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16/06/2004 | FRANCE | N°01NT00609

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 16 juin 2004, 01NT00609


Vu, 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 avril 2001, sous le n° 01NT00609, présentée pour Mme Danièle X, demeurant ..., par Me PESNEAU, avocat au barreau de Nantes ;

Mme Danièle X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°s 96.2864-96.2892 en date du 26 janvier 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvement social et de contribution sociale généralisée auxquels son époux et elle-même ont été as

sujettis au titre des années 1988, 1989 et 1990, ainsi que les pénalités correspondan...

Vu, 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 avril 2001, sous le n° 01NT00609, présentée pour Mme Danièle X, demeurant ..., par Me PESNEAU, avocat au barreau de Nantes ;

Mme Danièle X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°s 96.2864-96.2892 en date du 26 janvier 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvement social et de contribution sociale généralisée auxquels son époux et elle-même ont été assujettis au titre des années 1988, 1989 et 1990, ainsi que les pénalités correspondantes ;

C

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, 2°) le recours enregistré au greffe de la Cour le 8 juin 2001, sous le n° 01NT01053, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°s 96.2864-96.2892 en date du 26 janvier 2001 du Tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a réduit le montant d'une plus-value sur cession de titres imposable à l'impôt sur le revenu de l'année 1988 de M. et Mme Y ;

2°) de rétablir l'imposition de M. et Mme Y à raison des droits et intérêts de retard correspondant à un rehaussement en base de la plus-value à hauteur de 3 301 045 F ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2004 :

- le rapport de Mme MAGNIER, président,

- les observations de Me PESNEAU, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de Mme X et le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie concernent les impositions d'un même foyer fiscal et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt ;

Sur l'imposition du foyer fiscal :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : 1... Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles... ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédé de la mention Monsieur ou Madame ; qu'aux termes de l'article L.54 A du livre des procédures fiscales : Sous réserve des dispositions des articles L.9 et L.54, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre ; que le législateur a, par ces dispositions, entendu donner à chacun des époux qualité pour suivre les procédures relatives à l'imposition commune due à raison de l'ensemble des revenus du foyer, quand bien même les intéressés seraient, à la date de ces procédures, séparés ou divorcés ;

Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la notification des redressements afférents à l'année 1988 et faisant suite à un contrôle sur pièces du dossier du foyer fiscal de M. Y et Mme Y-X, a été envoyée le 17 décembre 1991 à l'adresse du couple à M. ou Mme Y ; que l'avis de réception du pli recommandé est signé du nom Y ; qu'en se bornant à soutenir que cette signature n'est ni la sienne, ni celle de son époux, Mme X n'établit pas que ce pli aurait été irrégulièrement délivré ; que, par ailleurs, le moyen tiré de la circonstance qu'elle ne résidait plus à l'adresse du foyer fiscal à la suite de la séparation des époux et qu'elle avait fait connaître à l'administration sa nouvelle adresse, dès le mois de juin de cette année 1991, est inopérant dès lors que l'administration était seulement tenue, en application des dispositions précitées de l'article L.54 A du livre des procédures fiscales, d'expédier la notification de redressements à l'adresse du foyer fiscal ;

Considérant, d'autre part, que M. et Mme Y ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre de l'année 1989, au cours de laquelle l'administration leur a adressé une demande de justifications en application de l'article L.16 du livre des procédures fiscales ; que, par ailleurs, les contribuables ont été mis en demeure les 31 mars et 23 juin 1992 de déclarer leurs revenus de l'année 1990 jusqu'au 30 juin 1990, date de leur séparation ; que ces courriers sont restés sans réponse ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L.54 A du livre des procédures fiscales, l'administration n'était toutefois pas tenue, bien qu'elle n'ait plus eu aucun contact avec M. Y depuis le 31 mars 1992, de renouveler les demandes et les mises en demeure auprès de Mme X à sa nouvelle adresse, alors même que M. Y aurait été, selon les termes de la requérante, en voie de marginalisation et négligent quant à ses obligations à l'égard du service des impôts ; que Mme X n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le contrôle de la situation fiscale personnelle des ex conjoints et la mise en oeuvre au titre de l'année 1989 de la taxation d'office prévue à l'article L.69 du livre des procédures fiscales auraient été irréguliers du seul fait qu'elle n'aurait pas été personnellement rendue destinataire de ces actes de procédure ; que, de même, l'administration était en droit, faute d'avoir reçu des contribuables une quelconque déclaration après l'envoi des deux mises en demeure, de faire application des dispositions de l'article L.66 du livre des procédures fiscales et de taxer d'office leur revenus du premier semestre de l'année 1990 ;

