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09/11/2005 | FRANCE | N°02NT00985

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 09 novembre 2005, 02NT00985


Vu, I, sous le n° 02NT00985 la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 juin 2002, présentée pour Mme Ginette X-Y, demeurant ..., par Me Rossinyol, avocat au barreau de Nantes ; Mme X-Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801583 en date du 23 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie, avec son époux, au titre des années 1993 à 1995 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de co

ndamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du co...

Vu, I, sous le n° 02NT00985 la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 juin 2002, présentée pour Mme Ginette X-Y, demeurant ..., par Me Rossinyol, avocat au barreau de Nantes ; Mme X-Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801583 en date du 23 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie, avec son époux, au titre des années 1993 à 1995 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu, II, sous le n° 02NT00986 la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 juin 2002, présentée pour Mme Ginette X-Y, demeurant ..., par Me Rossinyol, avocat au barreau de Nantes ; Mme X-Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801585 en date du 23 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à la charge de M. Y, son époux, au titre de la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1995 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2005 :

- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 02NT00985 et n° 02NT00986 de Mme X-Y sont relatives à la situation d'un même contribuable et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la régularité des jugements :

Considérant qu'il résulte de l'examen des jugements contestés que les premiers juges ont omis de statuer d'une part sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la notification de redressements, s'agissant de la fixation des taux de marge moyens, et d'autre part sur le moyen tiré de l'emport irrégulier, par le vérificateur, de documents comptables ; que l'omission de statuer sur ces deux moyens, qui n'étaient pas inopérants, constitue une irrégularité ; qu'ainsi les jugements attaqués doivent être annulés ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. Y devant le tribunal administratif ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant en premier lieu que M. Y a été avisé, par un courrier du 7 mars 1996, qu'il ferait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble de ses déclarations fiscales et opérations de la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1995, à l'exception des bénéfices industriels et commerciaux pour lesquels la période vérifiée a été limitée aux exercices clos les 30 septembre 1993 et 1994 ; qu'il a été avisé, par un nouvel avis du 13 mai 1996, de ce qu'il ferait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la déclaration de bénéfice industriel et commercial de l'exercice clos le 30 septembre 1995, qui est parvenue au service le 25 avril 1996 ; que la première vérification a conduit à une notification de redressements datée du 12 août 1996 fixant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1995, et les bénéfices industriels et commerciaux des exercices clos en 1993 et en 1994 ; que la deuxième vérification a abouti à une deuxième notification de redressements, distincte, et fixant le bénéfice industriel et commercial de l'exercice clos en 1995 ; que si le vérificateur a examiné lors de la première vérification, la comptabilité de l'exercice clos le 30 septembre 1995, il ne l'a fait que pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée de cette période, et non pour redresser le bénéfice industriel et commercial de l'année 1995 ; qu'ainsi il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient la requérante, que le vérificateur aurait commencé à vérifier, avant l'envoi du second avis, la déclaration de bénéfice industriel et commercial de l'exercice clos le 30 septembre 1995 ;

Considérant en deuxième lieu qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité a eu lieu dans l'entreprise elle-même et a comporté, ainsi que le reconnaît la requérante, plusieurs visites du vérificateur sur place, notamment le 25 mars, le 9 mai, les 7 et 19 juin 1996 ; que la vérification de la comptabilité ayant ainsi été effectuée dans les locaux de l'entreprise, il appartient à Mme X-Y, qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans que son époux ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; que si Mme X-Y soutient que le vérificateur aurait dissuadé M. Y de se faire assister de son conseil au cours de la dernière visite du vérificateur le 19 juin, elle n'en apporte pas la preuve, alors que le contribuable a d'ailleurs été informé plusieurs jours à l'avance de la date de cette dernière visite ; que la circonstance, à la supposer établie, que la dernière visite du vérificateur n'aurait duré que cinq minutes ne saurait démontrer en elle-même, alors que l'administration n'est pas tenue d'organiser une réunion de synthèse à l'issue de la vérification de comptabilité, l'absence de débat oral et contradictoire ;

Considérant en troisième lieu que Mme X-Y fait grief au vérificateur d'avoir effectué le 25 mars 1996 un relevé des tarifs des consommations pratiqués par l'entreprise, après avoir emporté ces tarifs, procédant ainsi à un emport irrégulier de documents comptables ; que toutefois, s'il est constant que le vérificateur a relevé sur une note manuscrite l'ensemble des tarifs des consommations pratiqués par l'entreprise de M. Y et en vigueur au 25 mars 1996, la requérante n'apporte pas la preuve que le vérificateur aurait procédé à ce relevé après avoir emporté des documents appartenant à l'entreprise de M. Y ;

Considérant en quatrième lieu qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation…” ; que les notifications de redressement en date du 12 et du 14 août 1996 exposent notamment de manière détaillée les motifs ayant entraîné le rejet de la comptabilité comme irrégulière et non probante, et explicitent les modalités de fixation du taux de marge de l'activité snack ; qu'elles satisfont ainsi à l'exigence de motivation de l'article L.57 précité ;

Sur la charge de la preuve et le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L.192 du livre des procédures fiscales : “Lorsque l'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise de M. Y, au cours des exercices vérifiés, enregistrait globalement ses recettes sans être en mesure de présenter au vérificateur des pièces justificatives du détail de celles-ci ; que si Mme X-Y fait valoir que son époux a présenté des brouillards de caisse comportant un total journalier des recettes, il apparaît que certaines d'entre elles n'ont pas été portées sur le montant journalier déclaré et ont été comptabilisées sous le libellé “recettes oubliées”, que les recettes n'ont pas été détaillées et ont été en partie regroupées ; qu'ainsi les pièces présentées ne permettaient pas d'établir le détail des recettes ; qu'une telle pratique de globalisation des recettes était à elle seule de nature à rendre la comptabilité impropre à justifier les résultats ; qu'au surplus il n'est pas contesté que le livre d'inventaire portant sur les exercices clos en 1993, 1994 et 1995 a été établi seulement le 18 mars 1996, pour les besoins de la vérification ;

