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26/12/2003 | FRANCE | N°02NT01147

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 26 décembre 2003, 02NT01147


Vu, 1° sous le n° 02NT01147, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 2002, présentée pour M. Jean-Jacques Y, demeurant 501, Keruhelgwenn 29870 Landeda, par la société civile professionnelle CHEVALLIER-HALLOUET-ROBIN, avocat au barreau de Brest ;

M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-3848 du 25 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. et Mme , l'arrêté du 30 octobre 2001 par lequel le maire de Lannilis (Finistère) lui a délivré un permis de construire sur un terrain situé au lieu-

dit Kérizouarn ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme devant le ...

Vu, 1° sous le n° 02NT01147, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 2002, présentée pour M. Jean-Jacques Y, demeurant 501, Keruhelgwenn 29870 Landeda, par la société civile professionnelle CHEVALLIER-HALLOUET-ROBIN, avocat au barreau de Brest ;

M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-3848 du 25 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. et Mme , l'arrêté du 30 octobre 2001 par lequel le maire de Lannilis (Finistère) lui a délivré un permis de construire sur un terrain situé au lieu-dit Kérizouarn ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme devant le Tribunal administratif de Rennes ;

3°) de condamner M. et Mme à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................................................

C CNIJ n° 68-03-03-01-04

Vu, 2° sous le n° 02NT01945, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 16 août 2002, présentée pour la commune de Lannilis, représentée par son maire en exercice, par Me LEROY, avocat au barreau de Brest ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-3848 du 25 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. et Mme , l'arrêté du 30 octobre 2001 par lequel le maire a délivré à M. Y un permis de construire sur un terrain situé au lieu-dit Kérizouarn ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme devant le Tribunal administratif de Rennes ;

3°) de condamner M. et Mme à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement et notamment, son article L. 321-2 issu de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ;

Vu le décret-loi du 21 février 1852 relatif à la fixation des limites de l'inscription maritime dans les fleuves et rivières affluant à la mer et sur le domaine public maritime ;

Vu le décret du 4 juillet 1853 portant règlement sur la pêche maritime côtière dans le deuxième arrondissement maritime ;

Vu le décret du 17 novembre 1884 pris en application de l'article 2 du décret-loi du 21 février 1852 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2003 :

- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,

- les observations de Me HALLOUET, avocat de M. Y,

- les observations de Me LE DIRAC'H, substituant Me BOIS, avocat de M. et Mme ,

- les observations de Me PRIEUR, substituant Me LE ROY, avocat de la commune de Lannilis,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 02NT01147 de M. Y et n° 02NT01945 de la commune de Lannilis (Finistère) sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par M. et Mme :

Considérant que, par arrêté du 30 octobre 2001, le maire de Lannilis a accordé à M. Y un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation d'une surface hors oeuvre nette de 208 m² au lieudit Kerizouarn sur le territoire communal où il est cadastré à la section AM sous les n°s 65p, 69p et 73p ; que les requêtes de M. Y et de la commune de Lannilis sont dirigées contre le jugement par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté ; que si, par un arrêté postérieur à l'enregistrement de ces requêtes, le maire a, pour le même projet, délivré un nouveau permis qu'il a d'ailleurs retiré par la suite, cette circonstance n'a en rien modifié l'état de droit résultant du jugement du tribunal administratif et ne prive pas de son objet le litige portant sur la légalité du permis de construire du 30 octobre 2001 ; qu'il y a donc lieu de statuer sur l'appel de M. Y et sur celui de la commune de Lannilis ;

Sur la légalité du permis de construire du 30 octobre 2001 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : - dans les communes littorales définies à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (...) ; qu'aux termes de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, codifiant l'article 2 de la loi du 3 janvier 1986 : Sont considérées comme communes littorales, au sens de la présente loi, les communes (...) : - riveraines des mers et océans, (...) ; - riveraines des estuaires (...) lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d'Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés ; qu'aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme applicable dans les communes littorales : I.- L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, que la limite amont d'un estuaire est déterminée, pour l'application de la loi précitée, par la limite de salure des eaux issue du décret-loi susvisé du 21 février 1852 ; que si ladite loi du 3 janvier 1986 ne définit pas la limite aval d'un estuaire, il y a lieu de se référer, pour la détermination de cette limite, aux décrets qui ont été pris en application dudit décret-loi du 21 février 1852 aux fins de fixer la limite transversale de la mer et de déterminer la jonction entre les domaines publics maritime et fluvial ; que, s'agissant de l'estuaire de l'Aber Wrac'h, la limite de salure des eaux a été fixée par le décret susvisé du 4 juillet 1853, au lieu-dit Moulin Diouris, sur le territoire de la commune de Landeda (Finistère), tandis que la limite transversale de la mer a été fixée, après enquête publique, par le décret également susvisé du 17 novembre 1884, au lieudit Pont Créach, sur le territoire de la commune de Lannilis ; que, par suite, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, la commune de Lannilis, dont les rivages bordent cet aber en aval de la limite transversale de la mer, doit être regardée comme une commune littorale en application des dispositions de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme ;

