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25/05/2004 | FRANCE | N°00NT01606

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 25 mai 2004, 00NT01606


Vu, 1° sous le n° 00NT01606, le recours enregistré au greffe de la Cour le 15 septembre 2000, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-2364 du 19 juillet 2000 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. et Mme Y une somme de 40 000 F en réparation des troubles dans les conditions d'existence que leur causent les nuisances sonores résultant des attractions présentes sur la ... à Lorient (Morbihan) ;

2°) de rejeter la demande en réparation

présentée par M. et Mme Y devant le Tribunal administratif de Rennes ;

...............

Vu, 1° sous le n° 00NT01606, le recours enregistré au greffe de la Cour le 15 septembre 2000, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-2364 du 19 juillet 2000 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. et Mme Y une somme de 40 000 F en réparation des troubles dans les conditions d'existence que leur causent les nuisances sonores résultant des attractions présentes sur la ... à Lorient (Morbihan) ;

2°) de rejeter la demande en réparation présentée par M. et Mme Y devant le Tribunal administratif de Rennes ;

................................................................................................................

C+ CNIJ n° 61-01-01

n° 60-01-04-01

n° 60-02-03-02-02

n° 60-01-03-04

n° 60-04-03-03

Vu, 2° sous le n° 00NT01633, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 22 septembre 2000, présentée pour la ville de Lorient, représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité par délibération du 16 avril 1998 du conseil municipal, et dont le siège est Hôtel de ville 56325 Lorient Cedex, par Me MARTIN, avocat au barreau de Rennes ;

La ville de Lorient demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-2364 du 19 juillet 2000 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. et Mme Y une somme de 40 000 F en réparation des troubles dans les conditions d'existence que leur causent les nuisances sonores résultant des attractions présentes sur la ... ;

2°) de rejeter la demande en réparation présentée par M. et Mme Y devant le Tribunal administratif de Rennes ;

3°) de condamner M. et Mme Y à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2004 :

- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,

- les observations de Me LE STRAT, substituant Me MARTIN, avocat de la ville de Lorient,

- les observations de Me PIERRE, avocat de M. et Mme Y,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours n° 00NT01606 susvisé du ministre de l'intérieur et la requête n° 00NT01633 susvisée de la ville de Lorient (Morbihan) sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que le ministre de l'intérieur et la ville de Lorient interjettent appel du jugement du 19 juillet 2000 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a déclaré l'Etat et cette commune responsables des préjudices subis par M. et Mme Y du fait des nuisances sonores résultant des fêtes foraines qui se tiennent régulièrement ..., à Lorient et a condamné chacune de ces personnes publiques à verser aux intéressés la somme de 40 000 F (6 097,96 euros) en réparation des troubles qu'ils ont subi dans leurs conditions d'existence ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme Y demandent que le montant de leur indemnisation soit porté à la somme totale de 600 000 F (91 469,41 euros) en réparation desdits troubles et de la dépréciation de leur appartement ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions des articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique, antérieurement codifiées sous les articles L. 1 et L. 2 de ce code, donnent compétence à l'autorité préfectorale pour édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune, notamment, en matière de lutte contre les bruits de voisinage ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 26 juin 1990 du préfet du Morbihan relatif à la lutte contre le bruit, pris sur ce fondement et modifié par arrêté préfectoral du 3 mars 1992 : Sur la voie publique et dans les lieux publics ou accessibles au public, sont interdits, les bruits gênants par leur intensité (...). Les bruits gênants peuvent être tolérés à l'occasion de la fête nationale du 14 juillet, de Noël, du jour de l'an, de la fête de la musique, des fêtes ou des manifestations commerciales habituelles de la commune ou d'un quartier ainsi que pour l'exercice de certaines professions. Dans toutes ces circonstances, le maire fixe les horaires durant lesquels cette tolérance est admise (...) ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même arrêté : Outre le respect des dispositions des articles précédents, les organisateurs des fêtes foraines, les exploitants de manèges et d'attractions diverses sont tenus, sauf dérogations exceptionnelles accordées par les services préfectoraux, d'implanter leurs installations à plus de 250 m d'habitations occupées par des tiers (...) ; si ces installations doivent fonctionner plus d'une journée. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet du Morbihan a, sur le fondement de ces dispositions, accordé, chaque année, la dérogation sollicitée par le maire de Lorient afin d'autoriser, ... et ..., à moins de 250 mètres d'habitations occupées par des tiers, les attractions foraines qui ont lieu à l'occasion des fêtes traditionnelles de Pâques, de la Victoire, de Noël et du Festival interceltique ; que ces dérogations, délivrées pour autoriser l'implantation de quatre fêtes foraines d'une durée de quinze jours à trois semaines et renouvelées chaque année, ne peuvent être regardées comme accordées à titre exceptionnel au sens des dispositions précitées ; que, par suite et quelles que soient les prescriptions auxquelles il a conditionné ces dérogations, le préfet du Morbihan a méconnu les dispositions précitées de l'article 4 de son arrêté du 26 juin 1990 ; que l'illégalité ainsi commise dans l'application d'une réglementation particulière pour lutter contre le bruit, est constitutive d'une faute qui, contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat sans avoir à recevoir la qualification de faute lourde ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 131-2 du code des communes repris à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; (...) ; qu'en vertu de ces dispositions, il incombe au maire de prendre les mesures appropriées pour lutter, sur le territoire de la commune, contre les émissions de bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants et d'assurer le respect de la réglementation édictée à cet effet, dont font, notamment, parties les dispositions précitées de l'arrêté préfectoral du 26 juin 1990 modifié, relatif à la lutte contre le bruit ;

