Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 mai 2002, présentée par la société en nom collectif (SNC) HEULIN, dont le siège est ... au Mans (72005), représentée par son dirigeant en exercice ; la société HEULIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 96.2389 et 97.2194 du 7 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à la réduction de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1992, 1993, 1994 et 1995 dans les rôles de la commune de Caudan (Morbihan) ;
2°) de prononcer la réduction demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 400 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2005 :
- le rapport de Mme Stefanski, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant que, lorsqu'une imposition est, telle la taxe professionnelle, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations ; que les dispositions de l'article L.56 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles la procédure de redressement contradictoire prévue par les articles L.55 à L.61 de ce livre n'est pas applicable en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales, ont pour seul effet d'écarter cette procédure de redressement contradictoire mais ne dispensent pas du respect, en ce qui concerne la taxe professionnelle, des obligations qui découlent du principe général des droits de la défense ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par lettre du 26 mai 1996, l'administration a informé la société en nom collectif (SNC) HEULIN des modifications qu'elle entendait apporter aux bases de sa taxe professionnelle en précisant que les outillages donnés en location pour moins de six mois devaient être imposés au nom du propriétaire et en détaillant, à l'aide de tableaux chiffrés, les bases correspondant à chaque établissement de la société et notamment de celui situé à Caudan ; que, eu égard aux éléments ainsi portés à la connaissance du redevable et alors même que l'administration n'avait pas indiqué les raisons pour lesquelles certains biens étaient rattachés à l'établissement de Caudan plutôt qu'à un autre établissement, la société a été mise à même de présenter utilement ses observations ;
Considérant que la circonstance que l'administration n'a pas expressément invité, dans ses courriers, la société à présenter des observations est sans incidence sur le respect des obligations qui découlent pour l'administration du principe général des droits de la défense ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne le lieu d'imposition des matériels :
Considérant qu'aux termes de l'article 1473 du code général des impôts : “La taxe professionnelle est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés ou rattachés et des salaires versés au personnel…” ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : “La valeur locative est déterminée comme suit… les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois…” ;
Considérant, d'une part, que si la société admet que les biens qu'elle donnait en location à la société SADC étaient entreposés à Caudan et devaient être rattachés à cette commune, elle fait toutefois valoir qu'ils étaient loués pour une durée supérieure à six mois et qu'ils auraient dû être imposés au nom du locataire ; que cependant, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas de la seule liste de biens qui auraient été loués pour plus de six mois à la société SADC, produite par la société requérante sans autre éléments justificatifs, que la durée de location de ces biens était supérieure à six mois ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les biens autres que ceux loués à la société SADC ne pouvaient être entreposés à Caudan où la société ne disposait pas d'une surface suffisante dans la mesure où elle ne prenait en location qu'une partie de l'ensemble immobilier appartenant à la société SADC, alors que l'établissement du Mans comportait un terrain de 15 000 m² sur lequel se trouvaient des bâtiments destinés au stockage et au dépôt de matériels de plus de 4 400 m² ; qu'il résulte également de l'instruction que les principaux chantiers auxquels avait participé la société HEULIN se trouvaient dans les régions Ile de France et Centre ou près du Mans ; qu'il ne ressort pas des déclarations de la société requérante que les matériels en litige étaient situés à Caudan ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de la seule circonstance que la gestion administrative de ces matériels était assurée à Caudan, que ces biens s'y trouvaient entreposés ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs à ces biens, la société HEULIN est fondée à soutenir que la valeur locative des matériels autres que ceux donnés en location à la société SADC ne pouvait être rattachée à l'établissement de Caudan ;
En ce qui concerne la valeur locative du local :
Considérant que si la société fait valoir qu'en l'absence de précisions suffisantes apportées par l'administration au cours de la première instance, c'est à tort que le tribunal administratif a regardé le local type retenu par l'administration comme constituant un terme de comparaison valable, il résulte de l'instruction que l'administration avait indiqué devant les premiers juges, la situation, l'usage, la date de construction, la surface réelle et la surface pondérée de ce local, ainsi que la nécessité de procéder à un ajustement de 20 % pour tenir compte des différences existant entre ce local type et les bâtiments à évaluer, alors que la société requérante n'avait formulé aucune contestation précise ; que dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC HEULIN est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté intégralement ses conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à la SNC HEULIN une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La SNC HEULIN est déchargée des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992, 1993, 1994 et 1995 dans les rôles de la commune de Caudan en tant que ces cotisations résultent de la prise en compte de la valeur locative des matériels autres que ceux donnés en location à la société SADC.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 7 mars 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société HEULIN une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société HEULIN est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC HEULIN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 02NT00683
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