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25/06/2004 | FRANCE | N°01NT01560

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 25 juin 2004, 01NT01560


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 30 juillet 2001, présentée pour le département du Loiret, représenté par le président du conseil général en exercice, dont le siège est 15, rue Eugène Vignat 45000 Orléans, par Me TARDIF, avocat au barreau d'Orléans ;

Le département du Loiret demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-1622 du 17 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice subi du fait des désordres affectant La Maison

de l'enfance à Orléans ;

2°) de condamner, solidairement, M. X, architecte, la s...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 30 juillet 2001, présentée pour le département du Loiret, représenté par le président du conseil général en exercice, dont le siège est 15, rue Eugène Vignat 45000 Orléans, par Me TARDIF, avocat au barreau d'Orléans ;

Le département du Loiret demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-1622 du 17 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice subi du fait des désordres affectant La Maison de l'enfance à Orléans ;

2°) de condamner, solidairement, M. X, architecte, la société Sabam et la société Socotec à lui verser les sommes de 80 561,10 F TTC au titre de la réparation des désordres affectant l'immeuble, 61 087,87 F en remboursement des frais d'expertise et 20 000 F en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;

.............................................................................................................

C

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2004 :

- le rapport de M. ARTUS, premier conseiller,

- les observations de Me MORAND, avocat de la société Socotec,

- les observations de Me SAUSSEREAU, substituant Me MEUNIER, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le département du Loiret demande à la Cour d'annuler le jugement du 17 mai 2001 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses conclusions en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des désordres affectant le bâtiment du centre maternel de la Maison de l'Enfance à Orléans et de condamner, solidairement, M. X, architecte, la société Sabam et la société Socotec à lui réparer, sur le fondement de la garantie décennale, les entières conséquences dommageables de ces désordres ;

Sur la responsabilité des constructeurs :

Considérant qu'à partir du mois de septembre 1990, des fissures sont apparues sur l'ensemble des façades du bâtiment occupé par le centre maternel de la Maison de l'Enfance ; que le département du Loiret, maître de l'ouvrage, recherche la responsabilité solidaire de M. X, architecte, et des sociétés Sabam, chargée de l'exécution du lot gros oeuvre et Socotec, chargée d'une mission de contrôle technique, relativement aux seuls désordres affectant la partie arrondie de la façade orientée nord-ouest de l'immeuble ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert désigné par ordonnance du 29 novembre 1995 du juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans, que les désordres allégués consistent en des fissures horizontales infiltrantes lesquelles présentent des ouvertures d'1 à 3 mm de largeur et sont dues à un phénomène de tassement au niveau des fondations ; que de telles fissures, qu'elles soient ou non stabilisées, présentent le caractère de désordres de nature à nuire à la solidité de l'immeuble et à le rendre impropre à sa destination et sont, ainsi, susceptibles d'engager la responsabilité décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que contrairement à ce que soutient l'architecte X en se prévalant des dispositions de l'article 1202 du même code, la solidarité prévue par cet article ne saurait faire obstacle à ce que le maître de l'ouvrage demande une condamnation in solidum de l'ensemble des constructeurs, dès lors qu'il établit que ceux-ci ont concouru, du fait de leurs fautes respectives, à la survenance des mêmes désordres ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment, du rapport d'expertise précité, que les fondations de la construction devaient atteindre la cote de 113,5 NGF, soit environ 1 m en dessous du sol fini, ainsi qu'un bureau d'études chargé d'une étude géotechnique des sols l'avait préconisé ; que, toutefois, lesdites fondations n'ont été réalisées qu'à 0,60 m en dessous du sol fini, par la société Sabam en méconnaissance desdites préconisations ; que ce défaut affectant les fondations est également dû à un manquement dans la direction et la surveillance des travaux de la part de M. X, architecte, et à une insuffisance de la société Socotec dans l'exercice de sa mission de contrôle, qui comportait l'examen visuel des fondations au titre de la solidité de l'ouvrage ;

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, l'origine des désordres est imputable à la mauvaise exécution des fondations qui n'ont pas été réalisées à la profondeur préconisée d'au moins un mètre, justifiée par la nature argileuse du sol et ont été exécutées sans précaution particulière des constructeurs en dépit de la présence, à proximité de l'ouvrage, d'une rangée de peupliers, qui bien que représentant un risque supplémentaire de dessiccation des sols, n'a pas retenu leur attention ; que, dans ces conditions, le département du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont limité la responsabilité solidaire desdits constructeurs à 80 % des conséquences dommageables de ce défaut d'exécution ; que, par ailleurs, les conclusions de la société Socotec tendant à sa mise hors de cause ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il suit de là que le département du Loiret est fondé à demander la condamnation solidaire de M. X, architecte, de la société Sabam et de la société Socotec à lui réparer la totalité des conséquences dommageables des désordres susindiqués ;

