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10/02/2000 | FRANCE | N°96NT00147

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 10 février 2000, 96NT00147


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 janvier 1996, présentée pour Mme Anne Y..., demeurant ..., le Bois Raguenet, à Orvault (44700), par Me BERTHAULT, avocat au barreau de Rennes ;
Mme Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-3105 du 29 novembre 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que le Centre hospitalier (C.H.) de Vannes soit déclaré responsable des conséquences dommageables de la césarienne qu'elle y a subie le 1er ao t 1989 ;
2 ) de déclarer le C.H. de Vannes responsable des préjudice

s subis, et désigner un nouvel expert avec pour mission d'évaluer les ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 janvier 1996, présentée pour Mme Anne Y..., demeurant ..., le Bois Raguenet, à Orvault (44700), par Me BERTHAULT, avocat au barreau de Rennes ;
Mme Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-3105 du 29 novembre 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que le Centre hospitalier (C.H.) de Vannes soit déclaré responsable des conséquences dommageables de la césarienne qu'elle y a subie le 1er ao t 1989 ;
2 ) de déclarer le C.H. de Vannes responsable des préjudices subis, et désigner un nouvel expert avec pour mission d'évaluer les divers préjudices dont elle demeure atteinte ;
3 ) de condamner le C.H. de Vannes à lui régler une indemnité provisionnelle de 300 000 F à valoir sur son préjudice corporel ;
4 ) de condamner le C.H. de Vannes à lui verser une somme de 8 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2000 :
- le rapport de M. MILLET, premier conseiller,
- les observations de Me BERTHAULT, avocat de Mme Anne Y...,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que Mme Anne Y..., dont le terme de la grossesse était prévu pour le 18 ao t 1989, a accouché, le 1er ao t 1989, au Centre hospitalier (C.H.) de Vannes, d'une fille, par césarienne à la suite de l'échec du déclenchement artificiel de l'accouchement après rupture prématurée des membranes ovulaires ; que les suites opératoires ont été compliquées précocement d'une infection utérine sévère, avec hémorragies génitales récidivantes, qui ont conduit l'intéressée à retourner à trois reprises au C.H. de Vannes entre les 27 août et les 6 septembre 1989, puis à se faire hospitaliser successivement à la clinique de la Haute-Forêt à Nantes, du 17 au 19 septembre 1989, à la polyclinique Saint-Vincent à Rennes, du 26 au 27 septembre 1989, puis, finalement, au Centre hospitalier régional et universitaire de Nantes le 3 octobre 1989 où, soixante cinq jours après la césarienne, une hystérectomie d'hémostase avec conservation du col et des ovaires a été effectuée en urgence, l'aggravation des métrorragies mettant en jeu le pronostic vital ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonnée en référé devant le Tribunal administratif de Rennes, que Mme Y... a été victime d'un hématome, dans la région isthmique de l'utérus, au voisinage de la brèche suturée après la césarienne subie le 1er ao t 1989, révélé à plusieurs reprises par images ultrasoniques ; que le traitement antibiotique auquel elle a été soumise le 3 août 1989 a été interrompu dès le 4 août dans l'attente d'une hémoculture complémentaire, dont les résultats n'ont été connus que le 9 août, et qui s'est révélée positive aux germes anaérobies ; que, nonobstant son état fébrile, Mme Y... a été autorisée à sortir de l'établissement le 10 août alors que le traitement d'érythromycine qui lui avait été prescrit pour dix jours était, selon l'expert, mal adapté à la sévérité de l'infection ; que si les soins médicaux ont été dans l'ensemble adaptés à la situation clinique, l'expert fait néanmoins valoir que l'administration, plus précoce, voire préventive, d'un antibiotique à plus large spectre aurait permis de contrôler plus efficacement l'infection utérine débutante et celle de l'hématome à l'origine des hémorragies ; qu'ainsi, le retard dans la mise en uvre d'un traitement antibiotique adéquat a été constitutif, dans les circonstances de l'espèce, d'une faute de nature à engager, à l'égard de Mme Y..., la responsabilité du service public hospitalier ; que l'intéressée est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que le C.H. de Vannes soit déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'infection utérine à l'origine de l'hystérectomie qu'elle a subie le 4 octobre 1989 ;
