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25/06/2004 | FRANCE | N°01NT00264

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 25 juin 2004, 01NT00264


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 février 2001, présentée par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France, venant aux droits de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher, ayant son siège ..., représentée par son directeur général ;

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 99-971 du 19 décembre 2000 par laquelle le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif d'Orléans lui a donné acte d'un désistement pour l'ensemble de

s conclusions qu'elle avait présentées dans sa demande n° 99-971 et qui tendaient à l...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 février 2001, présentée par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France, venant aux droits de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher, ayant son siège ..., représentée par son directeur général ;

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 99-971 du 19 décembre 2000 par laquelle le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif d'Orléans lui a donné acte d'un désistement pour l'ensemble des conclusions qu'elle avait présentées dans sa demande n° 99-971 et qui tendaient à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher a été assujettie au titre des exercices clos en 1993 et 1994 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables de provisions pour dépréciation de titres de créances négociables et pour créance douteuse, de commissions de collecte de l'épargne et de cotisations de carte bancaire ;

C+ CNIJ n° 54-05-04

n° 19-04-02-01-04-04

2°) de limiter le désistement aux impositions résultant du redressement relatif aux commissions de collecte de l'épargne et d'accorder la décharge du surplus des impositions contestées ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ;

Vu le décret n° 92-137 du 13 février 1992 relatif aux titres de créances négociables ;

Vu le règlement n° 90-01 du 23 février 1990 du Comité de la réglementation bancaire relatif à la comptabilisation des opérations sur titre ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2004 :

- le rapport de M. MARTIN, premier conseiller,

- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision postérieure à l'introduction de la requête, le délégué interrégional des impôts a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence de la somme de 357 534 F (54 505,71 euros), de l'impôt sur les sociétés auquel la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (C.R.C.A.M.) de Loir-et-Cher a été assujettie au titre des années 1993 et 1994, correspondant au redressement du chef des cotisations de cartes bancaires ; que les conclusions de la requête de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (C.R.C.A.M.) Val de France, venant aux droits de la C.R.C.A.M. de Loir-et-Cher, relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que, par un mémoire introductif d'instance, qui a été enregistré le 23 avril 1999 sous le n° 99-971, la C.R.C.A.M. Val de France a demandé au Tribunal administratif d'Orléans la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la C.R.C.A.M. de Loir-et-Cher a été assujettie au titre des exercices clos en 1993 et 1994 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables de commissions de placement de bons à terme et de produits d'épargne dits varius, de cotisations de cartes bancaires, de provisions pour dépréciation de titres de créances négociables et pour créance douteuse ; que, par un mémoire enregistré le 27 octobre 2000, elle a déclaré se désister purement et simplement de l'instance engagée sur les commissions de placement bons et varius ; qu'en donnant acte, par l'ordonnance attaquée du 19 décembre 2000, du désistement de la C.R.C.A.M. pour l'ensemble de ses conclusions, le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif d'Orléans s'est mépris sur la portée du désistement de cette caisse ; qu'il y a donc lieu d'annuler ladite ordonnance en tant qu'elle porte sur les conclusions visant à la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés découlant de la réintégration dans les résultats de la caisse des cotisations de cartes bancaires et des provisions pour dépréciation de titres de créances négociables et pour créance douteuse ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions restant en litige relatives aux provisions pour dépréciation de titres de créances négociables et pour créance douteuse présentées par la C.R.C.A.M. devant le tribunal administratif ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment... 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables... ;

En ce qui concerne la provision pour dépréciation du portefeuille :

