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28/11/2005 | FRANCE | N°03NT01862

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 28 novembre 2005, 03NT01862


Vu, I, sous le numéro 03NT01862, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 décembre 2003, présentée pour la SA CRECI MANAGEMENT, qui a son siège ..., par Mes Hellouet et X..., avocats au barreau de Rennes ; la SA CRECI MANAGEMENT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 99.1480 en date du 30 octobre 2003 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1993

, 1994 et 1995 et de la cotisation supplémentaire de contribution forfait...

Vu, I, sous le numéro 03NT01862, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 décembre 2003, présentée pour la SA CRECI MANAGEMENT, qui a son siège ..., par Mes Hellouet et X..., avocats au barreau de Rennes ; la SA CRECI MANAGEMENT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 99.1480 en date du 30 octobre 2003 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 et de la cotisation supplémentaire de contribution forfaitaire sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ;

2°) de lui accorder la réduction des impositions susmentionnées restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu, II, sous le numéro 04NT00184, le recours, enregistré au greffe de la Cour le 16 février 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 99.1480 en date du 30 octobre 2003 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a accordé à la SA CRECI MANAGEMENT une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ;

2°) de remettre à la charge de la SA CRECI MANAGEMENT les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire de 10 % sur cet impôt déchargées à tort par le tribunal, au titre de l'exercice clos en 1995, à raison de la réintégration dans son résultat imposable de la somme de 90 000 F ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2005 :

- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;

- les observations de Me Mallet, avocat de la SA CRECI MANAGEMENT ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête et le recours susvisés sont dirigés contre le même jugement et concernent le même contribuable ; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que la SA CRECI MANAGEMENT a notamment demandé au tribunal administratif la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 à raison de la réduction, par l'administration, à hauteur de 30 000 F (4 573,47 euros), du montant d'une provision qu'elle avait constituée à hauteur de 120 000 F (18 293,88 euros) ; que le tribunal, estimant ce redressement non fondé, a fait droit à cette conclusion et a rejeté le surplus de la demande ; que, dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir qu'en accordant à la SA CRECI MANAGEMENT, par les articles 1er et 2 de son jugement, une réduction en base desdits compléments d'impôt de 18 293,88 euros, le tribunal a statué au delà des conclusions dont il était saisi et à demander, d'une part, l'annulation du jugement en tant qu'il a déchargé la SA CRECI MANAGEMENT des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 pour un montant correspondant à la réduction de la base d'imposition d'une somme excédant 4 573,47 euros, d'autre part, le rétablissement de la SA CRECI MANAGEMENT aux rôles de l'impôt sur les sociétés et de la contribution forfaitaire sur cet impôt, au titre de l'exercice clos en 1995, à concurrence des droits et des pénalités correspondant à la réintégration dans son résultat imposable de la somme de 13 720,41 euros qui a été déduite à tort ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les provisions :

Considérant que la SA CRECI MANAGEMENT, qui exerce une activité de conseil aux entreprises, a investi en 1989 et 1990 une partie de ses fonds propres dans le secteur immobilier par l'intermédiaire de filiales qu'elle a constituées à cette fin ; qu'elle a consenti à ces dernières des avances afin de leur permettre de financer l'acquisition d'immeubles, qui, pour la plupart, lui ont été donnés en location ; que l'administration a réintégré des provisions que la SA CRECI MANAGEMENT avait constituées en vue de prévenir le risque de non-recouvrement de créances qu'elle détenait sur ses filiales ;

S'agissant des provisions relatives au risque de non-recouvrement des créances détenues sur l'EURL CHL :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : “1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant… notamment… 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables” ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire de ses bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, qu'elles soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante et qu'enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

