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20/10/1999 | FRANCE | N°95NT01482

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 20 octobre 1999, 95NT01482


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 28 octobre 1995, présentée pour le département du Calvados représenté par le président du conseil général, par Me Y..., avocat à Caen ;
Le département du Calvados demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-773 du 28 juillet 1995 du Tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société en nom collectif (S.N.C.) Quille à lui verser la somme de 1 332 708,20 F T.T.C. avec intérêts à compter du 3 juillet 1995 en réparation des désordres acoustiques qui affecten

t le collège d'enseignement secondaire (C.E.S.) de Blainville-sur-Orne et à ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 28 octobre 1995, présentée pour le département du Calvados représenté par le président du conseil général, par Me Y..., avocat à Caen ;
Le département du Calvados demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-773 du 28 juillet 1995 du Tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société en nom collectif (S.N.C.) Quille à lui verser la somme de 1 332 708,20 F T.T.C. avec intérêts à compter du 3 juillet 1995 en réparation des désordres acoustiques qui affectent le collège d'enseignement secondaire (C.E.S.) de Blainville-sur-Orne et à lui rembourser la moitié des frais de l'expertise ordonnée en référé par l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Caen du 3 octobre 1991 ;
2 ) de condamner la S.N.C. Quille à lui verser les sommes susvisées ainsi que celle de 10 000 F au titre des frais non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 1999 :
- le rapport de M. CADENAT, président,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commune de Blainville-sur-Orne a fait édifier, en 1984, un collège d'enseignement secondaire (C.E.S.) dont la construction a été confiée à la société en nom collectif (S.N.C.) Quille et dont l'architecte d'adaptation était M. X... ; que la réception définitive des travaux sans réserves a été prononcée le 14 août 1984 ; que des désordres ont affecté cette construction, notamment sous la forme de condensations sur les vitrages des menuiseries extérieures et de défauts d'acoustique dans les bâtiments scolaires ; que le département du Calvados, venant aux droits de la commune de Blainville-sur-Orne en vertu du transfert de compétences issu de la loi du 22 juillet 1983, a obtenu la désignation d'un expert en référé qui a déposé son rapport le 16 juillet 1993 ; que par jugement du 28 juillet 1995, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la demande du département du Calvados qui tendait à la condamnation de la S.N.C. Quille à la réparation, d'une part, des désordres des menuiseries extérieures sur le fondement de la garantie contractuelle, d'autre part des défauts acoustiques susvisés sur le fondement de la garantie décennale ; que le département du Calvados interjette appel de ce jugement uniquement en ce qu'il a rejeté ses conclusions relatives aux défauts acoustiques ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ; que, pour rejeter les conclusions du département qui recherchaient la responsabilité de la S.N.C. Quille à raison des désordres acoustiques, le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen, relevé d'office, que ces désordres n'avaient pas eu pour origine la mission dont était chargée la société Quille ; qu'en rejetant, pour ce motif, les conclusions susvisées du département du Calvados sans avoir rayé l'affaire du rôle et informé les parties de son intention de relever ce moyen d'office, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Caen du 28 juillet 1995 doit, en tant qu'il porte sur ces conclusions, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'évoquer et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions ;
Sur la responsabilité de la S.N.C. Quille :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que les désordres acoustiques qui se manifestent par des phénomènes de résonance exagérée rendent l'immeuble impropre à sa destination ; que ces désordres sont dus à la mise en oeuvre de "matériaux durs" sans qu'ait été prévue la pose de faux plafonds et de stores vénitiens et engagent la responsabilité décennale des constructeurs ; que, si ces désordres révèlent un vice de conception de l'ouvrage imputable à la maîtrise d'oeuvre, la S.N.C. Quille ne conteste pas, en appel, avoir accepté, sans faire aucune réserve, l'emploi de ces matériaux, alors qu'elle ne pouvait en ignorer, en sa qualité d'entreprise de gros oeuvre, les conséquences sur le plan acoustique ; qu'il y a lieu, par suite, conformément à la demande du département du Calvados, de déclarer la S.N.C. Quille responsable desdits désordres ;
Sur le montant des travaux de réparation :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'un devis établi par la S.N.C. Quille elle-même, que le montant des travaux relatifs à la pose des faux plafonds et des stores nécessaires pour faire cesser les désordres en cause s'élève à la somme de 1 332 708,20 F T.T.C. ; que, toutefois, les conclusions du département ayant été déposées plus de dix ans après la réception définitive des travaux, il y a lieu, pour tenir compte de la plus value apportée ainsi à l'ouvrage, d'appliquer un abattement de 50 % sur le montant de ces travaux ; qu'il résulte de ce qui précède que le département du Calvados est seulement fondé à demander que la S.N.C. Quille soit condamnée à lui verser la somme de 666 354,10 F T.T.C. au titre de ces travaux ;
Sur les intérêts :
Considérant que le département du Calvados a droit aux intérêts de la somme de 666 354,10 F à compter du 3 juillet 1995, date du dépôt de ses conclusions relatives à la réparation des désordres susvisés devant le Tribunal administratif de Caen ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département du Calvados est fondé à demander que la S.N.C. Quille soit condamnée à lui rembourser, comme il le demande, la moitié des frais de l'expertise ordonnée par l'ordonnance de référé du président du Tribunal administratif de Caen du 3 octobre 1991 ;
Sur l'appel en garantie de la S.N.C. Quille dirigé contre M. X... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., architecte d'adaptation, était notamment chargé de définir les normes acoustiques auxquelles devait répondre l'immeuble litigieux ; que les désordres susvisés révèlent, de sa part, une faute caractérisée dans la conception de cet immeuble ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de le condamner à garantir la S.N.C. Quille à hauteur de 80 % des condamnations mises à la charge de cette dernière ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que le département du Calvados qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la S.N.C. Quille la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner la S.N.C. Quille à payer une somme de 6 000 F au département du Calvados au titre de ces frais ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 28 juillet 1995 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions du département du Calvados relatives aux désordres acoustiques affectant le Collège d'enseignement secondaire de Blainville-sur-Orne.
Article 2 : La société en nom collectif Quille est condamnée à verser au département du Calvados la somme de six cent soixante six mille trois cent cinquante quatre francs dix centimes toutes taxes comprises (666 354,10 F T.T.C.). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 1995.
Article 3 : La société en nom collectif Quille est condamnée à supporter la moitié des frais de l'expertise ordonnée par l'ordonnance de référé du président du Tribunal administratif de Caen du 3 octobre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions du département du Calvados est rejeté.
Article 5 : M. X... est condamné à garantir la société en nom collectifQuille à hauteur de 80 % des condamnations mises à la charge de cette dernière par les articles 2 et 3 du présent arrêt.
Article 6 : La société en nom collectif Quille versera au département du Calvados une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au département du Calvados, à la société en nom collectif Quille, à M. X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


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