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17/06/2005 | FRANCE | N°05NT00544

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 17 juin 2005, 05NT00544


Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2005, présentée par le Préfet du Morbihan ;

Le Préfet du Morbihan demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500898 du 7 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 22 février 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Békir X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Békir X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par la...

Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2005, présentée par le Préfet du Morbihan ;

Le Préfet du Morbihan demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500898 du 7 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 22 février 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Békir X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Békir X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Martin pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2005 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué,

- les observations de Me Bourges, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Békir X, de nationalité turque, est entré clandestinement en France en janvier 2003 afin de solliciter le statut de réfugié qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 22 octobre 2003, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 3 juin 2004 ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 29 septembre 2004, de la décision du préfet du Morbihan lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que le préfet du Morbihan a pris, le 22 février 2005, l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. X ; qu'à cette date, celui-ci résidait depuis vingt-cinq mois en France et avait épousé, dix-huit mois avant l'intervention de la mesure d'éloignement, une ressortissante de nationalité française avec laquelle il vivait depuis six mois ; que, par ailleurs, l'épouse de M. X est enceinte d'un enfant à naître en août 2005 ; que la communauté de vie des époux, qui habitent dans un logement dont ils sont locataires à Lorient, n'a pas cessé depuis leur mariage ; que, par ailleurs, le préfet du Morbihan n'établit pas que M. X aurait la possibilité, alors que l'intéressé n'est pas en règle avec ses obligations militaires dans son pays d'origine, de solliciter des autorités françaises un visa lui permettant de revenir en France dans les meilleurs délais pour y rejoindre son épouse et son enfant ; que compte-tenu des circonstances de l'espèce, l'arrêté en date du 22 février 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et a ainsi méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Morbihan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 22 février 2005 décidant la reconduite à la frontière de M.X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction formées par M. X :

Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, même formées pour la première fois en appel, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Morbihan de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'État à verser à M. X la somme de 1 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Morbihan est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Morbihan de se prononcer sur la situation de M. X, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'État est condamné à verser à M. X la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Morbihan, à M. Békir X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N° 05NT00544

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05NT00544
Date de la décision : 17/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : BOURGES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-06-17;05nt00544 ?
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