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04/10/2000 | FRANCE | N°97NT01110

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 04 octobre 2000, 97NT01110


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 juin 1997, présentée pour la société Sentribac, dont le siège est ... (Manche), par Me DURIN, avocat au barreau de Nantes ;
La société Sentribac demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-711 du 8 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'OPHLM de Cherbourg à lui verser la somme de 316 238,34 F hors taxes, augmentée des intérêts moratoires majorés de 2 % par mois de retard à compter de la date de paiement des situations et d'ordonner la capita

lisation de ces intérêts ;
2 ) de faire droit à sa demande de première...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 juin 1997, présentée pour la société Sentribac, dont le siège est ... (Manche), par Me DURIN, avocat au barreau de Nantes ;
La société Sentribac demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-711 du 8 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'OPHLM de Cherbourg à lui verser la somme de 316 238,34 F hors taxes, augmentée des intérêts moratoires majorés de 2 % par mois de retard à compter de la date de paiement des situations et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts ;
2 ) de faire droit à sa demande de première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2000 :
- le rapport de M. CADENAT, président,
- les observations de Me Z..., substituant Me DURIN, avocat de la société Sentribac,
- les observations de Me OLIVIER, substituant Me GRIFFITHS, avocat de MM. Y... et X...,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par acte d'engagement du 15 janvier 1990, l'Office public d'habitations à loyer modéré (OPHLM) de Cherbourg a passé, pour un prix global et forfaitaire de 2 813 658,38 F, un marché avec la société Sentribac pour la réalisation des lots gros oeuvre, fermetures extérieures, serrurerie et VRD d'une opération de réhabilitation de 5 bâtiments, avenue Victor Grignard, à Cherbourg, la maîtrise d'oeuvre des travaux ayant été confiée à MM. Y... et X..., architectes ; que le projet de décompte final adressé, le 11 mai 1992, par la société Sentribac aux maîtres d'oeuvre et au maître de l'ouvrage comportait une liste de travaux supplémentaires pour un montant de 586 018,45 F ; que, par le décompte général notifié à l'entreprise le 16 juillet 1992, l'OPHLM de Cherbourg n'acceptait de payer ces travaux supplémentaires qu'à hauteur de 156 814,78 F ; que l'entreprise a contesté ce décompte général par mémoire de réclamation adressé au maître de l'ouvrage le 5 août 1992 ; que la société Sentribac, qui avait saisi le Tribunal administratif de Caen le 11 mai 1994 aux fins d'obtenir de l'OPHLM le paiement des sommes réclamées par son projet de décompte final, a ramené ses prétentions, à la suite du dépôt du rapport de l'expert commis en référé, à un montant de 316 238,34 F ; que cette entreprise fait appel du jugement du 8 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête comme irrecevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la société Sentribac est fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Caen ne pouvait, pour rejeter ses conclusions tendant à la condamnation de l'OPHLM de Cherbourg à lui payer les sommes susmentionnées, retenir le motif que la réclamation de cette société avait méconnu les stipulations des articles 50-12 et 50-21 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux dès lors que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'avait pas été soulevé devant ledit tribunal ; que la circonstance, alléguée par MM. Y... et X..., que l'office ne pourrait être condamné, en vertu d'un principe qui est d'ordre public, à payer des sommes qu'il ne doit pas n'est, en tout état de cause, d'aucune influence sur l'irrégularité ainsi constatée dudit jugement ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Caen du 8 avril 1997 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Sentribac devant le Tribunal administratif de Caen ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par la société Sentribac devant le Tribunal administratif de Caen :

