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05/10/2001 | FRANCE | N°99NT01006

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 05 octobre 2001, 99NT01006


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 25 mai 1999, présenté pour le ministre de l'intérieur ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement nos 98-1730 et 98-1731 du 11 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 19 mai 1998 prononçant l'expulsion du territoire français de M. X... KORKUT ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fonda

mentales, notamment son article 8 ;
Vu la convention internationale relative a...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 25 mai 1999, présenté pour le ministre de l'intérieur ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement nos 98-1730 et 98-1731 du 11 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 19 mai 1998 prononçant l'expulsion du territoire français de M. X... KORKUT ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, du 26 janvier 1990, notamment son article 3-1 ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2001 :
- le rapport de M. PEANO, premier conseiller,
- les observations de Me RIANDEY, substituant Me LACOSTE, avocat de M. X... KORKUT,
- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : "L'expulsion peut être prononcée ( ...) b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité turque, né en 1972, s'est rendu coupable depuis sa majorité, de 1991 à 1994, d'outrage à agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions, de vol aggravé, de l'enlèvement et de la séquestration de sa jeune s ur contrainte en 1992 par sa famille à un mariage contre son gré puis ramenée de force en Turquie, et de proxénétisme aggravé à l'égard de deux personnes du 1er janvier 1994 au 21 juillet 1994 ; qu'il a été condamné, pour ces derniers faits, à des peines de prison de quinze et dix-huit mois ; qu'eu égard tant à la nature qu'à la multiplicité et à la gravité croissante des faits reprochés à M. Y..., et malgré la circonstance qu'il se soit correctement comporté en détention et qu'il ait manifesté la volonté d'une réinsertion professionnelle et sociale après sa libération, le ministre de l'intérieur a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que son expulsion revêtait le caractère d'une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; qu'il suit de là, que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 10 juillet 1999 par lequel le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des dispositions du b de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, prononcé l'expulsion de M. Y... du territoire français, le Tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur le motif que l'éloignement de ce dernier ne constituait pas, dans les circonstances de l'espèce, une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. Y... tant devant le Tribunal administratif d'Orléans que devant la Cour ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour pronon-cer l'expulsion de M. Y..., le ministre de l'intérieur n'ait pas examiné l'ensemble des éléments relatifs au comportement de ce dernier, notamment les gages de réinsertion professionnelle et sociale qu'il aurait présentés au cours de sa détention et après sa libération, afin de déterminer si, à raison des faits commis par lui, son expulsion constituait, en mai 1998, une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris au vu des seules condamnations pénales dont M. Y... a fait l'objet manque en fait ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " - 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, - 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que M. Y... fait valoir qu'il est entré très jeune en France où réside désormais l'essentiel de sa famille et que s'étant marié après sa libération, il est désormais père de deux jeunes enfants sur lesquels il justifie exercer l'autorité parentale ; que, toutefois, eu égard tant à nature qu'à la gravité des faits qui lui sont reprochés et à la menace que sa présence sur le territoire français faisait peser sur l'ordre et la sécurité publics, la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. Y..., n'a pas, nonobstant la circonstance qu'il se soit correctement comporté en détention et qu'il ait manifesté la volonté d'une réinsertion professionnelle et sociale après sa libération, porté à son droit au respect de sa vie familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'en conséquence, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention susmentionnée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 : "Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'aux termes de l'article 7-1 de cette même convention : "L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité, et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux" ; qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté prononçant son expulsion du territoire français, M. Y... fait valoir que les deux jeunes enfants sur lesquels il justifie exercer l'autorité parentale ne doivent pas être séparés de leur père ; que, toutefois, en prenant l'arrêté contesté, le ministre de l'intérieur n'a pas prescrit une mesure ayant une telle conséquence, dès lors qu'il est loisible à M. Y... d'emmener ses enfants avec lui, et n'a pas méconnu les stipulations des articles 3-1 et 7-1 de cette convention ; qu'il suit de là, que le moyen tiré de la violation de ces articles de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal adminis-tratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 19 mai 1998 prononçant l'expulsion du territoire français de M. Y... ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : "Lorsque la décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; que le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution à prendre sur le fondement de l'article précité, les conclusions de M. Y... tendant à enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un récépissé valant autorisation de séjour et ce sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir et à enjoindre aux autorités consulaires françaises en Turquie de lui délivrer un visa de long séjour sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 11 mars 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... KORKUT devant le Tribunal administratif d'Orléans et ses conclusions tendant au prononcé d'injonctions et au remboursement de frais irrépétibles sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... KORKUT et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 99NT01006
Date de la décision : 05/10/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICABILITE.

ETRANGERS - EXPULSION - MOTIFS.


Références :

Code de justice administrative L911-1, L761-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 26


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. PEANO
Rapporteur public ?: M. MORNET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2001-10-05;99nt01006 ?
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