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29/11/2005 | FRANCE | N°02NT00404

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 29 novembre 2005, 02NT00404


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, le 22 mars 2002 et le 30 avril suivant, présentés pour la société anonyme Britton X..., représentée par son président-directeur général en exercice, dont le siège est ... et Me Sophie Y..., administrateur judiciaire, commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Britton et de la société Le Pape Constructions, demeurant ..., par Me Coudray, avocat au barreau de Rennes ; la SA BRITTON
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et Me Y... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 97

-1759 et 97-1760 du 3 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rennes ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, le 22 mars 2002 et le 30 avril suivant, présentés pour la société anonyme Britton X..., représentée par son président-directeur général en exercice, dont le siège est ... et Me Sophie Y..., administrateur judiciaire, commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Britton et de la société Le Pape Constructions, demeurant ..., par Me Coudray, avocat au barreau de Rennes ; la SA BRITTON
X...
et Me Y... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 97-1759 et 97-1760 du 3 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la ville de Brest et de la communauté urbaine de Brest à verser :

- la somme de 12 521 180,43 F TTC à la société Britton X...,

- la somme de 7 950 283 F TTC à la société Britton,

- la somme de 90 387,13 F TTC à la société Le Pape Constructions,

en réparation des préjudices subis du fait de la décision du 11 juillet 1994 par laquelle le maire de Brest a retiré le permis de construire qu'il avait délivré le 14 février 1994 à la société Britton X... pour la réalisation d'un immeuble à usage de logements, de bureaux et de commerces rue de Kerros et boulevard Gambetta à Brest ;

2°) de condamner la ville de Brest seule ou la ville de Brest et la communauté urbaine de Brest à verser :

- la somme de 1 908 842 euros à la société Britton X... ;

- la somme de 1 212 013 euros à la société Britton ;

- la somme de 13 848 euros à la société Le Pape Constructions ;

3°) de condamner la ville de Brest seule ou la ville de Brest et la communauté urbaine de Brest à leur verser une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2005 :

- le rapport de Mme Tholliez, rapporteur ;

- les observations de Me Collet, substituant Me Coudray, avocat de la SA BRITTON
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et autres ;

- les observations de Me Gourdin, substituant Me Martin, avocat de la ville de Brest ;

- les observations de Me Dano, avocat de la communauté urbaine de Brest ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 3 janvier 2002, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société anonyme Britton X... et de Me Y..., administrateur judiciaire, commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Britton et de la société Le Pape Constructions, tendant à la condamnation, d'une part, de la ville de Brest (Finistère), d'autre part, de la communauté urbaine de Brest à verser, chacune, la somme de 12 521 180,43 F (1 908 842 euros) à la société Britton X..., la somme de 7 950 283 F (1 212 013 euros) à la société Britton et la somme de 90 837,13 F (13 848 euros) à la société Le Pape Constructions, en réparation des préjudices subis du fait de la décision du 11 juillet 1994 par laquelle le maire de Brest a retiré le permis de construire qu'il avait accordé le 14 février 1994 à la société Britton X... pour la réalisation d'un immeuble à usage de logements, de bureaux et de commerces, sur un terrain sis rue de Kerros et boulevard Gambetta ; que dans leur requête d'appel contre ce jugement, les requérantes demandent à la Cour de condamner la ville de Brest seule, ou la ville de Brest et la communauté urbaine de Brest, à verser la somme de 1 878 505,52 euros à la société Britton X..., la somme de 1 216 013 euros à la société Britton et la somme de 13 848 euros à la société Le Pape Constructions, ainsi qu'aux intérêts au taux légal et capitalisés desdites sommes ;

Considérant que dans les termes où elles sont rédigées, les conclusions présentées par les requérantes doivent être regardées comme dirigées, à titre principal, contre la ville de Brest seule, subsidiairement, contre la ville de Brest et la communauté urbaine de Brest ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la ville de Brest :

Considérant que Me Y..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Le Pape Constructions et de la société Britton, sociétés holding du groupe Britton, soutient que ces sociétés sont fondées, concurremment avec la société Britton X..., à solliciter la réparation du préjudice résultant pour elles de la non-réalisation de l'opération projetée par cette dernière ; qu'il résulte, cependant, de l'instruction que la société Britton X... était seule titulaire de l'autorisation de construire de sorte que, quel que soit le lien statutaire unissant lesdites sociétés à la société pétitionnaire Britton X..., elles ne justifient d'aucun intérêt leur donnant qualité pour demander réparation des conséquences dommageables de l'illégalité fautive qui entacherait l'acte de retrait du permis de construire délivré à la seule société Britton X... ; que les conclusions présentées par Me Y... pour le compte de ces sociétés sont, dès lors, irrecevables ;