Considérant que la C.R.C.A.M. Val de France conteste la réintégration dans les résultats de la C.R.C.A.M. de Loir-et-Cher d'une provision pour dépréciation du portefeuille de bons à moyen terme négociables, constituée le 31 décembre 1994, d'un montant de 707 666 F (107 882,99 euros) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 13 février 1992 relatif aux titres de créances négociables : Les titres de créances négociables définis à l'article 19 de la loi du 26 juillet 1991... comprennent : ... 4° Les bons à moyen terme négociables, d'une durée initiale supérieure à un an... ; qu'aux termes de l'article 1er du règlement n° 90-01 du 23 février 1990 du Comité de la réglementation bancaire relatif à la comptabilisation des opérations sur titres : Les établissements de crédit... comptabilisent dans les conditions prévues par le présent règlement les acquisitions, cessions, prêts ou emprunts de titres, quelles que soient la forme ou la dénomination de ces opérations... Sont considérés comme titres pour l'application du présent règlement : ... les bons du trésor et autres titres de créances négociables émis en France... et, d'une manière générale, toutes les créances représentées par un titre négociable sur un marché ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : Sont considérés comme des titres de placement les titres acquis avec l'intention de les détenir durant une période supérieure à six mois, à l'exception des titres à revenu fixe que l'établissement a l'intention de conserver jusqu'à l'échéance... ; qu'aux termes de son article 6 : Les titres de placement sont enregistrés à la date de leur acquisition et pour leur prix d'acquisition frais exclus... A chaque arrêté comptable, les moins-values latentes ressortant de la différence entre la valeur comptable... et le prix de marché des titres font l'objet d'un provisionnement par ensemble homogène de titres de même nature sans compensation avec les plus-values constatées sur les autres catégories de titres ; qu'il résulte de ces dispositions que les établissements bancaires qui possèdent des bons à moyen terme négociables avec l'intention de les détenir durant une période supérieure à six mois puis de les céder sans attendre leur échéance, doivent enregistrer dans leurs comptes ces titres à leur date d'acquisition et pour leur valeur d'acquisition en tant que titres de placement ; qu'à chaque arrêté comptable, les moins-values latentes ressortant de la différence entre la valeur comptable de ces titres et leur prix de marché doivent faire l'objet d'un provisionnement par ensemble homogène de titres ;

Considérant qu'aux termes de l'article 38 bis B du code général des impôts issu de l'article 29 III de la loi de finances rectificative pour 1990 du 29 décembre 1990 par lequel le législateur a entendu adapter le régime fiscal des titres du portefeuille des établissements de crédit aux dispositions du règlement comptable précité : I. Lorsque des établissements de crédit... achètent ou souscrivent des titres à revenu fixe pour un prix différent de leur prix de remboursement, le profit ou la perte correspondant à cette différence est réparti sur la durée restant à courir jusqu'au remboursement... II. L'application du régime défini au I aux titres qui n'ont pas été inscrits dans un compte où sont regroupés les titres acquis dans l'intention de les conserver jusqu'à leur échéance est subordonnée à une option globale et irrévocable de l'entreprise... III. Les titres qui ont été inscrits dans le compte visé au II ne peuvent faire l'objet de provisions pour dépréciation ; qu'il résulte de ces dispositions que, si les titres d'investissement détenus par les établissements bancaires, définis comme les titres acquis dans l'intention de les conserver jusqu'à leur échéance, ne peuvent faire l'objet de provisions pour dépréciation, cette interdiction ne s'applique pas aux titres de placement à revenu fixe qu'ils détiennent ;

Considérant que l'administration, pour justifier la réintégration de la provision en litige, se fonde sur les dispositions de l'article 38 septies de l'annexe III au code général des impôts selon lesquelles seules les valeurs mobilières doivent faire l'objet d'une estimation à la fin de chaque exercice ; qu'elle soutient que la classification des titres de créances négociables dans un compte de titres de placement n'a pas pour effet de leur conférer la qualité de valeurs mobilières ; que, toutefois, ces dispositions de nature réglementaire ne peuvent faire obstacle à l'application des dispositions précitées de l'article 38 bis B du code général des impôts ; que l'administration, qui supporte la charge de la preuve, ne conteste pas que les bons à moyen terme négociable ayant fait l'objet de la provision litigieuse étaient des titres de placement à revenu fixe entrant dans le champ d'application de l'article 38 bis B ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de déterminer si ces titres constituent ou non des valeurs mobilières au sens de l'article 38 septies de l'annexe III du code, la C.R.C.A.M. est fondée à demander la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1994 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables de la provision pour dépréciation de titres de créances négociables ;