Considérant, cependant, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment, des plans et photographies produites en appel, que le projet litigieux de construction d'une maison à usage d'habitation, se situe, non comme l'a jugé le tribunal, à l'écart de parcelles construites, mais à l'intérieur d'une partie de l'agglomération de la commune de Lannilis, nettement distincte des parcelles agricoles restées à l'état naturel situées à l'est, et constituée, d'une part, par les habitations du lieu-dit Le Kerizouarn, d'autre part, par l'urbanisation continue de la zone de Paluden ; que le projet autorisé étant, ainsi, en continuité avec une agglomération existante, c'est à tort, que le Tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, pour annuler le permis de construire litigieux ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur : L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma directeur ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. Cet accord est donné après que la commune a motivé sa demande et après avis de la commission départementale des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Les communes intéressées peuvent également faire connaître leur avis dans un délai de deux mois suivant le dépôt de la demande d'accord. Le plan d'occupation des sols ou le plan d'aménagement de zone doit respecter les dispositions de cet accord. ;

Considérant que le terrain d'assiette du projet litigieux est situé, à une distance de 200 mètres de l'Aber Wrac'h, en aval de la limite transversale de la mer telle qu'elle a été fixée par le décret susmentionné ; que si ce projet, qui doit être regardé comme une extension d'urbanisation, se situe ainsi dans un espace proche du rivage de la mer au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme et non du rivage d'un estuaire, ainsi qu'il a été dit plus haut, il ressort des pièces du dossier, que le rapport de présentation du plan d'occupation des sols révisé approuvé par délibération du 21 février 2001 du conseil municipal de Lannilis, en vigueur à la date du 30 octobre 2001 à laquelle a été accordé le permis contesté, comportait une justification et une motivation d'une extension limitée de l'urbanisation dans ce secteur de la commune selon des critères liés à la configuration des lieux ; qu'ainsi, le permis de construire litigieux, alors même qu'il a été délivré sans qu'ait été obtenu l'accord préalable du préfet du Finistère, n'est pas intervenu en méconnaissance des dispositions précitées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de la demande de permis de construire présentée par M. Y, et notamment, de la coupe transversale du projet, que la hauteur de la construction litigieuse, laquelle est partiellement enterrée, est de 3,5 m par rapport au sol naturel matérialisé sur ce schéma par un pointillé passant par les côtes 60,3 et 59,88 ; que cette hauteur correspond à celle mentionnée sur l'imprimé CERFA de demande de permis de construire ; que, par suite, le moyen tiré d'une contradiction, en ce qui concerne la hauteur du projet, opposant les divers documents soumis à l'appréciation de l'administration, manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, que l'extrait cadastral joint à la demande de permis de construire fait explicitement apparaître la parcelle AM 65 servant de voie d'accès à la construction autorisée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le dossier de la demande de permis ne permettait pas au maire de Lannilis de vérifier les conditions de desserte du projet, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, que la demande de permis de construire présentée par M. Y comportait les photographies, les documents graphiques et la notice exigés par les dispositions de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme permettant d'apprécier l'insertion du projet dans l'environnement proche et lointain ; que si M. Y a réalisé, pour les besoins du chantier, un remblai provisoire, il ressort des pièces du dossier, notamment, de la coupe transversale à l'échelle 1/150ème jointe à la demande de permis de construire, que la construction autorisée qui, ainsi qu'il a été dit plus haut, est partiellement enterrée, ne comporte pas la réalisation d'un remblai de 3 mètres par rapport au sol naturel, mais nécessite au contraire le creusement partiel du terrain ; que, par suite, les moyens tirés de ce qu'un remblai n'aurait pas été matérialisé sur les documents exigés par les dispositions de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme et de ce que l'architecte des bâtiments de France se serait prononcé au vu d'un dossier incomplet, doivent être écartés ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de construction litigieux, bien que d'inspiration contemporaine, n'est pas de nature, compte tenu d'une hauteur réduite ne dépassant pas, contrairement à ce qui est soutenu, la ligne de crête et de son intégration paysagère, grâce, notamment, aux plantations prévues, à porter atteinte à l'intérêt, ni des lieux avoisinants caractérisés par la présence de nombreuses constructions sans intérêt architectural particulier, ni du site inscrit des rives de l'aber Wrac'h ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le maire de Lannilis aurait, en délivrant le permis de construire contesté, commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-21, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y et la commune de Lannilis sont fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé le permis de construire du 30 octobre 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que M. Y et à la commune de Lannilis, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à M. et Mme , la somme que ces derniers demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner M. et Mme à payer, tant à M. Y, qu'à la commune de Lannilis, une somme de 500 euros au titre des frais de même nature exposés par ces derniers ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 25 avril 2002 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme devant le Tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : M. et Mme verseront à M. Y d'une part et à la commune de Lannilis (Finistère), d'autre part, une somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Jacques Y, à la commune de Lannilis, à M. et Mme et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 02NT01147
Date de la décision : 26/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine WEBER-SEBAN
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : CHEVALLIER ; CHEVALLIER ; CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-12-26;02nt01147 ?
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