Considérant par ailleurs qu'à l'issue de la séance du 12 juin 1997 au cours de laquelle le litige opposant M. Y à l'administration a été examiné, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis l'avis d'une part de ne pas regarder la comptabilité de l'entreprise de M. Y comme probante, d'autre part de confirmer les chiffres déterminés par l'administration ; qu'en indiquant d'une part les motifs pour lesquels la comptabilité de l'entreprise de M. Y ne peut être regardée comme probante, d'autre part en déclarant confirmer les chiffres déterminés par l'administration, la commission a, bien que succinctement, suffisamment motivé son avis ; que si Mme X-Y soutient qu'un des membres de la commission a manifesté son désaccord sur l'avis émis par la commission, arguant du fait que celle-ci n'a pas tenu compte de ses observations, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de l'avis émis dès lors qu'il n'est pas allégué que le procès-verbal de la séance ne serait pas conforme au sens de l'avis réellement émis ;

Considérant que les impositions ayant été établies conformément à l'avis rendu régulièrement par la commission départementale des impôts le 12 juin 1997, il appartient à Mme X-Y, en application des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions ;

Considérant que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise de M. Y à partir d'une comptabilité-matière établie après dépouillement de l'ensemble des factures d'achats présentées, s'agissant des activités bar, glaces, autres ventes à emporter et d'une partie de l'activité restaurant-snack ; que pour la reconstitution du surplus de l'activité restaurant-snack, qui représente 3 % du chiffre d'affaires, le vérificateur a retenu un coefficient moyen de marge calculé sur les produits non pris en compte dans la comptabilité matière, c'est à dire les crêpes, ainsi que pour l'année 1995, le menu à 70 F ;

Considérant que contrairement à ce que soutient Mme X-Y, les achats de produits ont été retenus par le vérificateur selon leur conditionnement réel et non systématiquement à l'unité ; que l'extrapolation des achats de moules et d'huîtres à partir d'une semaine ou de dix jours d'achat ne constitue pas une méthode excessivement sommaire, compte tenu du fait que le vérificateur a constaté la très faible importance des achats de moules et huîtres au cours des années vérifiées ; que si Mme X-Y invoque les problèmes sanitaires qui ont pu affecter ponctuellement les moules et huîtres sur certaines parties du littoral vendéen, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que M. Y se fournisse auprès d'autres producteurs ; que ces fruits de la mer ont été toujours proposés dans les menus ; que si Mme X-Y soutient que le vérificateur n'a pas suffisamment pris en compte, s'agissant des bières, les pertes et consommations gratuites, elle n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément de preuve permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que le vérificateur a utilisé pour procéder à la reconstitution un relevé manuscrit des tarifs des consommations en vigueur au 25 mars 1996, relevé que M. Y a signé et dont il a eu par suite connaissance ; que Mme X-Y n'établit pas l'inexactitude des prix ainsi relevés et utilisés pour les besoins de la vérification ; que la requérante ne peut utilement contester la reconstitution du chiffre d'affaires des ventes de glaces en critiquant un prétendu coefficient de marge dès lors que cette reconstitution a été effectuée à partir d'une comptabilité-matière ; que s'agissant de l'activité restaurant-snack, le taux de marge moyen a été retenu à partir des plats non pris en compte dans la comptabilité matière ; que le vérificateur, qui a tenu compte des renseignements que lui a fournis M. Y sur les types de plats proposés à la clientèle, les prix de revient, les quantités, a appliqué ce coefficient aux achats solides non pris en compte dans la comptabilité matière ; qu'eu égard aux lacunes de la comptabilité Mme X-Y n'établit pas que cette méthode serait excessivement sommaire ; qu'enfin si la requérante entend contester la reconstitution en se référant à un coefficient de marge moyen qu'elle a calculé pour dix plats et deux menus, elle ne démontre pas par cette critique qui ne porte que sur une sélection limitée de produits vendus, que la reconstitution du chiffre d'affaires serait exagérée ;

Considérant enfin que si, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, Mme X-Y revendique le bénéfice de la règle pratique admise par l'administration selon laquelle, dans les établissements de “type hamburger”, les ventes à emporter, taxables au taux réduit de 5,5 %, peuvent être estimées à 30 % du chiffre d'affaires de produits solides lorsque la superficie ouverte au public n'excède pas 200 m², elle ne conteste pas le fait que l'établissement de M. Y ne servait que dans des récipients restituables, ce qui exclut la qualification de ventes à emporter, et que les ventes de produits sans récipients ont été admises en tant que ventes à emporter ; qu'enfin la requérante n'apporte aucun élément probant à l'appui de son affirmation selon laquelle les ventes à emporter représenteraient 30 % des ventes totales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X-Y n'est pas fondée à demander la décharge des impositions contestées ; que ses demandes ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X-Y la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Nantes n°s 98-1583 et 98-1585 en date du 23 avril 2002 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. Y devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions des requêtes de Mme X-Y sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Ginette X-Y et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N°s 02NT00985,02NT00986

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02NT00985
Date de la décision : 09/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : TREILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-11-09;02nt00985 ?
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