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15/12/2004 | FRANCE | N°00NT01509

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 15 décembre 2004, 00NT01509


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 août 2000, et le mémoire complémentaire enregistré le 19 mars 2002, présentés pour M. et Mme André X, demeurant ..., par Me Balmitgère, avocat au barreau de Strasbourg ; M. et Mme André X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 98734 et 981849 en date du 29 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;

2°) de pr

ononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 août 2000, et le mémoire complémentaire enregistré le 19 mars 2002, présentés pour M. et Mme André X, demeurant ..., par Me Balmitgère, avocat au barreau de Strasbourg ; M. et Mme André X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 98734 et 981849 en date du 29 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 ;

Vu la loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2004 :

- le rapport de M. Grangé, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Sur la régularité de la décision du directeur :

Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher la décision par laquelle le directeur statue sur la réclamation du contribuable sont sans influence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions contestées ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de la direction nationale des vérifications des situations fiscales pour statuer sur la réclamation adressée par les contribuables à la direction des services fiscaux de l'Orne et celui tiré de l'absence prétendue de véritable instruction de cette réclamation sont inopérants ;

Sur la régularité des procédures d'imposition :

Considérant que M. et Mme X, porteurs de parts de la copropriété du navire de croisière Caribmoonlight, ont porté en déduction des bénéfices industriels et commerciaux résultant de l'exploitation de ce navire d'une part, pour l'année 1991, leur quote-part de l'investissement réalisé pour l'acquisition dudit navire, sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts, et d'autre part, pour l'année 1992, déclaré la quote-part correspondant à leurs droits dans la copropriété du résultat d'exploitation de ce navire ; que l'administration, à la suite d'une vérification de comptabilité de la copropriété, a, d'une part, redressé le montant du résultat d'exploitation de 1992 que celle-ci avait déclaré, et tiré les conséquences de ce redressement sur les revenus imposables de M. et Mme X, et, d'autre part, remis en cause la déduction par ces derniers de l'investissement réalisé ;

Considérant qu'il résulte des dispositions insérées au chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967, portant statut des navires et autres bâtiments de mer, et, en particulier des articles 11 et 24 de cette loi, que les membres d'une copropriété de navire détiennent un droit de propriété direct sur celui-ci à proportion de leurs parts dans la copropriété ; qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts : Chaque membre des copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété ; qu'en vertu du 7° du I de l'article 35 et des articles 61 A et 39 E du même code, les bénéfices industriels et commerciaux à déclarer par une copropriété de navire sont déterminés dans les conditions prévues pour les exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel, avant déduction de l'amortissement du navire, chaque membre de la copropriété amortissant ensuite le prix de revient de sa part de copropriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires ; qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : I Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209 (...) ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies D de l'annexe III du même code : La déduction est pratiquée par l'entreprise propriétaire. (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'exercice du droit à déduction prévu à l'article 238 bis HA du code général des impôts de l'investissement constitué par l'acquisition d'un navire en copropriété incombe exclusivement aux membres de la copropriété, propriétaires du navire, à proportion de leurs parts ; qu'il suit de là que la remise en cause par l'administration du droit individuel à déduction d'un copropriétaire ne peut procéder de la vérification de comptabilité de la copropriété, alors même que ce redressement fait suite à une telle vérification ; que, dès lors, les moyens soulevés par M. et Mme X et tirés d'irrégularités affectant la vérification de comptabilité dont la copropriété Caribmoonlight a fait l'objet sont inopérants en ce qui concerne la remise en cause de leur droit individuel à déduction fondé sur les dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts, quelle que soit la rédaction de la notification de redressement qui leur a été personnellement adressée, et ne peut avoir éventuellement de portée qu'en ce qui concerne le redressement, effectué dans le cadre de cette vérification, des résultats déclarés par la copropriété ;

En ce qui concerne la procédure de vérification de comptabilité de la copropriété Caribmoonlight :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 73-I de la loi susvisée du 30 décembre 1977 : 1° les copropriétés de navire... sont tenues aux obligations qui incombent aux exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel... La procédure de vérification des déclarations est suivie directement entre l'administration et la copropriété... ; qu'il résulte de ces dispositions que les moyens tirés par M. et Mme X de ce qu'ils n'ont pas été avisés de la vérification de comptabilité engagée à l'égard de la copropriété et n'ont pas personnellement bénéficié d'un débat oral et contradictoire au cours de cette vérification doivent être écartés ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions des articles L.59 et L.192 du livre des procédures fiscales que, lorsqu'un contribuable demande que le différend qui l'oppose à l'administration et qui relève de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires au titre notamment du 1° de l'article L.59 A du livre des procédures fiscales, soit soumis à cette commission, l'administration est tenue de la saisir ; qu'elle satisfait à cette obligation en procédant à une saisine régulière de la commission ; que les vices de forme ou de procédure, postérieurs à cette saisine, dont serait entaché l'avis de la commission, n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant qu'il est constant que l'administration a régulièrement saisi, à la demande de la copropriété, la commission départementale des impôts de la Guadeloupe ; que celle-ci était territorialement compétente au regard du siège de l'entreprise et de son lieu de direction effective ; que les moyens soulevés par M. et Mme X tirés de ce que la procédure suivie devant cette commission n'aurait pas été contradictoire, et que la commission se serait à tort déclarée compétente pour se prononcer sur le fond du différend dont elle était saisie sont inopérants ; qu'il résulte de l'instruction que l'avis de la commission a été notifié successivement aux deux adresses de la copropriété connues de l'administration ; que les requérants n'établissent pas, par la production de la copie d'une déclaration des bénéfices industriels et commerciaux qui aurait été souscrite en 1995 et dont la réception par un service des impôts n'est pas établie, que la copropriété avait notifié à l'administration une autre adresse située en Martinique ; que les accusés de réception des deux notifications précitées ont été retournés signés au service ; que les requérants n'établissent pas que ces plis auraient été remis à une personne non habilitée ; que l'avis de la commission doit, dès lors, être regardé comme régulièrement notifié ;

