle X ; que les requérants ne soutiennent, ni même n'allèguent qu'ils auraient personnellement réglé les dettes “fournisseurs” correspondant au stock de marchandises vendu le 29 décembre 1993 à la SARL KERVILLY ; que, dans ces conditions, ils doivent être regardés comme ayant reçu, en contrepartie de leur apport, non seulement des parts sociales supplémentaires dans le capital de la SARL KERVILLY, d'une valeur de 10 000 000 F, mais aussi une rémunération égale à la prise en charge d'un passif “fournisseurs” d'un montant égal au prix de revient du stock de marchandises qu'ils avaient cédé préalablement, soit 50 034 464 F ;

Considérant que si M. et Mme X soutiennent, d'une part, que le passif qu'ils ont apporté se rattachait à leur activité professionnelle, d'autre part, qu'il ne saurait être exigé de l'apporteur, pour bénéficier du régime d'imposition prévu par l'article 151 octies, une parfaite symétrie entre les éléments d'actif et les éléments de passif apportés dès lors que l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé de la branche d'activité considérée ont été apportés, enfin, qu'il ne saurait être tiré aucune conséquence du caractère onéreux de l'apport quant à l'application dudit article, leurs moyens sont sans portée utile dès lors que, comme il a été dit, ils ne contestent pas le fait que les dettes “fournisseurs” de l'entreprise individuelle X correspondant aux marchandises vendues à la SARL ont été comprises dans l'apport ; qu'ils ne peuvent invoquer utilement la circonstance que les entreprises de grande distribution comme la leur vendent leurs marchandises en stock dans les jours suivant leur livraison alors qu'elles ne payent leurs fournisseurs que dans un délai de 90 jours ; qu'il suit de là qu'alors même que les éléments d'actif compris dans l'apport constitueraient une branche complète d'activité au sens de l'article 151 octies, l'administration a pu, à bon droit, et sans qu'il puisse lui être reproché de s'immiscer à tort dans les décisions de gestion prises par les époux X et la SARL KERVILLY, remettre en cause l'application aux plus-values réalisées lors de l'apport, tant sur les immobilisations non amortissables que les autres immobilisations, du régime prévu par ledit article ;

Considérant, par ailleurs, que M. et Mme X ne peuvent se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la définition de la notion de “branche complète d'activité” donnée par la documentation administrative 4 B-3511, dès lors qu'en tout état de cause, cette documentation ne prévoit pas que, pour l'application des dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts, l'apport d'une branche complète d'activité puisse être rémunéré autrement que par l'attribution de droits sociaux dans la société bénéficiaire de l'apport ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : “Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits ou taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions… Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé” ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, même pour la part excédant le taux de l'intérêt légal, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que M. et Mme X ne sont dés lors, pas fondés, en tout état de cause, à demander que les intérêts de retard assortissant les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées au titre de l'année 1994 soient limitées au montant résultant de l'application du taux de l'intérêt légal ; qu'ils ne peuvent se prévaloir utilement des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ne visent que les procès portant sur des droits et obligations de caractère civil et des accusations pénales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle en tout état de cause à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Pierre X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 04NT00188

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 04NT00188
Date de la décision : 30/01/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAGNIER
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : LACROIX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-01-30;04nt00188 ?
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