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14/10/2003 | FRANCE | N°01NT02102

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 14 octobre 2003, 01NT02102


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 23 novembre 2001, présentée par M. Henri X, demeurant ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-1919 du 26 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet du Finistère sur sa demande sollicitant qu'il soit dressé procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des responsables de la pollution par hydrocarbures

du domaine public maritime à la suite du naufrage, le 12 décembre 1999, du n...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 23 novembre 2001, présentée par M. Henri X, demeurant ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-1919 du 26 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet du Finistère sur sa demande sollicitant qu'il soit dressé procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des responsables de la pollution par hydrocarbures du domaine public maritime à la suite du naufrage, le 12 décembre 1999, du navire “Erika”, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet, sous peine d'astreinte, de faire dresser un tel procès-verbal ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision et de prononcer l'injonction sollicitée ;

…………………………………………………………………………………………………..

C CNIJ n° 24-01-03-01-04-02-02

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures modifiée par le protocole signé à Londres le 27 novembre 1992 ;

Vu la convention internationale de Bruxelles du 18 décembre 1971 portant création du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) modifiée ;

Vu l'ordonnance d'août 1681 sur la marine ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002, portant amnistie ;

Vu le décret n° 75-553 du 26 juin 1975 portant publication de la convention internationale du 29 novembre 1969 ;

Vu le décret n° 78-1186 du 18 décembre 1978 portant publication de la convention internationale du 18 décembre 1971 ;

Vu le décret n° 96-718 du 7 août 1996 portant publication du protocole signé à Londres le 27 novembre 1992 et signé par la France le 8 février 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2003 :

- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 12 décembre 1999, le navire pétrolier “Erika”, battant pavillon maltais et affrété par la société Total Fina Elf, s'est brisé en deux au large des côtes bretonnes, alors qu'il transportait environ 30 000 tonnes de fioul lourd ; que plus de 15 000 tonnes de produits pétroliers se sont déversées hors du navire, provoquant la pollution des eaux, de la plupart des côtes, d'un grand nombre des stations balnéaires et des ports de la façade Atlantique ; que M. X interjette appel du jugement du 26 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Finistère a refusé de faire dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des responsables de cette pollution, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet, sous peine d'une astreinte de 10 000 F (1 524,45 euros) par jour de retard, de faire dresser un tel procès-verbal ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'à la date du 31 décembre 1999 à laquelle M. X a adressé au préfet du Finistère une demande tendant à ce qu'il soit dressé un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des responsables de la pollution consécutive au naufrage, le 12 décembre précédent, du navire “Erika”, l'intéressé justifiait d'un intérêt à agir en tant qu'usager habituel, pratiquant divers sports nautiques, du littoral breton rendu inaccessible par cette pollution ; que si, à la date du 27 juin 2000 à laquelle M. X a introduit sa requête devant le Tribunal administratif de Rennes, le rivage de la mer et les ports du Finistère étaient de nouveau accessibles aux usagers dans des conditions normales, M. X justifiait toutefois d'un intérêt à agir contre la décision implicite de refus opposée par l'administration à sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'annulation de ladite décision présentées devant le tribunal administratif étaient recevables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Rennes, qui a rejeté la requête de M. X comme irrecevable, doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions en annulation de la décision implicite de rejet du préfet du Finistère :

En ce qu'elles concernent la mise en oeuvre de l'action publique :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 6 août 2002 susvisée, portant amnistie : “Sont amnistiées de droit, en raison (…) de leur nature (…) les infractions mentionnées par le présent chapitre lorsqu'elles ont été commises avant le 17 mai 2002 (…)” ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : “Sont amnistiées en raison de leur nature : 1° (…) les contraventions de grande voirie” ;

Considérant que les faits qui ont motivé la demande de M. X tendant à ce que le préfet du Finistère fasse dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des responsables du naufrage du navire “Erika”, sont antérieurs au 17 mai 2002 et ne peuvent pas, dès lors, par application des dispositions précitées, servir de fondement à une contravention de grande voirie ; qu'ainsi, les conclusions du requérant tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2000 du préfet du Finistère, en tant qu'elle a refusé de faire dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie en vue d'obtenir la condamnation à une amende des personnes qu'il désigne comme étant à l'origine des faits incriminés, sont devenues sans objet ;

En ce qu'elles concernent la mise en oeuvre de l'action domaniale :

Considérant que si les dispositions précitées de la loi du 6 août 2002 couvrent une contravention de grande voirie du point de vue pénal, elles ne sauraient toutefois faire obstacle à ce que soit poursuivie la réparation des dommages causés au domaine public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la pollution entraînée par le naufrage du navire “Erika”, l'Etat a entrepris, dans le cadre des plans POLMAR “mer” et POLMAR “terre”, la mise en oeuvre des mesures propres à remédier à l'atteinte causée au domaine public maritime par la présence de nappes d'hydrocarbures ; qu'à cette fin, notamment, le ministre de l'économie et des finances a engagé auprès du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), pour le compte de l'ensemble des administrations de l'Etat et des collectivités locales concernées, les procédures amiables et le cas échéant, contentieuses, destinées à permettre le remboursement des dépenses supportées par ces personnes publiques pour lutter contre les conséquences de la pollution ;

S'agissant du propriétaire du navire, du commandant de ce navire et de la société l'ayant affrété :