Considérant qu'aux termes de l'article 50 du CCAG susmentionné : "50-22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. 50-23. La décision à prendre ... appartient au maître de l'ouvrage. 50-31. Si dans le délai de trois mois à partir de la date de réception ... du mémoire de l'entrepreneur mentionné ... au présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ... (celui-ci) peut saisir le tribunal administratif compétent. 50-32. Si dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article ... l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable" ;
Considérant que la forclusion instituée par l'article 50-32 susmentionné ne peut être opposée que si une décision du maître de l'ouvrage a été notifiée à l'entrepreneur, et qu'aucune autre stipulation du CCAG n'a prévu une telle forclusion lorsque le maître de l'ouvrage s'abstient de répondre à une réclamation, l'entrepreneur disposant, en pareil cas, de la faculté de saisir le juge du contrat après l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article 50-31 précité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que la société Sentribac a adressé un mémoire de réclamation au maître de l'ouvrage le 5 août 1992 ; qu'il est constant que, sur cette réclamation, aucune décision du maître de l'ouvrage n'a été notifiée à la société requérante ; que, par suite, l'OPHLM de Cherbourg n'est pas fondé à soutenir que la demande susvisée de la société Sentribac présentée devant le Tribunal administratif de Caen était irrecevable pour avoir méconnu les stipulations de l'article 50-32 précité ;
Au fond :
En ce qui concerne les sommes réclamées par la société Sentribac au titre des travaux supplémentaires :
Considérant que les stipulations de l'article 15-4 du CCAG susvisé en vertu duquel, lorsque la masse des travaux exécutés atteint la masse initiale, l'entrepreneur doit arrêter les travaux s'il n'a pas reçu un ordre de service lui notifiant la décision de les poursuivre prise par la personne responsable du marché et, qu'à défaut d'ordre de poursuivre, les travaux qui sont exécutés au delà de la masse initiale ne sont pas payés, ne sauraient faire obstacle, dans les circonstances de l'espèce, au droit, pour la société Sentribac, de demander le règlement des travaux supplémentaires qu'elle a effectués dès lors que ceux-ci auraient été indispensables à l'exécution, selon les règles de l'art, des ouvrages prévus par le marché ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations de l'expert commis en référé par le président du Tribunal administratif de Caen, qu'ont été effectués par la société Sentribac, au titre des travaux non prévus par le cahier des clauses techniques particulières applicables au marché en cause, des travaux supplémentaires relatifs à des modifications du système d'évacuation des eaux pluviales, à des reprises des parties supérieures des murs, et à des modifications de niveau du dallage du rez-de-chaussée et des escaliers, à la démolition et au rebouchage de certaines cheminées ainsi qu'à la pose d'enduit sur certaines souches de cheminées ; que ces travaux ont été considérés, par l'expert, comme indispensables pour l'exécution des ouvrages prévus par ce marché pour un montant de 210 347,34 F ; qu'il y a toutefois lieu de soustraire de ce montant une somme de 29 988 F correspondant, selon la société Sentribac, à l'enlèvement d'objets abandonnés par les précédents occupants des logements des bâtiments dont la rénovation avait été entreprise, faute de justifications probantes apportées par la société requérante sur la réalité et l'importance de ces enlèvements ; qu'il en est de même des sommes de 73 991 F et de 31 900 F relatives respectivement au retard dans le démarrage du chantier et à la prolongation de la durée de ce dernier ; que, par suite, la société Sentribac n'est fondée à prétendre, à ce titre, qu'au règlement, par l'office, d'une somme de 180 359,34 F ;
En ce qui concerne les intérêts moratoires demandés au titre du retard dans le mandatement du paiement des travaux :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que le retard de paiement pour lequel la société Sentribac demande l'allocation d'intérêts moratoires est relatif aux situations n 11 et 15 ; que les travaux qui faisaient l'objet de ces situations ont été effectués par des sous-traitants dont la société Sentribac n'avait pas, contrairement aux stipulations du CCAG applicable au marché, demandé l'agrément à l'office ; que, dans ces conditions, le retard avec lequel l'OPHLM de Cherbourg a procédé au mandatement de ces situations doit être regardé comme imputable uniquement à la méconnaissance, par la société Sentribac, de ses obligations contractuelles ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sentribac est seulement fondée à demander la condamnation de l'OPHLM de Cherbourg à lui verser, au titre des travaux supplémentaires qui étaient indispensables pour l'exécution des ouvrages prévus par le marché, une somme de 180 359,34 F ;
