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08/12/1999 | FRANCE | N°96NT00670

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 08 décembre 1999, 96NT00670


Vu la requête enregistrée le 14 mars 1996 au greffe de la Cour, présentée pour la commune de Masle (Orne), représentée par son maire en exercice par Me Z..., avocat à Alençon ;
La commune de Masle demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 93-145 du 31 janvier 1996 par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné M. Y... et Me A..., son liquidateur, à lui verser une indemnité de 10 278,20 F, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice résultant pour elle du déplacement de la charpente du clocher de son église, dans la nuit du 20 au 21 juillet

1992 ;
2 ) de condamner M. Y... et son liquidateur à lui verser la so...

Vu la requête enregistrée le 14 mars 1996 au greffe de la Cour, présentée pour la commune de Masle (Orne), représentée par son maire en exercice par Me Z..., avocat à Alençon ;
La commune de Masle demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 93-145 du 31 janvier 1996 par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné M. Y... et Me A..., son liquidateur, à lui verser une indemnité de 10 278,20 F, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice résultant pour elle du déplacement de la charpente du clocher de son église, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1992 ;
2 ) de condamner M. Y... et son liquidateur à lui verser la somme de 965 411,16 F T.T.C. sous déduction de la provision de 500 000 F qui lui a été versée par l'assurance de L. Y... et de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 modifiée sur les monuments historiques ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 1999 :
- le rapport de M. CADENAT, président,
- les observations de Me X..., se substituant Me HAUPAIS, avocat de Me A..., liquidateur de M. Y...,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par marché du 10 mars 1992, la commune de Masle (Orne) a confié la réfection du clocher de l'église, inscrite à l'inventaire supplémentaire, à l'entreprise Y... ; qu'au cours des travaux de réfection, un violent coup de vent a, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1992, provoqué le déplacement de la charpente du clocher ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a déclaré Me A..., liquidateur de l'entreprise Y..., responsable, sur le fondement de la garantie contractuelle, des désordres affectant ledit clocher dans une proportion de 80% et laissé à la commune une part de responsabilité de 20% et condamné, en conséquence, Me A... à verser diverses sommes à la commune ; que celle-ci interjette appel de ce jugement tant sur la part de responsabilité qui a été laissée à sa charge que sur le montant de l'indemnité à l'égard duquel Me A... forme appel incident ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, pour laisser à la commune de Masle une part de responsabilité de 20% dans la survenance des désordres litigieux, le tribunal administratif a relevé, à juste titre, que la commune avait commis une faute en s'abstenant, pour des raisons d'économie, malgré les conseils qui lui avaient été donnés en ce sens par le service des monuments historiques, de faire appel à un maître d'oeuvre pour la surveillance des travaux en cause ; que la commune ne saurait, pour s'exonérer de toute responsabilité, soutenir en appel, comme elle l'a fait en première instance, d'une part, que M. Y..., dont l'entreprise était spécialisée dans la restauration des monuments historiques, ayant accepté d'effectuer les travaux en toute connaissance de cause, cette circonstance dispensait la commune de recourir à un maître d'oeuvre, d'autre part, que l'architecte des bâtiments de France chargé du contrôle des travaux, en application du dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1913 modifiée sur les monuments historiques, en avait assuré effectivement la maîtrise d'oeuvre et rendait ainsi inutile le recours à un autre maître d'oeuvre, alors surtout que la commune n'avait passé aucune convention de maîtrise d'oeuvre avec cet architecte ; que ce moyen doit, dès lors, être écarté ;
Considérant qu'en l'absence de toute faute de l'architecte des bâtiments de France, M. Y... n'est pas fondé à demander à être garanti des condamnations prononcées contre lui par l'Etat ;
Sur l'indemnité :
Considérant, en premier lieu, que si les travaux destinés à remédier aux désordres susvisés sont plus importants que ceux qui avaient été confiés initialement à l'entreprise Y..., ces travaux sont nécessaires pour faire cesser les désordres ; qu'ainsi, Me A... n'est pas fondé à soutenir qu'ils sont de nature à provoquer l'enrichissement du maître de l'ouvrage ;
Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Masle s'est bornée, en première instance, à demander la condamnation de Me A... à lui rembourser le coût des travaux de restauration du clocher calculé hors taxes ; que sa demande tendant à ce que cette indemnité soit calculée toutes taxes comprises est nouvelle en appel et n'est, par suite, pas recevable ;

Considérant, en troisième lieu, que l'échafaudage mis en place à l'occasion des premiers travaux de consolidation du clocher a été immobilisé pendant 16 mois ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment des constatations de l'expert, que cette immobilisation n'était plus nécessaire au delà d'une durée de 12 mois ; qu'il y a lieu, par suite, de porter à 120 000 F la somme de 60 000 F que le tribunal a retenue au titre des frais liés à l'immobilisation de cet échafaudage ;
Considérant, en quatrième lieu, que la commune de Masle n'est pas fondée à demander le remboursement des frais de souscription de l'assurance-dommages-ouvrage qu'elle a souscrite au titre des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, le caractère facultatif de cette assurance ne permettant pas de la regarder comme une conséquence directe de ces désordres ; qu'en outre, la commune qui avait demandé, en première instance, à être indemnisée du montant des travaux de réparation du clocher hors taxe, ne justifie pas du règlement de la taxe à la valeur ajoutée applicable à ces travaux et n'est, par suite, pas fondée à demander à être indemnisée des frais de l'emprunt destiné à régler la taxe à la valeur ajoutée afférente auxdits travaux ;
Considérant, enfin, que la commune ne justifie pas de troubles de jouissance qui lui seraient propres, de nature à lui ouvrir droit à indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu du partage de responsabilité opéré entre Me A... et la commune de Masle et de la provision qui lui a été versée, celle-ci est seulement fondée à demander que la condamnation de 10 278,20 F prononcée à son profit par l'article 1er du jugement attaqué soit portée à 58 278,20 F ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la commune de Masle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à Me A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que la demande de la commune au titre de ces frais n'étant pas chiffrée, elle ne peut qu'être rejetée.
Article 1er : La condamnation prononcée au profit de la commune de Masle par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Caen du 31 janvier 1996 est portée de dix mille deux cent soixante dix huit francs vingt centimes (10 278,20 F) à cinquante huit mille deux cent dix huit francs vingt centimes (58 278,20 F).
Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Caen du 31 janvier 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de la commune de Masle et du recours incident de Me A..., liquidateur de l'entreprise Y..., ensemble leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Masle, à Me A..., liquidateur de l'entreprise Y... et au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96NT00670
Date de la décision : 08/12/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - FAITS DE NATURE A ENTRAINER LA RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DE JOUISSANCE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi du 31 décembre 1913 art. 2


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. CADENAT
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-12-08;96nt00670 ?
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