Sur l'imposition de la plus-value réalisée en 1988 :

Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L.169 du livre des procédures fiscales : Pour l'impôt sur le revenu..., le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; que, comme il a été dit ci-dessus, la notification de redressements portant sur l'imposition de l'année 1988 a été régulièrement adressée aux contribuables le 17 décembre 1991 ; que Mme X n'est par suite pas fondée à soutenir que faute d'avoir reçu cette notification avant le 31 décembre 1991, et alors même que les contribuables n'en auraient effectivement pris connaissance qu'au cours du mois de mars 1992, ladite imposition serait prescrite ;

Considérant d'autre part, que M. Y a conclu, le 31 mars 1988, avec la société CASTEL Frères, un protocole d'accord en vue, notamment, de préciser les conditions financières de la cession à celle-ci des titres qu'il détenait de la société Figelial qui a pour activité la commercialisation de vins ; que le tribunal administratif a tenu compte, pour déterminer la plus-value réalisée à l'occasion de cette cession, d'un arrêt de la Cour d'appel de Toulouse en date du 28 avril 1997 tranchant le litige opposant les parties à cette cession, pour limiter à 668 440 F le montant de la plus-value estimée par l'administration à 6 031 600 F ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande seulement que le montant de cette plus-value imposable soit rehaussé à hauteur de 3 301 045 F (503 241,07 euros) ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 160 alors en vigueur du code général des impôts : Lorsqu'un associé, actionnaire... cède, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition... de ces droits est taxé exclusivement à l'impôt sur le revenu au taux de 16 % ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'en vertu du protocole susmentionné, le prix d'achat des actions devait être fixé à 9 400 000 F, une clause de garantie prévoyant cependant que ce prix pourrait être révisé à la baisse en cas de constatation, le 31 décembre 1988, d'une diminution des volumes annuels de vente et d'une situation nette négative de la société Figelial et de sa filiale, la société ROUSSEAU ; que le ministre admet que ces deux clauses ont trouvé à s'appliquer et doivent conduire à fixer le prix de vente des actions à 5 051 045 F ; que ne peut en revanche être retenu l'existence de créances irrécouvrables dans l'actif de la société ROUSSEAU, non établie avec suffisamment de précision avant l'expiration de l'année civile au cours de laquelle est intervenue la cession qui constitue le fait générateur de l'imposition de la plus-value, soit au 31 décembre 1988 ; qu'il n'y avait pas lieu non plus de tenir compte, pour évaluer la plus-value litigieuse, de la cession d'actions de la société ACP d'un montant de 500 000 F, cette cession n'étant pas en litige ; que, par ailleurs, il est constant que le prix d'acquisition des actions doit être établi à 250 000 F ; qu'enfin, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie admet en appel que les contribuables doivent être regardés comme ayant déclaré cette plus-value, au titre de leur revenu de l'année 1988, à hauteur de 1 500 000 F ; que, dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nantes a retenu l'évaluation des titres de la S.A. Figelial à laquelle s'est livrée la Cour d'appel de Toulouse dans son arrêt en date du 28 avril 1997 pour calculer le montant de la plus-value imposable et que celui-ci doit être rehaussé d'un montant de 3 301 045 F (503 241,07 euros) ;

Sur les revenus d'origine indéterminée taxés au titre des années 1989 et 1990 :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'administration a fait application en ce qui concerne l'année 1989, des dispositions des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales et que les revenus du premier semestre de l'année 1990 ont été également taxés d'office, faute pour les contribuables d'avoir souscrit une déclaration malgré l'envoi régulier d'une mise en demeure en ce sens ;

