Vu la requête, enregistrée le 31 mars 1999 au greffe de la Cour, présentée pour M. Cheikh X..., demeurant ... Sonacotra, 54000 Nancy, par Me Y..., avocat au barreau de Nancy ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-4130 du 3 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration du 18 avril 1996 constatant l'irrecevabilité de sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
2 ) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, notamment son article R.27 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2000 :
- le rapport de M. LAINE, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : "La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation" ; qu'aux termes de l'article 21-16 du même code : "Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la demande de réintégration par décret dans la nationalité française n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière stable le centre de ses intérêts ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des extraits du registre des actes de décès de la ville de Pikine (Sénégal) produits en appel par le requérant, et dont le ministre reconnaît lui-même l'authenticité, que le fils et la fille de M. X... sont respectivement décédés le 8 septembre 1990 et le 30 juin 1992 ; que la décision contestée du 18 avril 1996, constatant l'irrecevabilité de la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par l'intéressé au motif qu'il n'avait pas transféré le centre de ses intérêts en France dès lors que ses deux enfants résidaient à l'étranger, est ainsi entachée d'une erreur de fait ;
Considérant que le ministre, pour justifier légalement cette décision, ne peut davantage soutenir que M. X... ne serait pas de bonne vie et moeurs au sens de l'article 21-23 du code civil, au motif que les documents d'état civil initialement produits par lui seraient des faux et qu'il aurait commis une fausse déclaration, dès lors, d'une part, que cette allégation n'est pas établie par les pièces du dossier, puisque si certaines mentions d'ordre d'enregistrement desdits documents ont pu être erronées leur contenu substantiel est exact, et, d'autre part, que le fait qu'il ne serait pas le véritable père de sa fille est sans influence sur la recevabilité de sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'Etat la somme que demande le ministre au titre des frais exposés par ses services et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 5 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement n 96-4130 en date du 3 décembre 1998 du Tribunal administratif de Nantes et la décision du ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration du 18 avril 1996 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... une somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'emploi et de la solidarité tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.