Considérant que, pour apporter la preuve du bien-fondé des provisions qu'elle a constituées, d'une part, à la clôture de l'exercice 1993 afin de prévenir le risque de non-remboursement de dépôts de garantie versés à l'EURL CHL, filiale soumise à l'impôt sur les sociétés, d'autre part, à la clôture des exercices 1993, 1994 et 1995, en raison du caractère douteux des créances, constituées par des avances en compte courant, qu'elle détenait sur cette EURL, la SA CRECI MANAGEMENT soutient que la valeur des immeubles que l'EURL CHL avait acquis au début de l'année 1990 et inscrits dans ses stocks, en tant que marchand de biens, s'est considérablement dépréciée en raison de la survenue, à compter de 1993, d'une crise générale de l'immobilier ; qu'elle fait valoir que l'administration fiscale avait d'ailleurs admis le bien-fondé des provisions pour dépréciation de ses stocks que l'EURL avait constituées ; que, toutefois, la dépréciation des immeubles en cause ne saurait suffire à justifier du caractère douteux des créances qu'elle détenait sur l'EURL dès lors qu'il est constant que cette dernière, régulièrement payée de ses loyers et faisant face à ses engagements d'emprunt, attendait, selon les écritures de la requérante, une remontée des prix de l'immobilier pour revendre les biens qu'elle possédait en stock ; que ni l'EURL CHL, en sa qualité de propriétaire des immeubles, ni la SA CRECI MANAGEMENT, en sa qualité de locataire, n'avaient manifesté l'intention de résilier les baux de location ; que, dès lors, les dépôts de garantie versés par la société locataire ne constituaient pas des créances exigibles sur la société propriétaire à la clôture de l'exercice, le 31 décembre 1993 ; que si les résultats de l'EURL étaient déficitaires, cette seule circonstance ne saurait en tout état de cause constituer la preuve que des évènements rendaient probable, à la clôture de chacun des exercices précités, le non-recouvrement par la SA CRECI MANAGEMENT de ses avances et de ses dépôts de garantie ;

S'agissant des provisions relatives au risque de non-recouvrement des créances détenues sur les sociétés civiles CHLEO, MJM et SAJOCRI :

Considérant, en premier lieu, que la SA CRECI MANAGEMENT a provisionné, à la clôture de l'exercice, le 31 décembre 1993, la totalité du montant du dépôt de garantie qu'elle avait versé, en sa qualité de locataire, à la SCI CHLEO ; que, toutefois, ni la SCI CHLEO, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble, ni la SA CRECI MANAGEMENT en sa qualité de locataire, n'avaient manifesté l'intention à cette date de résilier le bail de location qui les unissait ; que, par suite, le dépôt de garantie, dès lors qu'il ne constituait pas à la clôture de l'exercice pour la SA CRECI MANAGEMENT une créance exigible, ne pouvait donner lieu, en tout état de cause, à la constitution d'une provision ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 8 et 218 bis du code général des impôts, les associés des sociétés civiles sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque leur bénéfice imposable est déterminé conformément aux prescriptions des articles 38 et suivants du code général des impôts, ces associés doivent prendre en compte, à la clôture de leurs propres exercices, comme un profit imposable ou comme une charge déductible, la part qui leur revient dans les résultats bénéficiaires ou déficitaires de la société civile ; que si cette règle n'a pas pour effet de priver les mêmes associés de la faculté qu'ils tiennent de l'article 39, 1-5° du code général des impôts de constituer une provision en vue de faire face à une dépréciation de leur participation dans le cas où des circonstances postérieures à l'acquisition de cette participation et sans lien avec l'activité de la société rendent probable une dévalorisation de cette dernière, elle fait, en revanche, obstacle à ce qu'ils puissent constituer une telle provision en vue de tenir compte de résultats déficitaires de l'activité de la société qui, même probables, ne seront qu'ultérieurement constatés dans les écritures de celle-ci et dont alors, seulement, ils pourront déduire la part qui leur revient ;