En ce qui concerne la provision pour créance douteuse :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la caisse requérante a consenti en 1987, sans prendre de garantie, une autorisation de découvert au comité d'aménagement régional et de développement (C.A.R.D.), composé de collectivités territoriales, de chambres consulaires et de comités départementaux pour l'habitat et l'aménagement rural, dont l'activité consistait à favoriser le développement et l'amélioration de l'habitat dans la région Centre ; que les parties ont décidé de mettre un terme à ce concours en juillet 1990 et ont conclu un plan d'apurement de la dette sur 24 mois ; que, cependant, le C.A.R.D. a rencontré des difficultés financières fin 1991 qui ne lui ont pas permis de tenir ses engagements et l'ont conduit à cesser son activité à compter du 31 janvier 1993 ; que la caisse régionale a constitué une provision du montant de sa créance égal à 554 345 F (84 509,35 euros) ; que l'administration a réintégré la provision dans les résultats imposables au tire de l'exercice clos en 1994 ;

Considérant que l'administration soutient que la société requérante, en ne prenant aucune garantie ni lors de la mise en oeuvre du financement initial, ni lors de la conclusion du plan d'apurement, contrairement à la pratique bancaire, a commis un acte anormal de gestion ; que pour l'application des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, selon lesquelles le bénéfice net imposable est déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, seuls peuvent ne pas être pris en compte les actes ou opérations qui ont été réalisés à des fins autres que celle de satisfaire les besoins, ou, de manière générale, les intérêts de l'entreprise et qui, dans ces conditions, ne peuvent pas être regardés comme relevant d'une gestion normale de celle-ci ; que, par suite, ne relèvent pas nécessairement d'une gestion anormale tous les actes ou opérations que l'exploitant décide de faire en n'ignorant pas qu'il expose ainsi l'entreprise au risque de devoir supporter certaines charges ou dépenses ; que c'est seulement si de telles opérations ont été décidées à des fins étrangères aux intérêts de l'entreprise qu'elles peuvent être réputées relever d'une gestion anormale ; qu'il suit de là qu'en se bornant à faire valoir que la caisse requérante n'avait pas pris toutes les précautions d'usage en vue de s'assurer du recouvrement de la créance qu'elle détenait sur le C.A.R.D., sans apporter un commencement de preuve de ce que l'octroi de ce financement puis le plan d'apurement avaient été décidés à des fins étrangères aux intérêts de la caisse, l'administration n'établit pas que cette dernière aurait commis un acte anormal de gestion ; que, dans ces conditions, la C.R.C.A.M. est fondée à demander la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1994 à raison de la réintégration de ladite provision pour créance douteuse ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la C.R.C.A.M. Val de France est fondée à demander la décharge des impositions supplémentaires restant en litige ;

DÉCIDE :

Article 1er :

A concurrence de la somme de 54 505,71 euros (cinquante quatre mille cinq cent cinq euros soixante et onze centimes), en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables des cotisations de cartes bancaires, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France.

Article 2 :

L'ordonnance du 19 décembre 2000 du président de la troisième chambre du Tribunal administration d'Orléans est annulée en tant qu'elle donne acte à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France du désistement de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles cette caisse a été assujettie au titre des exercices clos en 1994 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables des cotisations de cartes bancaires et des provisions pour dépréciation de titres de créances négociables et pour créance douteuse.

Article 3 :

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés restant en litige auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1994 à raison de la réintégration dans ses résultats des provisions pour dépréciation de titres de créances négociables et pour créance douteuse.

Article 4 :

Le présent arrêt sera notifié à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 01NT00264
Date de la décision : 25/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-25;01nt00264 ?
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