Au fond :

Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;

Considérant que pour juger légale la décision du 11 juillet 1994 par laquelle le maire de Brest a retiré le permis de construire du 14 février 1994 qu'il avait accordé à la SA BRITTON
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, le Tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur la double circonstance que ce permis était entaché d'illégalité et qu'il avait fait l'objet, le 13 avril 1994, d'un recours gracieux de la part du sous-préfet de Brest qui avait prorogé le délai du recours contentieux permettant à l'autorité municipale de procéder le 11 juillet 1994 au retrait litigieux ; que, toutefois, le délai dans lequel le maire pouvait légalement retirer ledit permis de construire était limité à quatre mois à compter de la signature de ce permis, la circonstance qu'un recours gracieux ait été formé contre ce même acte dans le délai de recours contentieux étant sans influence sur le délai précité de quatre mois dont l'autorité compétente disposait pour en prononcer le retrait ; que ce dernier délai expirait, ainsi, le 14 juin 1994 ; qu'il suit de là qu'en procédant à ce retrait par arrêté du 11 juillet 1994, le maire de Brest a entaché cet arrêté d'illégalité ;

Considérant que si le retrait illégal du permis de construire lui-même illégal que le maire de Brest a délivré à la société Britton X... et à l'illégalité duquel cette dernière n'a pris aucune part, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la ville envers la société pétitionnaire, cette illégalité ne peut cependant ouvrir droit à une indemnité au profit de cette dernière que dans la mesure où elle justifie d'un dommage actuel, direct et certain ;

Considérant que si la société Britton X... invoque le manque à gagner résultant de la privation des bénéfices escomptés des ventes immobilières envisagées, une fois les travaux réalisés, la réalisation de ces bénéfices ne présente, dans les circonstances de l'espèce, qu'un caractère éventuel ; qu'ainsi, ce chef de préjudice ne saurait ouvrir droit à réparation ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction et notamment, du rapport du cabinet Ouest Conseil Audit produit par la société Britton X... et dont les éléments chiffrés reposent sur des justifications qui ne sont pas utilement contestées, que la société Britton X... a engagé en pure perte, du fait de la faute commise par la ville de Brest, diverses dépenses pour la réalisation du projet et notamment des frais d'architecte, de géomètre, de notaire, de réalisation de maquette, de reprographie, d'études de sols et de sondages, ainsi que des frais de personnel pour le montage et le suivi du dossier ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'accorder à ladite société la somme totale de 451 322,50 euros qu'elle demande à ces différents titres ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la société Britton X... a droit aux intérêts de la somme précitée de 451 322,50 euros à compter du 25 juin 1997, date de réception de sa réclamation préalable par la ville de Brest et non à compter de la date de retrait du permis de construire litigieux ; qu'elle a demandé la capitalisation de ces intérêts dans un mémoire enregistré le 2 août 2002 au greffe de la Cour ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date, qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions d'appel en garantie de la ville de Brest :

Considérant que si la ville de Brest demande à être garantie par la communauté urbaine de Brest des condamnations prononcées à son encontre, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que la ville n'établit nullement les informations lacunaires ou erronées qui seraient résultées selon elle, des conditions de l'instruction du dossier de permis de construire effectuée par les services communautaires et auraient déterminé la délivrance du permis de construire illégal ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société Britton X..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la ville de Brest et à la communauté urbaine de Brest les sommes que ces dernières demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de condamner la ville de Brest à verser à la société Britton X... une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par cette dernière ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions à l'égard de la communauté urbaine de Brest et de Me Y..., administrateur judiciaire, commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés Britton et Le Pape Constructions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 janvier 2002 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La ville de Brest est condamnée à verser à la société Britton X... la somme de 451 322,50 euros (quatre cent cinquante et un mille trois cent vingt deux euros cinquante centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 25 juin 1997. Les intérêts échus à la date du 2 août 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Britton X... et les conclusions de Me Y..., administrateur judiciaire, commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés Britton et Le Pape Constructions, sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions d'appel en garantie de la ville de Brest sont rejetées.

Article 5 : La ville de Brest versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la société Britton X... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions de la communauté urbaine de Brest et de la ville de Brest tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Britton X..., à Me Y..., administrateur judiciaire, commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés Britton et Le Pape Constructions, à la ville de Brest (Finistère), à la communauté urbaine de Brest et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 02NT00404

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N° «Numéro»

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 02NT00404
Date de la décision : 29/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Danièle THOLLIEZ
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-11-29;02nt00404 ?
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