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18/11/1999 | FRANCE | N°95NT00588

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 18 novembre 1999, 95NT00588


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 mai 1995, présentée pour Mme Dominique X..., demeurant ..., par Me SAINT-CRICQ, avocat au barreau de Tours ;
Mme X... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 91-1708 du 23 mars 1995 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant le Centre hospitalier universitaire (C.H.U.) de Tours à lui payer une somme de 5 000 F, avec intérêts de droit à compter du 27 novembre 1991, en réparation du préjudice résultant des conditions dans lesquelles elle a été so

ignée à l'hôpital Bretonneau, une somme de 5 000 F au titre de l'artic...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 mai 1995, présentée pour Mme Dominique X..., demeurant ..., par Me SAINT-CRICQ, avocat au barreau de Tours ;
Mme X... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 91-1708 du 23 mars 1995 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant le Centre hospitalier universitaire (C.H.U.) de Tours à lui payer une somme de 5 000 F, avec intérêts de droit à compter du 27 novembre 1991, en réparation du préjudice résultant des conditions dans lesquelles elle a été soignée à l'hôpital Bretonneau, une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi que les dépens de l'instance ;
2 ) de condamner le C.H.U. de Tours à lui payer une somme de 173 371,20 F, avec intérêts de droit à compter du 27 novembre 1991 ;
3 ) de condamner le C.H.U. de Tours à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 1999 :
- le rapport de M. MILLET, premier conseiller,
- les observations de Me SAINT-CRICQ, avocat de Mme Dominique X..., requérante,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité du Centre hospitalier universitaire (C.H.U.) de Tours :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé en référé par le président du Tribunal administratif, que le vendredi 2 décembre 1988, Mme Dominique X... a ingéré un os de poulet, lui procurant une douleur dans la région du cou, qui l'a obligée à consulter à 20 heures un interne du service O.R.L. de l'hôpital Bretonneau, dépendant du C.H.U. de Tours ; qu'aucune trace de corps étranger n'ayant été retrouvée dans l'arrière gorge de l'intéressée après radiographie du cou et des poumons, une sophagoscopie a alors été pratiquée sous anesthésie générale à 21 h 15, sans qu'aucune effraction de la paroi sophagienne ne soit diagnostiquée ; qu'à son réveil, et surtout à partir de 23 h 30, Mme X... s'est plainte de vives douleurs thoraciques, qui ont persisté pendant la nuit ; que le médecin anesthésiste de garde à l'hôpital Bretonneau, dont l'intéressée avait réclamé l'intervention, n'a pas prescrit de radio thoracique et s'est borné à lui délivrer des antibiotiques alors qu'un léger saignement du cardia avait été noté et à lui prescrire un électrocardiogramme et un calmant ; que devant la persistance des douleurs et l'élévation de sa température une radiographie pulmonaire de face a été demandée le samedi 3 décembre 1988, vers 6 h 30 du matin ; que cette dernière a révélé, vers 9 h 30, une perforation de l' sophage avec épanchement pleural évoluant rapidement du côté gauche, nécessitant son transfert à l'hôpital Trousseau, dépendant du C.H.U. de Tours, pour une intervention chirurgicale en urgence ; qu'après quatorze jours d'hospitalisation et un congé de maladie qui s'est achevé avec la consolidation de la blessure, le 3 mars 1989, Mme X... reste atteinte d'une incapacité permanente partielle (I.P.P.) de 7 % et d'importantes cicatrices à l'abdomen ;
Considérant que si Mme X... soutient qu'avant son entrée à l'hôpital, elle ne souffrait d'aucune lésion de l' sophage, et que la déchirure qui s'est produite lors de l' sophagoscopie constitue nécessairement une faute de service, il ne résulte pas de l'instruction, et il est formellement contesté par l'expert, qu'une faute dans l'exécution de l'acte médical puisse être retenue à l'encontre du praticien qui a procédé à cet examen ; qu'en revanche, le retard de quelques dix heures avec lequel ladite plaie a été décelée constitue, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif, une organisation défectueuse du service et une erreur de diagnostic de nature à engager la responsabilité de l'administration hospitalière, alors que les douleurs thoraciques intenses de Mme X... évoquaient nécessairement une menace de perforation de l' sophage qui devait conduire le médecin anesthésiste de garde à demander une radio thoracique en urgence ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à demander que la responsabilité du C.H.U. de Tours soit étendue aux conditions dans lesquelles s'est déroulée l' sophagoscopie pratiquée le 2 décembre 1988 et, par la voie de l'appel incident, le C.H.U. de Tours n'est pas non plus fondé à demander à se voir décharger de toute responsabilité au cours de cet examen médical ;
Sur l'indemnité due à Mme X... :