Sur la réparation :

Considérant, d'une part, que le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent en règle générale la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève les travaux ; que, toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque le maître de l'ouvrage relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable ;

Considérant que, pour l'application de ces principes, il appartient normalement au maître de l'ouvrage, à qui incombe, de façon générale, la charge d'apporter tous les éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir s'il demande que l'indemnité correspondante au coût des travaux nécessaires englobe le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il n'est pas susceptible, à la date normale d'évaluation du préjudice, de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe ; qu'il en va ainsi, particulièrement, lorsque la collectivité locale maître de l'ouvrage envisage d'affecter l'immeuble en cause à l'exercice d'une des activités visées à l'article 256 B du code général des impôts et qu'il est expressément contesté qu'elle ne peut pas déduire ou se faire rembourser le montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à ses fournisseurs ; que le département du Loiret n'apporte pas une telle justification en ce qui concerne la taxe grevant les travaux de réfection de l'équipement social réalisé par les constructeurs en se bornant à invoquer une subvention de l'Etat qui ne recouvre pas la totalité de la taxe payée dans le cadre du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, l'indemnité à laquelle il peut prétendre et qui correspond au coût des réparations nécessaires pour mettre fin aux désordres sus-décrits ne saurait inclure la taxe sur la valeur ajoutée comme l'ont, à bon droit, estimé les premiers juges ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment, du rapport de l'expert, que le coût des travaux de reprise en sous-oeuvre des fondations, de traitement des fissures infiltrantes et de réparation du logement endommagé entraîné par les désordres imputables aux constructeurs s'élève à la somme justifiée de 10 183 euros HT ; que M. X, architecte, la société Sabam et la société Socotec doivent donc être, solidairement, condamnés à verser ladite somme au département du Loiret ; que cette somme devra, comme le département le demande, porter intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1998, date d'enregistrement au greffe du Tribunal administratif d'Orléans, de ses conclusions en réparation ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 61 087,87 F (9 312,79 euros) par ordonnance du 3 août 1997 du président du Tribunal administratif d'Orléans, doivent être mis, solidairement, à la charge de M. X, architecte, de la société Sabam et de la société Socotec ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que M. X, architecte, demande que les sociétés Sabam et Socotec le garantissent des condamnations prononcées à son encontre ; qu'eu égard au rôle déterminant joué par la mauvaise exécution des fondations par la société Sabam dans la formation des désordres auxquels a également contribué l'insuffisance du contrôle de cet élément de l'ouvrage incombant à la société Socotec, il y a lieu de condamner cet entrepreneur et le bureau de contrôle technique à garantir l'architecte X dans la limite, respectivement, de 70 % et de 10 % des condamnations prononcées contre ce dernier ;

Considérant que, pour sa part, la société Socotec demande que M. X, architecte, et la société Sabam la garantissent des condamnations prononcées contre elle ; qu'eu égard aux développements qui précèdent relatifs, notamment, aux manquements relevés de la part, tant de la société Sabam dans l'exécution des travaux que de M. X, architecte, dans la direction et la surveillance de ceux-ci, il y a lieu de condamner cet entrepreneur et le maître d'oeuvre à garantir la société de contrôle technique dans la limite, respectivement, de 70 % et de 20 % des condamnations prononcées contre cette dernière ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner, solidairement, M. X, architecte, la société Sabam et la société Socotec à verser au département du Loiret une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que le département du Loiret, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X, architecte, à la société Sabam et à la société Socotec la somme que chacun d'eux lui demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. X, architecte, la société Sabam et la société Socotec sont condamnés, solidairement, à verser au département du Loiret la somme de 10 183 euros hors taxe (dix mille cent quatre vingt trois euros). Cette somme portera intérêt aux taux légal à compter du 30 juillet 1998.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 61 087,87 F (9 312,79 euros) sont mis, solidairement, à la charge de M. X, architecte, de la société Sabam et de la société Socotec.

Article 3 : M. X, architecte, garantira la société Socotec de 20 % des condamnations prononcées contre cette société.

Article 4 : La société Sabam garantira la société Socotec de 70 % des condamnations prononcées contre cette dernière.

Article 5 : La société Sabam garantira M. X, architecte, de 70 % des condamnations prononcées contre ce dernier.

Article 6 : La société Socotec garantira M. X, architecte, de 10 % des condamnations prononcées contre ce dernier.

Article 7 : M. X, architecte, la société Sabam et la société Socotec verseront, solidairement, au département du Loiret une somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 17 mai 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 9 : Le surplus des conclusions de la requête du département du Loiret et des conclusions de M. X, de la société Sabam et de la société Socotec est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié au département du Loiret, à la société Socotec, à la société Sabam, à M. X, architecte, et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 01NT01560
Date de la décision : 25/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : TARDIF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-25;01nt01560 ?
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