Sur les conclusions d'appel en garantie dirigées par l'OPHLM de Cherbourg contre MM. Y... et X... :
Considérant que l'OPHLM de Cherbourg demande à être garanti, par MM. Y... et X..., architectes qui assuraient la maîtrise d'oeuvre de l'opération, à raison des indemnités qu'il a été condamné, par le présent arrêt, à verser à la société Sentribac ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des indications de l'expert que les travaux supplémentaires nécessités par les modifications du niveau du rez-de-chaussée et des escaliers sont imputables à des erreurs de conception des seuls architectes ; qu'il y a donc lieu de les condamner à garantir l'OPHLM de Cherbourg à hauteur de la somme de 4 626,64 F représentant les travaux supplémentaires correspondant à ces modifications ; qu'il en est de même pour ce qui concerne les travaux supplémentaires, d'un montant de 1 883,30 F, relatifs à la modification des sorties d'eaux pluviales et la remise en état d'un caniveau qui, s'ils ont été demandés par l'OPHLM, ont été rendues nécessaires par des erreurs de conception commises par la maîtrise d'oeuvre, laquelle doit, par suite, être également condamnée à garantir l'OPHLM à hauteur de ces sommes ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, si le tableau récapitulatif dressé par l'expert indique que les travaux supplémentaires résultant de l'obstruction des conduits de cheminée, de la pose d'enduits sur les souches de cheminées, du rebouchage de certaines cheminées intérieures et des enduits sur tableaux sont imputables à la fois au maître de l'ouvrage et à la maîtrise d'oeuvre, il ressort, au contraire, de ses constatations que la responsabilité de ces travaux supplémentaires incombe aux seuls architectes qui ont omis de les prévoir en conséquence de la suppression des anciennes cheminées ; que, par suite, il y a lieu de les condamner à garantir l'OPHLM de Cherbourg à hauteur de la somme de 115 816,90 F représentant le montant de ces travaux supplémentaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. Y... et X... doivent être condamnés à garantir l'OPHLM de Cherbourg à hauteur de la somme totale de 122 226,84 F ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle, d'une part, à ce que la société Sentribac qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'OPHLM de Cherbourg et à MM. Y... et X... les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, d'autre part, à ce que l'OPHLM de Cherbourg qui n'est pas la partie perdante à l'égard de MM. Y... et X... soit condamné à leur payer la somme que ceux-ci demandent au titre de ces frais ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 8 avril 1996 est annulé.
Article 2 : L'OPHLM de Cherbourg versera à la société Sentribac une somme de cent quatre vingt mille trois cent cinquante neuf francs trente quatre centimes (180 359,34 F) au titre des travaux supplémentaires.
Article 3 : Le surplus de la demande présentée par la société Sentribac devant le Tribunal administratif de Caen, ensemble le surplus de sa requête sont rejetés.
Article 4 : MM. Y... et X... sont condamnés à garantir l'OPHLM de Cherbourg à hauteur de la somme de cent vingt deux mille deux cent vingt six francs quatre vingt quatre centimes (122 226,84 F).
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'OPHLM de Cherbourg, ensemble ses conclusions et celles de MM. Y... et X... tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sentribac, à l'office public d'habitations à loyer modéré de Cherbourg, à M. Y..., à M. X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97NT01110
Date de la décision : 04/10/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - INDEMNITES - TRAVAUX SUPPLEMENTAIRES.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REGLEMENT DES MARCHES.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - INTERETS - POINT DE DEPART DES INTERETS - INTERETS MORATOIRES DUS A L'ENTREPRENEUR SUR LE SOLDE DU MARCHE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. CADENAT
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2000-10-04;97nt01110 ?
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