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11/05/2000 | FRANCE | N°98NT01009

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 11 mai 2000, 98NT01009


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 mai 1998, présentée pour :
- l'Association "S.O.S. Tout Petits", dont le siège est ..., représentée par son président,
- et M. Joseph X..., demeurant au hameau La Valette à Graye sur Mer (14470),
par Me Y... de GUILHEM de LATAILLADE, avocat au barreau de Paris ;
Les requérants demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 97601 du 3 mars 1998 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Orne du 4 mars 1997 interdisant la manifesta

tion organisée par l'association le samedi 15 mars 1997 devant le Centre hospi...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 mai 1998, présentée pour :
- l'Association "S.O.S. Tout Petits", dont le siège est ..., représentée par son président,
- et M. Joseph X..., demeurant au hameau La Valette à Graye sur Mer (14470),
par Me Y... de GUILHEM de LATAILLADE, avocat au barreau de Paris ;
Les requérants demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 97601 du 3 mars 1998 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Orne du 4 mars 1997 interdisant la manifestation organisée par l'association le samedi 15 mars 1997 devant le Centre hospitalier d'Alençon ;
n 49-03-03 n 49-04-02-01 2 ) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3 ) de condamner l'Etat à leur verser à chacun une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pour les frais de première instance, et une somme de 8 000 F au même titre pour les frais d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n 79-587 sur la motivation des actes administratifs ;
Vu le décret du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public ;
Vu le décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2000 :
- le rapport de M. LAINE, premier conseiller,
- les observations de Me Y... de GUILHEM de LATAILLADE, avocat de l'Association "S.O.S. Tout Petits" et de M. Joseph X...,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'Association "S.O.S. Tout Petits" et M. Joseph X... ont entendu invoquer, dans leur mémoire introductif d'instance devant le Tribunal administratif, un vice de procédure tiré de ce que le préfet de l'Orne ne pouvait prendre un arrêté interdisant la manifestation qu'ils avaient prévu d'organiser le samedi 15 mars 1997 devant le Centre hospitalier (C.H.) d'Alençon avant le dépôt de la déclaration prévue par les dispositions du décret du 23 octobre 1935 ; qu'ayant ainsi soulevé un moyen de légalité externe dans le délai du recours contentieux, ils étaient, par suite, recevables à invoquer dans un mémoire en réplique enregistré le 23 janvier 1998, un nouveau moyen de légalité externe tiré de ce que l'arrêté litigieux du préfet de l'Orne avait méconnu les dispositions de l'article 8 du décret susvisé du 28 novembre 1983 ; que c'est dès lors, à tort, que, dans son jugement du 3 mars 1998, le Tribunal administratif de Caen a écarté comme irrecevable ce dernier moyen, estimant que, fondé sur une cause juridique distincte, il constituait une demande nouvelle tardivement présentée ; que le jugement attaqué doit donc être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Association "S.O.S. Tout Petits" et M. X... devant le Tribunal administratif de Caen ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 : "Sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous réserve des nécessités de l'ordre public et de la conduite des relations internationales, et exception faite du cas où il est statué sur une demande présentée par l'intéressé lui-même, les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé ait été mis à même de présenter des observations écrites. - Toute personne qui est concernée par une décision mentionnée au premier alinéa du présent article doit être entendue, si elle en fait la demande, par l'agent chargé du dossier ou, à défaut, par une personne habilitée à recueillir ses observations orales. Elle peut se faire assister ou représenter par un mandataire de son choix" ;
Considérant qu'un arrêté interdisant une manifestation, pris par le préfet en vertu des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L.2214-4 du code général des collectivités territoriales, est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, son intervention était subordonnée au respect de la procédure contradictoire prévue par l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 sous la seule réserve des exceptions définies audit article ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Orne a été informé au début du mois de mars 1997, à la suite de la lettre du directeur du C.H. d'Alençon adressée au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, et par la distribution d'un tract de l'Association "S.O.S. Tout Petits", de la manifestation à laquelle cette dernière appelait devant l'établissement le samedi 15 mars ; qu'eu égard au délai dont il disposait pour prendre les mesures qu'imposait la préservation de la tranquillité publique, en particulier celle des usagers et personnels qu'un rassemblement devant l'hôpital même était susceptible de perturber, l'arrêté du 4 mars 1997 interdisant le rassemblement initialement prévu a pu intervenir sans qu'au préalable les dirigeants de l'association aient été mis à même de présenter leurs observations écrites dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 ;
Considérant, en second lieu, qu'aucune disposition du décret du 23 octobre 1935, qui impose aux organisateurs d'une manifestation sur la voie publique de déclarer celle-ci à l'autorité investie des pouvoirs de police, ne s'opposait à ce que le préfet de l'Orne prenne la décision attaquée avant que ne soit déposée la déclaration ainsi exigée, dès lors que les précisions nécessaires à l'examen particulier des circonstances de l'espèce, à savoir l'objet, le lieu et l'heure du rassemblement, ressortaient des informations antérieurement diffusées par l'association elle-même ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard aux troubles antérieurement provoqués par de semblables rassemblements de l'Association "S.O.S. Tout Petits", ayant d'ailleurs valu à son président ou à certains de ses membres diverses condamnations pour délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, coups et blessures, ou manifestation sans déclaration, et à la nécessité de préserver la tranquillité publique aux abords immédiats d'un établissement hospitalier, la manifestation susmentionnée était de nature à troubler l'ordre public ; que le préfet de l'Orne, qui n'a pas édicté des mesures excédant ce qui était nécessaire à son maintien, a pu, dès lors, légalement en prononcer l'interdiction ;
Considérant que les autres moyens de la demande, tirés de la méconnaissance des articles 9, 10, 11, 17 et 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier la portée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Association "S.O.S. Tout Petits" et M. X... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Orne du 4 mars 1997 interdisant la manifestation qu'ils projetaient d'organiser devant le C.H. d'Alençon ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'Association "S.O.S. Tout Petits" et à M. X... les sommes que ceux-ci demandent tant en première instance qu'en appel au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 3 mars 1998 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'Association "S.O.S. Tout Petits" et M. Joseph X... devant le Tribunal administratif de Caen et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association "S.O.S. Tout Petits", à M. Joseph X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98NT01009
Date de la décision : 11/05/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

POLICE ADMINISTRATIVE - AUTORITES DETENTRICES DES POUVOIRS DE POLICE GENERALE - PREFETS.

POLICE ADMINISTRATIVE - ETENDUE DES POUVOIRS DE POLICE - ILLEGALITE DES INTERDICTIONS ABSOLUES.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICE GENERALE - TRANQUILLITE PUBLIQUE - MANIFESTATIONS A CARACTERE POLITIQUE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code général des collectivités territoriales L2214-4
Décret du 23 octobre 1935
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LAINE
Rapporteur public ?: M. MILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2000-05-11;98nt01009 ?
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