En ce qui concerne la procédure suivie à l'égard de M. et Mme X :

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que l'administration a régulièrement saisi, à la demande de M. et Mme X, la commission départementale des impôts du département de l'Orne où ils demeurent et sont imposés ; que comme il a été dit ci-dessus, les vices de forme ou de procédure, postérieurs à cette saisine, dont serait entaché l'avis de la commission, n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition ; que, dès lors, les requérants ne peuvent utilement faire valoir, en tout état de cause, que la commission se serait à tort déclarée incompétente sur le redressement afférent à la remise en cause du bénéfice du régime prévu par l'article 238 bis HA du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, le redressement relatif au régime de l'article 238 bis HA du code général des impôts ne procède pas de la vérification de comptabilité dont la copropriété a fait l'objet ; qu'il résulte de l'instruction qu'il fait suite à un contrôle sur pièces du dossier fiscal des contribuables, quand bien même le service a fondé sa position, dans l'exercice de son droit de communication, sur les informations recueillies lors de la vérification de comptabilité de la société ; que, dès lors, l'administration n'était pas tenue d'indiquer à ceux-ci les conséquences financières de ce redressement, et n'a pas ainsi méconnu les dispositions de l'article L.48 du livre des procédures fiscales ; que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'attitude adoptée par l'administration à l'égard d'autres contribuables ;

Sur le bien fondé des impositions :

En ce qui concerne la réintégration de certaines charges d'exploitation :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ;

Considérant que l'administration a réintégré aux résultats déclarés par la copropriété au titre de l'année 1992, une somme de 1 018 420 F correspondant à une facture en date du 30 décembre 1992 émise par la société Jet Sea, gestionnaire du navire, et relative à la mise à disposition de personnel et l'entretien du bateau ; qu'il résulte de l'instruction que cette facture se rapporte en premier lieu à des prestations de carénage, d'entretien technique, de fournitures de pièces, d'équipage et de ménage ; qu'il est constant que la société française Jet Sea n'effectuait pas elle-même ces prestations, alors au surplus qu'il résulte de l'instruction que le navire est demeuré en Floride pendant toute l'année 1992 ; que la facture litigieuse est ainsi une refacturation de frais externes ; qu'elle ne saurait, dès lors, justifier par elle-même la réalité des prestations effectuées ; que les requérants ne produisent aucun élément de nature à apporter ces justifications ; que la facture se rapporte en second lieu à des frais de comptabilité et administratifs ; que si les requérants se prévalent de la convention de gérance qui prévoirait le versement à la société Jet Sea d'une rémunération annuelle de gérance de 750 000 F, ils ne la produisent pas et ne justifient pas que la facture litigieuse se rapporte pour partie à cette rémunération ; que l'administration était, par suite, fondée à remettre en cause la charge représentée par ladite facture ;

En ce qui concerne le bénéfice du régime de l'article 238 bis HA du code général des impôts :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 238 bis HA du code général des impôts que le régime qu'elles instituent a pour finalité de favoriser la réalisation d'investissements productifs dans les départements d'outre-mer ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies A de l'annexe III au code général des impôts : Les investissements productifs... s'entendent des acquisitions ou créations d'immobilisations neuves, amortissables, affectées aux opérations professionnelles des établissements exploités dans les départements d'outre-mer et appartenant aux secteurs d'activité... du tourisme... ;

Considérant qu'il est constant que le navire Caribmoonlight acquis par la copropriété éponyme a été importé du Canada à Saint-Martin (Guadeloupe) le 23 décembre 1991, mais est retourné aux Etats-Unis dès le début de l'année 1992 faute d'avoir reçu des autorités compétentes les autorisations nécessaires à la navigation selon la réglementation française ; qu'il résulte de l'instruction que ce navire est demeuré aux Etats-Unis et n'est plus revenu en Guadeloupe où il n'a fait l'objet d'aucune exploitation effective ni en 1991 ni ultérieurement ; qu'il ne peut, dès lors, être regardé comme ayant constitué un investissement productif affecté aux opérations professionnelles de la copropriété établie en Guadeloupe, quelles que soient les raisons ayant conduit à cette situation ; que la circonstance, à la supposer établie, que les conditions d'application de l'article 238 bis HA auraient été remplies lors de l'acquisition du navire ne saurait interdire à l'administration de remettre en cause cette application ; que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'une instruction administrative 4 D-2-98 du 23 juin 1998 postérieure à l'expiration du délai de déclaration ; que la circonstance que l'administration a admis, dans le cadre de la procédure contentieuse, de faire bénéficier la copropriété et par suite les requérants, du régime de l'amortissement dégressif pour le navire en cause ne saurait constituer en tout état de cause une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait, au sens de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales, comportant la reconnaissance d'une exploitation effective du navire ni, et à plus forte raison, le droit au bénéfice du régime de l'article 238 bis HA du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme André X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 00NT01509

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 00NT01509
Date de la décision : 15/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Etienne GRANGE
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : BALMITGERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-12-15;00nt01509 ?
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