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20/06/2002 | FRANCE | N°99NT00299

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 20 juin 2002, 99NT00299


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 février 1999, présentée pour Maître Alain X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement (S.P.R.), ayant son siège social route de Caumont à Carpiquet (14650), représentée par Me PIEUCHOT, avocat au barreau de Caen ;
Maître X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 96-876 du 15 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser la somme de 2 983 500 F avec intérêts au taux léga

l à compter du 22 mai 1996 à l'office public d'habitations à loyer modéré (O....

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 février 1999, présentée pour Maître Alain X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement (S.P.R.), ayant son siège social route de Caumont à Carpiquet (14650), représentée par Me PIEUCHOT, avocat au barreau de Caen ;
Maître X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 96-876 du 15 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser la somme de 2 983 500 F avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 1996 à l'office public d'habitations à loyer modéré (O.P.H.L.M.) de Caen Habitat en réparation des désordres affectant les façades d'un ensemble immobilier situé rue Basse à Caen ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'O.P.H.L.M. de Caen Habitat devant le Tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, de juger qu'il ne peut être condamné à payer une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ;
4°) de condamner l'O.P.H.L.M. de Caen Habitat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2002 :
- le rapport de Mme THOLLIEZ, premier conseiller,
- les observations de Me VIAUD, substituant Me MORAND, avocat de la société Socotec,
- les observations de Me CARDONEL, substituant Me QUINCHON, avocat de la société Sicof et de la compagnie Gan Assurances,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a condamné, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, Maître X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement à verser à l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat Habitat la somme de 2 983 500 F en réparation des désordres affectant les façades d'un ensemble immobilier de huit bâtiments comprenant cent soixante six logements situés rue Basse à Caen lui appartenant et laissé à la charge de l'office 15 % des conséquences dommageables des désordres ; que Maître X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement, fait appel de ce jugement et demande décharge des condamnations prononcées à son encontre et au profit de l'office ; que l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat et son assureur la compagnie Axa Assurances par voie d'appel incident et provoqué et les sociétés Sicof, Syr et Socotec par voie d'appels provoqués demandent la réformation dudit jugement ;