Considérant qu'aux termes du 4 de l'article III de la convention internationale susvisée du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, modifiée par le protocole susvisé signé à Londres le 27 novembre 1992, publiés au Journal officiel de la République française en vertu des décrets susvisés du 26 juin 1975 et du 7 août 1996 : “Aucune demande de réparation de dommage par pollution ne peut être formée contre le propriétaire autrement que sur la base de la présente convention. Sous réserve du paragraphe 5 du présent article, aucune demande de réparation de dommage par pollution, qu'elles soit ou non fondée sur la présente Convention ne peut être introduite contre : a) les préposés ou mandataires du propriétaire, ou les membres de l'équipage. (…) c) Tout affréteur (sous quelque appellation que ce soit, y compris un affréteur coque nue) armateur ou armateur gérant du navire ; (…) f) Tous préposés ou mandataires des personnes mentionnées aux alinéas c, d et e, à moins que le dommage ne résulte de leur fait ou de leur omission personnels commis avec l'intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement” ;

Considérant qu'ainsi que l'administration l'a soutenu devant le tribunal administratif puis devant la Cour, les dispositions précitées de la convention internationale du 29 novembre 1969, laquelle, complétée par la convention susvisée du 18 décembre 1971, définit un régime, issu du droit international, de réparation des dommages causés par une pollution d'hydrocarbures qui s'impose aux juges nationaux, font obstacle à ce que l'Etat, qui dispose, dans le cadre desdites conventions internationales d'une voie de droit impérative pour l'indemnisation des dépenses supportées en vue de réparer les atteintes au domaine public, engage une action devant le juge administratif tendant à ce que le propriétaire du navire, le commandant de ce navire, préposé ou mandataire du propriétaire, et la société ayant affrété ce même navire ou son président-directeur général, soient condamnés, sur le fondement d'une contravention de grande voirie, à réparer l'atteinte au domaine public ; que, par suite, le préfet du Finistère était tenu de rejeter la demande de M. X tendant à ce qu'il fasse dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre du propriétaire du navire “Erika”, du commandant de ce navire et de la société l'ayant affrété ou des dirigeants de cette dernière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le motif énoncé par la décision contestée serait erroné, est inopérant ;

S'agissant de la société du groupe Total Final Elf, propriétaire des produits pétroliers :

Considérant que la convention internationale du 29 novembre 1969 précitée ne s'oppose pas à ce qu'une personne morale ou privée, à l'origine d'une pollution par hydrocarbures, à l'exception, ainsi qu'il vient d'être dit, du propriétaire du navire, du commandant de ce navire et de la société ayant affrété ce même navire, soit condamnée à réparer l'atteinte portée au domaine public maritime sur le fondement d'une contravention de grande voirie ; qu'ainsi, la société du groupe Total Fina Elf, propriétaire des produits pétroliers, représentée par son président-directeur général, pouvait faire l'objet d'un procès-verbal de contravention de grande voirie aux fins de réparer l'atteinte portée au domaine public ;

Considérant que les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public maritime sont tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale des rivages de la mer et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie, pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite, notamment, à la suite d'une pollution par des produits pétroliers qui s'oppose à l'exercice, par le public, de son droit à l'usage de ce domaine ; que si l'obligation ainsi faite à ces autorités trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, dans les nécessités de l'ordre public, elles ne sauraient légalement s'y soustraire, en revanche, pour des raisons de simple convenance administrative ;

Considérant que la société Total Fina Elf s'était engagée, dans le cadre d'un accord avec l'Etat, à prendre en charge techniquement et financièrement le traitement des déchets et les opérations de pompage de la cargaison de fuel transporté par le navire “Erika”, opération qui a été réalisée entre le 5 juin et le 6 septembre 2000, et à contribuer au financement du nettoyage et de remise en état du littoral, ce qu'elle a effectivement fait ; que, dans ces conditions, une procédure de contravention de grande voirie engagée à l'encontre de sociétés du groupe Total Fina Elf n'aurait pu qu'avoir une incidence négative sur la procédure amiable ainsi entreprise ; que, dès lors, le préfet du Finistère doit être regardé, ainsi que le soutient l'administration, comme ayant fondé sur un motif d'intérêt général sa décision implicite de refus de faire dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de ladite société ou de son président-directeur général ;

Considérant qu'il résulte des éléments qui précèdent, que corrobore l'ensemble des pièces versées au dossier, que les pouvoirs publics ont déclenché très rapidement les mesures nécessaires en vue d'assurer la remise en état du domaine public maritime ; que M. X n'établit pas que la mise en oeuvre d'une procédure de contravention de grande voirie aurait permis d'assurer une remise en état plus rapide ou efficace de ce domaine ; que, dès lors, le préfet du Finistère qui, comme il est dit plus haut, ne pouvait légalement engager une telle procédure à l'encontre du propriétaire du navire, du commandant de celui-ci et de la société l'ayant affrété ou de son dirigeant, n'avait pas l'obligation d'engager cette même procédure à l'encontre de la société du groupe Total Fina Elf, propriétaire des produits pétroliers, ou de son président-directeur général et a pu, dans les circonstances de l'espèce, décider de ne pas y recourir sans entacher cette décision d'une erreur d'appréciation ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Finistère de faire dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des responsables de la pollution du navire “Erika” :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision contestée du préfet du Finistère, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint audit préfet de faire dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des personnes qu'il désigne ne peuvent, dès lors, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. X tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet du préfet du Finistère, d'autre part, à ce qu'il lui soit enjoint audit préfet, sous peine d'astreinte, de faire dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des responsables de la pollution du navire “Erika”, ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2001 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la requête de M. X tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du préfet du Finistère sont déclarées sans objet en tant que cette décision refuse de faire dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie en vue de la mise en oeuvre de l'action publique à l'encontre des responsables de la pollution entraînée par le naufrage du navire “Erika”.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. X présentée devant le Tribunal administratif de Rennes et de la requête de l'intéressé est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Henri X, à la société Total Fina Elf, au préfet du Finistère et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 01NT02102
Date de la décision : 14/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine WEBER-SEBAN
Rapporteur public ?: M. COENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-10-14;01nt02102 ?
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