Considérant qu'il n'existe aucun lien de cause à effet entre le retard survenu dans le diagnostic de la perforation sophagienne de Mme X..., auquel se limite la responsabilité du C.H.U. de Tours, et les pertes de revenus qu'elle a subies à raison de son hospitalisation et de son congé maladie ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'un diagnostic plus précoce de la lésion de la paroi sophagienne n'aurait pas modifié l'évolution de l'état de santé de Mme X... ; que cette dernière ne saurait, dès lors, prétendre à une indemnité, ni au titre de l'I.P.P. dont elle reste atteinte, ni au titre de son préjudice esthétique ; que Mme X... n'est en droit d'obtenir réparation que du préjudice résultant pour elle de la prolongation des souffrances physiques provoquées par le retard de diagnostic ; qu'eu égard à leur intensité, à leur signalement répété, et même si elles ont été de faible durée, le Tribunal administratif a fait une estimation insuffisante des souffrances endurées par Mme X... en lui accordant une somme de 5 000 F de ce chef ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en portant la somme à laquelle a été condamné le C.H.U. de Tours à 10 000 F ; que la requérante est, par suite, fondée à demander la réformation du jugement sur ce point ;
Sur l'indemnité due à la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) d'Indre-et-Loire :
Considérant que si la C.P.A.M. d'Indre-et-Loire demande le remboursement de ses débours à hauteur de 49 627,64 F, ainsi que les intérêts au taux légal de cette somme, elle n'établit, ni même n'allègue, avoir d supporter un surcroît de frais d'hospitalisation à raison du retard survenu dans le diagnostic de la perforation de l' sophage de Mme X... ; que, par suite, la C.P.A.M. d'Indre-et-Loire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'opposent à ce que Mme X... qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, soit con-damnée à verser au C.H.U. de Tours la somme de 9 648 F que ce dernier demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que le C.H.U. de Tours qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante à l'égard de la C.P.A.M., soit condamné à lui verser la somme de 4 000 F que celle-ci demande ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le C.H.U. de Tours à payer à Mme X... une somme de 6 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur les conclusions de la C.P.A.M. d'Indre-et-Loire tendant à la condamnation du C.H.U. de Tours à lui verser la somme de 5 000 F en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'en application des dispositions du dernier alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 9-I de l'ordonnance n 96-51 du 24 janvier 1996, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours, "la caisse d'assurance maladie à laquelle est affiliée l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 5 000 F et d'un montant minimum de 500 F. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions, prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2, 3 et 4 du titre IV du livre 1er ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre V du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour connaître des litiges relatifs à la liquidation et au recouvrement de l'indemnité qu'elles instituent au bénéfice de l'organisme national d'assurance maladie ; qu'ainsi, il n'appartient pas au juge administratif de condamner le tiers qu'il déclare responsable d'un accident au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions précitées ; que, dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la C.P.A.M. d'Indre-et-Loire doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Article 1er : La somme à laquelle le Centre hospitalier universitaire de Tours a été condamné par le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 23 mars 1995 à verser à Mme Dominique X... est portée à dix mille francs (10 000 F).
Article 2 : L'article 1er du jugement précité du 23 mars 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le Centre hospitalier universitaire de Tours versera à Mme Dominique X... une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire tendant à la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Tours à lui verser une somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Dominique X... et de la requête de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, ainsi que les conclusions d'appel incident présentées par le Centre hospitalier universitaire de Tours, sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Dominique X..., au Centre hospitalier universitaire de Tours, à la Caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT00588
Date de la décision : 18/11/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-02-01-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - ERREUR DE DIAGNOSTIC


Références :

Code de la sécurité sociale L376-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Ordonnance 96-51 du 24 janvier 1996 art. 9


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MILLET
Rapporteur public ?: Mme COËNT-BOCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-11-18;95nt00588 ?
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