Considérant qu'ainsi qu'il est dit plus haut, les dérogations accordées annuellement par le préfet du Morbihan, sur la demande du maire de Lorient, pour l'implantation des fêtes foraines, ... et ..., à moins de 250 mètres des habitations, étaient illégales ; que, par voie de conséquence, en signant, chaque année, des arrêtés municipaux fixant le lieu des fêtes foraines sur ces places, le maire de Lorient ne peut être regardé, quelles que soient les prescriptions édictées, comme ayant pris les mesures appropriées pour empêcher les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants ; qu'en tout état de cause, si à compter de 1997, le maire, alerté par de nombreuses plaintes, a prescrit des mesures, notamment, à l'attention des artisans forains afin, d'une part, de les informer et de les engager à respecter les horaires fixés en vue de réduire les nuisances sonores, d'autre part, d'équiper leurs appareils de sonorisation de limitateur de bruit à un niveau maximal de 75 décibels, il résulte de l'instruction que faute d'avoir mis en oeuvre les sanctions annoncées, ces mesures se sont révélées insuffisantes et inefficaces pour assurer le respect des obligations édictées et faire cesser les nuisances sonores, lesquelles étaient, compte tenu de leur persistance et de leur intensité, en particulier après 22 heures, de nature à porter gravement atteinte à la tranquillité et au repos nocturne ; qu'ainsi, en ne prenant pas les mesures de police appropriées en vue de prévenir et de mettre rapidement fin à ces troubles, l'autorité municipale a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Lorient ;

Considérant, en dernier lieu, que toute personne est en droit de bénéficier d'un fonctionnement normal des services de police et notamment, en cas de troubles à l'ordre public, de demander l'intervention des mesures de police nécessaires pour faire cesser ces troubles, sans que la connaissance qu'elle était susceptible d'avoir de ceux-ci puisse lui être opposée, dès lors qu'aucun comportement imprudent ou fautif ne peut lui être reproché ; que l'installation de M. et Mme Y, en mai 1993, dans un appartement situé ..., ne saurait constituer un comportement imprudent ou fautif alors même qu'originaires de Lorient, les intéressés avaient connaissance de l'implantation, à cet endroit, des fêtes foraines ; que, par suite, l'Etat et la ville de Lorient ne sont pas fondés à demander à être exonérés, même partiellement, de leur responsabilité, au motif que M. et Mme Y auraient accepté le risque de subir les nuisances sonores dont ils se plaignent ;

Sur les préjudices :

Considérant que M. et Mme Y, qui ont acquis leur immeuble en 1993, alors qu'il résulte de l'instruction que les fêtes foraines avaient lieu ... depuis le dix-neuvième siècle, n'établissent pas l'existence d'un préjudice immobilier résultant de la perte de valeur vénale de leur appartement du fait des nuisances sonores résultant de l'implantation desdites fêtes foraines ; qu'en fixant à 40 000 F (6 097,96 euros), le montant de l'indemnité due, aussi bien par l'Etat, que par la ville de Lorient, à M. et Mme Y au titre des troubles dans leurs conditions d'existence entraînées par ces nuisances, les premiers juges ont fait une appréciation du préjudice subi par les intéressés qui n'est, ni exagérée, ni insuffisante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et la ville de Lorient ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes les a condamnés à verser, chacun, à M. et Mme Y, une somme de 6 097,96 euros ; qu'en outre, les conclusions du recours incident de M. et Mme Y tendant à obtenir une indemnisation plus élevée, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme Y, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnés à payer à la ville de Lorient la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner l'Etat et la ville de Lorient à payer, chacun, à M. et Mme Y, une somme de 500 euros au titre des frais de même nature exposés par ces derniers ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur et la requête de la ville de Lorient (Morbihan) sont rejetés.

Article 2 : L'Etat et la ville de Lorient verseront, chacun, à M. et Mme Y, une somme de 500 euros (cinq cent euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions incidentes de M. et Mme Y sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, à la ville de Lorient et à M. et Mme Y.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 00NT01606
Date de la décision : 25/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine WEBER-SEBAN
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-05-25;00nt01606 ?
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