Sur les droits de Mme Y... :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que Mme Y..., née le 1er juin 1964, souffre d'une stérilité définitive ; que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de l'intéressée en condamnant le C.H. de Vannes à lui verser, à ce titre, une somme de 250 000 F ; que, dans les circonstances de l'espèce, il conviendra d'accorder également à Mme Y... une somme de 30 000 F au titre de ses souffrances physiques, qualifiées d'importantes par l'expert, et une somme de 5 000 F au titre du préjudice esthétique lié aux séquelles de son hystérectomie ; que le montant total de l'indemnité à allouer à Mme Y... doit ainsi être fixé à 285 000 F ;
Sur les droits de la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de Nantes :
Considérant que la C.P.A.M. de Nantes justifie avoir exposé, au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation liés à l'infection utérine de Mme Y..., une somme de 78 380 F ; qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit à sa demande de remboursement en mettant à la charge du C.H. de Vannes la somme de 78 380 F, qui portera intérêts au taux légal, ainsi qu'il est demandé, à compter du 29 novembre 1995, date de lecture du jugement attaqué du Tribunal administratif de Rennes ; qu'en revanche, il n'appartient pas à la Cour de donner à la caisse acte de ses réserves en ce qui concerne d'éventuels débours ultérieurs ;
Sur les conclusions de la C.P.A.M. de Nantes tendant à la condamnation du C.H. de Vannes à lui verser une somme de 5 000 F en application de l'ordonnance du 24 janvier 1996 :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 9-I de l'ordonnance n 96-51 du 24 janvier 1996, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours, "la caisse d'assurance maladie à laquelle est affiliée l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 5 000 F et d'un montant minimum de 500 F. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions, prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2, 3 et 4 du titre IV du livre 1er ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre V du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour connaître des litiges relatifs à la liquidation et au recouvrement de l'indemnité qu'elles instituent au bénéfice de l'organisme national d'assurance maladie ; qu'ainsi, il n'appartient pas au juge administratif de condamner le tiers qu'il déclare responsable d'un accident au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions précitées ; que, dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la C.P.A.M. de Nantes doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le président du Tribunal administratif de Rennes, liquidés et taxés à la somme de 3 488 F, à la charge du C.H. de Vannes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que Mme Y... qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser au C.H. de Vannes la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner le C.H. de Vannes à payer à Mme Y... et à la C.P.A.M. de Nantes les sommes respectives de 6 000 F et 5 000 F au titre des frais exposés par celles-ci et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 29 novembre 1995 est annulé.
Article 2 : Le Centre hospitalier de Vannes est condamné à verser à Mme Anne Y... une indemnité de deux cent quatre vingt cinq mille francs (285 000 F).
Article 3 : Le Centre hospitalier de Vannes est condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Nantes une somme de soixante dix huit mille trois cent quatre vingt francs (78 380 F), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1995.
Article 4 : Les frais d'expertise d'un montant de trois mille quatre cent quatre vingt huit francs (3 488 F) sont mis à la charge du Centre hospitalier de Vannes.
Article 5 : Le Centre hospitalier de Vannes versera une somme de six mille francs (6 000 F) à Mme Anne Y... et une somme de cinq mille francs (5 000 F) à la Caisse primaire d'assurance maladie de Nantes, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Anne Y..., le surplus des conclusions du mémoire présenté en appel par la Caisse primaire d'assurance maladie de Nantes, ainsi que les conclusions présentées par le Centre hospitalier de Vannes au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Anne Y..., au Centre hospitalier de Vannes, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Nantes, à M. Pierre X..., expert, et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


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