Considérant que pour justifier du caractère non imposable des sommes restant en litige en appel, qui ont fait l'objet de redressements à raison de ce qu'elles figuraient au crédit des divers comptes bancaires ouverts au nom des contribuables, Mme X se borne à faire valoir que les sommes encaissées au cours de l'année 1989 proviennent de la cession des titres Figelial à la société CASTEL Frères ; que toutefois elle ne l'établit pas ; qu'elle n'établit pas davantage la réalité des ventes d'objets d'antiquités ou de collection qu'elle invoque ni que les versements d'espèces correspondraient à des retraits d'espèces antérieurs ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et de ces écritures non contestées sur ce point par l'administration, que le vérificateur a commis une erreur dans sa lettre adressée aux contribuables en application de l'article L.16 en demandant la justification de la remise de 50 000 F (7 622,45 euros) en espèces sur le compte ouvert au Crédit agricole sous le n° 038 287 49000, le 30 septembre 1989, alors que ladite remise a eu lieu le 31 mars de la même année ; qu'ainsi, les contribuables n'ont pas été alors mis à même de déceler celle des opérations pour laquelle l'administration leur demandait de produire les justifications attendues ; que, dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme X dans cette mesure ;

Sur les pénalités :

Considérant que les droits d'impôt sur le revenu, qui ont été notifiés à M. et Mme Y au titre du premier semestre de l'année 1990, ont été taxés d'office après que l'administration leur a adressé deux mises en demeure restées sans effet ; que l'administration a assorti ces droits de la pénalité au taux de 80 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ;

Considérant d'une part que, contrairement à ce que fait valoir Mme X, et ainsi que cela a été précisé ci-dessus, la procédure de taxation d'office a été régulièrement appliquée faute pour les contribuables d'avoir déposé les déclarations requises ; que l'administration était par suite fondée à faire application des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ;

Considérant d'autre part, que Mme X ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui de son moyen tiré de ce que la procédure administrative de contrôle et de redressement litigieuse est inéquitable à raison de ce qu'elle n'y a été associée à aucun moment, dès lors que les stipulations de ladite convention ne sont pas applicables aux procédures administratives relatives à l'établissement de ces pénalités ;

Considérant enfin qu'aux termes de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. - Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; qu'il résulte de ces dispositions et en particulier de la référence faite à un rehaussement d'impositions, que le droit qu'elles reconnaissent au contribuable, de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, de l'interprétation donnée par celle-ci d'un texte fiscal, a pour seul objet de lui permettre de contester le bien-fondé d'une imposition à l'établissement de laquelle l'administration a procédé en faisant usage de ses pouvoirs de contrôle et de reprise, et ne peut, en revanche, fonder une contestation du bien-fondé propre des intérêts de retard ou majorations dont a été assortie cette imposition ; que par suite, Mme X ne saurait utilement invoquer, pour obtenir la décharge des pénalités litigieuses, l'instruction 13-L-1-97 du 27 janvier 1997 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, Mme Danièle X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la totalité du surplus des conclusions de sa demande concernant les revenus d'origine indéterminée et que, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif a réduit le rehaussement du montant de la plus-value réalisée en 1988 à un montant inférieur à 503 241,07 euros ;

Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er :

Le rehaussement de la plus-value réalisée en 1988 par M. et Mme Y sera arrêté à un montant de 503 241,07 euros (cinq cent trois mille deux cent quarante et un euros sept centimes).

Article 2 :

M. et Mme Y sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu à concurrence de la différence entre la base fixée à l'article 1er et le montant laissé à la charge des contribuables par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nantes.

Article 3 :

La base de l'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme Y au titre de l'année 1989 est réduite de la somme de 7 642,45 euros (sept mille six cent quarante-deux euros quarante-cinq centimes).

Article 4 :

M. et Mme Y sont déchargés des droits d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes qui leur ont été notifiés au titre de l'année 1989 à raison de la réduction en base fixée à l'article 3.

Article 5 :

Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 26 janvier 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 :

Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 7 :

Le présent arrêt sera notifié à Mme Danièle X, à M. Jean-Claude Y et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 01NT00609
Date de la décision : 16/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Françoise MAGNIER
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : PESNEAU ; PESNEAU ; PESNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-16;01nt00609 ?
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