Sur la requête de Maître X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement :
Considérant, en premier lieu, que ni les dispositions de l'article 33, ni celles des articles 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985 d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension ou de l'interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redresse-ment judiciaire, d'autre part, l'obligation, qui s'impose aux collectivités publiques comme à tous autres créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent pas de dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ; que les dispositions des articles 65 et suivants du décret du 27 décembre 1985 n'ont pas eu pour effet et ne pourraient d'ailleurs légalement avoir eu pour objet d'instituer une telle dérogation ; qu'il en résulte que s'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées ainsi que sur les modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, le juge administratif reste seul compétent pour se prononcer sur la recevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative et le bien-fondé de l'action d'une personne publique tendant à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire et pour examiner si elle a droit à réparation et fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur ; que, par suite, le moyen opposé par Maître X..., agissant en sa qualité de liquidateur de la Société de peinture et de ravalement, tiré de ce qu'en condamnant la Société de peinture et de ravalement, alors que celle-ci faisait l'objet d'une procédure collective, le Tribunal administratif de Caen aurait méconnu les dispositions d'ordre public de ladite loi ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par marché conclu le 12 juin 1985, l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat a confié à la Société de peinture et de ravalement des travaux de réhabilitation qui comportaient notamment la mise en place de panneaux d'isolation thermique recouverts d'un enduit de protection et d'imperméabilisation et qui ont été réceptionnés le 6 octobre 1986 ; qu'à la suite de l'apparition de mousses et de lichens sur les façades, la Société de peinture et de ravalement a été de nouveau chargée par marché conclu le 19 juin 1992 des travaux de ravalement des façades après lavage et traitement de celles-ci ; que si la Société de peinture et de ravalement soutient qu'eu égard au caractère mineur des désordres constatés après les travaux exécutés, sa responsabilité ne pouvait être recherchée, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné en référé, que les bâtiments présentent de nombreuses fissurations horizontales et verticales ainsi que des décollements du revêtement résultant de la mise en ouvre défectueuse du complexe isolant d'origine ; que ces défauts en raison de leur importance, de leur généralisation et du fait même qu'ils mettent en cause le système d'isolation sont de nature à rendre les logements impropres à leur destination et ainsi à engager la responsabilité décennale de la Société de peinture et de ravalement qui ne peut s'en exonérer utilement vis-à-vis du maître de l'ouvrage en invoquant la faute de son fournisseur, la société Sicof ;
Sur le recours incident de l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat et de la compagnie Axa Assurances :
Considérant que l'assureur qui bénéficie de la subrogation instituée par l'article L.121-12 du code des assurances dispose de l'intégralité des droits et actions que l'assuré qu'il a dédommagé aurait été admis à exercer à l'encontre de toute personne tenue, à quelque titre que ce soit, de réparer le dommage ayant donné lieu au paiement de l'indemnité d'assurance ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite des désordres apparus à l'occasion des travaux entrepris en 1985-1986 puis 1992-1993 sur les façades des immeubles de l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat, la compagnie Axa Assurances, venue aux droits de la compagnie UAP Assurances, justifie avoir versé, conformément à l'ordonnance du 18 mars 1999 du juge des référés du Tribunal de grande instance de Caen, une indemnité en principal de 5 567 000 F à son assuré l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat ; que, par suite, la société Socotec n'est pas fondée à soutenir que l'action de la compagnie Axa Assurances, subrogée dans les droits de l'office à hauteur de la somme de 5 567 000 F, ne serait pas recevable au motif que ses conclusions seraient nouvelles en appel ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert qu'en sa qualité de maître d'ouvre pour l'intégralité des travaux, l'office n'a pas fait preuve de la vigilance nécessaire dans la surveillance des travaux ; qu'il suit de là qu'en laissant à sa charge 15 % des conséquences dommageables des désordres, le Tribunal administratif de Caen n'a pas fait une inexacte appréciation des manquements ainsi commis ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en fixant à 35 % l'abattement à appliquer en raison de la vétusté des ouvrages, le Tribunal administratif n'en a pas fait une inexacte appréciation compte tenu de la date d'apparition des désordres et de la durée normale de vie de ce type d'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Maître X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel principal, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à indemniser à hauteur de 2 983 500 F l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat ; que ce dernier et la compagnie Axa Assurances, par la voie de l'appel incident, ne sont pas fondés à solliciter une augmentation de l'indemnité accordée ;
Sur les conclusions d'appel provoqué de la compagnie Axa Assurances, des sociétés Syr, Sicof et Socotec :
Considérant que, dès lors que l'appel principal de Maître X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement et les recours incidents de l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat et de la compagnie Axa Assurances sont rejetés, la situation de la compagnie Axa Assurances, des sociétés Sicof, Syr et Socotec n'est pas aggravée ; qu'il s'ensuit que leurs conclusions d'appel provoqué ne sont pas recevables ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Maître X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner Maître X... à verser une somme à ce titre à la société Sicof, ni à la société Syr ; qu'il n'y a pas lieu non plus de condamner Maître X..., la société Sicof et la société Socotec à verser une somme à ce titre à la compagnie Axa Assurances, ni Maître X... à verser une somme à ce titre à la compagnie Gan Assurances, ni davantage l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat à la société Syr ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner la compagnie Axa Assurances à verser 1 000 euros à la société Sicof ainsi qu'à la société Socotec et Maître X... une somme de 1 000 euros à l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat ;
Article 1er : La requête de Maître Alain X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la compagnie Axa Assurances et de l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat et les conclusions d'appel provoqué de la compagnie Axa Assurances, de la société Sicof, de la société Syr et de la société Socotec sont rejetées.
Article 3 : La compagnie Axa Assurances versera une somme de 1 000 euros (mille euros) à la société Sicof ainsi qu'à la société Socotec au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. En application de ces dispositions, Maître Alain X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement versera une somme de 1 000 euros (mille euros) à l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat.
Article 4 : Les conclusions de Maître Alain X..., de la société Syr, de la compagnie Axa Assurances et de la compagnie Gan Assurances tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Maître Alain X..., liquidateur judiciaire de la Société de peinture et de ravalement, à l'office public d'habitations à loyer modéré de Caen Habitat, à la société Syr, à la société Socotec, à la société Sicof, à la compagnie Gan Assurances, à la compagnie Axa Assurances et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 99NT00299
Date de la décision : 20/06/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04-03-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE


Références :

Code civil 1792, 2270, 33, L761
Code de justice administrative L761-1
Code des assurances L121-12
Décret du 27 décembre 1985 art. 65
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 47 à 53


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme THOLLIEZ
Rapporteur public ?: M. MILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2002-06-20;99nt00299 ?
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