Considérant que la SA CRECI MANAGEMENT a constitué des provisions, au titre des exercices clos les 31 décembre 1993, 1994 et 1995, en raison du risque de non-recouvrement d'une partie des avances, ainsi que des intérêts dont elles étaient assorties, consenties par elle aux SCI CHLEO, MJM et SAJOCRI, filiales soumises au régime d'imposition des sociétés de personnes, dont elle détenait la quasi-totalité des parts ; que les avances ainsi versées étaient destinées à permettre aux SCI de rembourser les emprunts bancaires contractés par elles en vue d'acquérir les immeubles qu'elles avaient pour objet de gérer ; que ces avances ne pouvaient être regardées, à défaut d'être incorporées au capital des SCI et de donner lieu à l'attribution de parts nouvelles ou à une augmentation de la valeur nominale des parts existantes, comme des suppléments d'apport, dont, par la constitution d'une provision, des associés auraient la faculté de couvrir une éventuelle dépréciation dans le cas où, comme il a été dit, celle-ci serait due à des circonstances étrangères à l'activité de la société ; que les sommes dont il s'agit n'ont conféré, en réalité, à la SCI CRECI MANAGEMENT qu'un droit de créance sur les SCI et constitué pour celles-ci un élément de leur passif social ; qu'ainsi, le risque pour la société requérante de perdre ses créances en raison de résultats déficitaires des SCI était indissociable des pertes susceptibles d'être constatées dans les écritures des SCI, lors de leur liquidation, et dont la SA CRECI MANAGEMENT aurait pu, alors seulement, imputer sur ses propres résultats la part correspondant à ses participations ; qu'il s'ensuit qu'elle n'était pas, auparavant, en droit de constituer, à raison des avances versées sur compte courant à ses filiales, des provisions pour créances douteuses ;

S'agissant de la provision relative aux charges de la SCI MJM :

Considérant que la SA CRECI MANAGEMENT a constitué, à la clôture de son exercice en 1995, une provision destinée à faire face au risque, pour la SCI MJM, de ne pas pouvoir rembourser une fraction d'un emprunt et engager divers frais au cours de l'exercice suivant ;

Considérant que si, en sa qualité d'associé de la SCI, la société requérante devait prendre en compte, en vertu de l'article 8 du code général des impôts, comme un profit imposable ou comme une perte déductible, la part qui lui revenait dans les résultats bénéficiaires ou déficitaires de la SCI dès que ceux-ci étaient constatés dans les écritures de cette dernière, l'application de cette règle ne saurait avoir pour effet de porter atteinte au principe suivant lequel la société civile conserve une personnalité et un patrimoine distincts de ceux des associés, et que le bénéfice de ces derniers doit être arrêté, lorsqu'il s'agit d'une société commerciale, en ne tenant compte que des charges déductibles ou des provisions qui sont propres à celle-ci ; que la SA CRECI MANAGEMENT n'était, dans ces conditions, pas en droit de constituer, elle-même, sur le fondement des dispositions précitées du 1 de l'article 39 du code général des impôts, une provision en vue de faire face à des pertes probables liées non pas à son activité et à ses charges propres mais seulement aux activités de la société civile ; que la circonstance que cette dernière aurait fait alors l'objet d'une procédure de liquidation est à cet égard sans incidence ;

En ce qui concerne la durée d'amortissement d'un appartement :

Considérant que la SA CRECI MANAGEMENT a amorti sur une durée de 20 ans, au taux de 5 %, un appartement qu'elle a acquis en décembre 1990, sis à Paris, à proximité de l'avenue des Champs-Élysées, dans un immeuble de bonne facture ; que l'administration a substitué à ce taux celui de 2,5 %, correspondant à une durée d'amortissement de 40 ans ; que cette durée de 40 ans est conforme aux usages pour un appartement à usage d'habitation, de bonne catégorie, tel que celui en litige ; que la SA CRECI MANAGEMENT ne fait pas état de caractéristiques propres à l'immeuble en cause qui justifieraient de déroger à cet usage ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA CRECI MANAGEMENT n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, soit condamné, en application de ces dispositions, à payer à la SA CRECI MANAGAMENT la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 30 octobre 2003 est annulé en tant qu'il a déchargé la SA CRECI MANAGEMENT des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 pour un montant correspondant à la réduction de la base d'imposition d'une somme excédant 4 573,47 euros (quatre mille cinq cent soixante-treize euros quarante-sept centimes).

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles la SA CRECI MANAGEMENT a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 sont remises à sa charge à concurrence d'un montant correspondant à la réintégration dans son résultat imposable de la somme de 13 720,41 euros (treize mille sept cent vingt euros quarante et un centimes).

Article 3 : La requête de la SA CRECI MANAGEMENT est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA CRECI MANAGEMENT et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N°s 03NT01862,04NT00184

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 03NT01862
Date de la décision : 28/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAGNIER
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : MALLET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-11-28;03nt01862 ?
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