Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 29 avril 1997, présenté par le ministre de l'intérieur ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler l'article 1er du jugement n s 95-1965 - 95-1966 du 25 fé-vrier 1997 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de M. Kalidou X..., la décision du préfet du Loiret du 7 août 1995 refusant l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au titre de l'asile ;
2 ) de rejeter la demande n 95-1965 présentée par M. X... devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu la loi n 91-737 du 30 juillet 1991 autorisant l'approbation de la Convention du 19 juin 1990 d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, et le décret n 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette Convention ;
Vu le décret n 95-305 du 21 mars 1995 portant publication de l'accord d'adhésion du Royaume d'Espagne à cette Convention, signé le 25 juin 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 1999 :
- le rapport de M. LAINE, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X..., de nationalité mauritanienne, est arrivé à Las Palmas, aux Iles Canaries (Espagne), le 2 avril 1995, en provenance de son pays d'origine, sous couvert d'un visa autorisant un séjour d'une durée maximale de quinze jours, délivré le 27 février 1995 par le consulat d'Espagne à Nouakchott, avant de repartir pour la France le 13 avril suivant, pour y solliciter l'asile le 19 avril 1995 auprès de la préfecture du Loiret ; que le Royaume d'Espagne ayant accepté le 19 juillet 1995 de prendre en charge le traitement de cette demande d'asile, le préfet du Loiret a, par sa décision du 7 août 1995, refusé d'admettre à ce titre l'intéressé au séjour provisoire en France en application du 1 de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, et lui a enjoint de se rendre en Espagne dans un délai de quinze jours ;
Considérant que les dispositions de l'article 31-2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et de la loi susvisée du 25 juillet 1952, impliquent que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié doive en principe, et en l'absence de dispositions ou de stipulations contraires d'une loi ou d'un traité, être autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire français jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, sauf dans les cas de recours abusif aux droits ainsi reconnus aux personnes qui demandent la protection des autorités de la République ;
Considérant, cependant, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, devenu, depuis la loi n 98-349 du 11 mai 1998, l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 : "Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951( ...), modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, l'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si : 1 L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, en application des stipulations de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée auprès d'un Etat membre des Communautés européennes, ou du chapitre VII du titre II de la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ou d'engagements identiques à ceux prévus par la Convention de Dublin souscrits avec d'autres Etats conformément à la déclaration annexée au procès-verbal de la conférence de signature de la Convention du 15 juin 1990, à compter de leur entrée en vigueur ; ..." ; que si le paragraphe 3 de l'article 29 de la Convention du 19 juin 1990 signée à Schengen, stipule que : "Quelque soit la Partie contractante à laquelle l'étranger adresse sa demande d'asile, une seule Partie contractante est responsable du traitement de la demande. Elle est déterminée selon les critères définis à l'article 30", lequel dispose que : "La Partie contractante responsable du traitement d'une demande d'asile est déterminée comme suit : a) si une Partie contractante a délivré au demandeur d'asile un visa de quelque nature qu'il soit ou un titre de séjour, elle est responsable du traitement de la demande ( ...)", le paragraphe 4 du même article 29 de la convention stipule toutefois que : "Nonobstant le paragraphe 3, toute Partie contractante conserve le droit, pour des raisons particulières tenant notamment au droit national, d'assurer le traitement d'une demande d'asile même si la responsabilité au sens de la présente Convention incombe à une autre Partie contractante" ; que l'article 53-1 de la Constitution prévoit que si la France peut conclure des accords sur l'examen des demandes d'asile avec les Etats européens liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des droits de l'homme, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté, même sollicitant la protection de la France pour un autre motif que son action en faveur de la liberté ; que le quatrième alinéa de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, devenu depuis l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952, énonce enfin que "les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1 à 4 du présent article" ; qu'il résulte de ces dispositions que, même lorsqu'une demande d'asile présentée à l'intérieur du territoire français est susceptible de relever d'un autre Etat signataire des accords susmentionnés, il appartient à l'autorité administrative française, compétente, en tout état de cause, pour statuer sur une demande d'admission au séjour à ce titre, d'apprécier si, au regard de sa situation personnelle, il convient d'autoriser l'étranger sollicitant la protection de la République à séjourner provisoirement en France pour lui permettre de déposer auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides
(O.F.P.R.A.) sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié ; qu'il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi à cet effet, de contrôler si ladite appréciation n'est pas entachée d'une erreur manifeste ;
Considérant que M. X..., ancien adjudant-chef de l'armée mauritanienne, a demandé l'asile en faisant état des tortures et emprisonnements dont il aurait été victime en 1990 et 1991 et dont il craindrait le renouvellement en raison de son appartenance à l'ethnie Peuhl ; que s'il est francophone et a déjà séjourné plusieurs mois en France en 1981 dans le cadre de sa formation militaire technique, il ne ressort pas de ces seules circonstances que le préfet du Loiret aurait apprécié de manière manifestement erronée sa situation personnelle en refusant de l'admettre au séjour provisoire en vue de l'examen de sa demande d'asile par l'O.F.P.R.A., dès lors que ne sont pas établis par les pièces du dossier les risques allégués pour sa vie en Espagne du fait de prétendues exactions d'officiers mauritaniens à l'encontre de certains réfugiés dans ce pays ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet du Loiret pour annuler sa décision du 7 août 1995 ;
Considérant que s'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le Tribunal administratif d'Orléans par M. X..., ce dernier ne conteste pas en appel les motifs retenus par le Tribunal pour écarter, d'une part, comme manquant en fait, le moyen tiré du délai excessif mis par le préfet à saisir les autorités espagnoles de sa demande d'asile, d'autre part, comme dépourvue de caractère réglementaire, la circulaire ministérielle du 21 mars 1995 relative aux modalités d'application de la Convention de Schengen concernant le traitement des demandes d'asile ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision litigieuse du préfet du Loiret du 7 août 1995 ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 25 février 1997 est annulé.
Article 2 : La demande n 95-1965 présentée par M. Kalidou X... devant le Tribunal administratif d'Orléans est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Kalidou X....