Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 mars 1997, présentée pour la commune de Saint-Arnoult (Seine-Maritime), représentée par son maire en exercice, par Maître Y..., avocat ;
La commune de Saint-Arnoult demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-1138 en date du 26 novembre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 19 avril 1994 par laquelle le maire de la commune a exercé le droit de préemption sur des biens appartenant à Mme X... ;
2 ) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif ;
3 ) de condamner Mme X... à lui verser 20 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 1999 :
- le rapport de Mme THOLLIEZ, premier conseiller,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence :
Considérant que les conclusions présentées par Mme X... devant le tribunal administratif tendaient à l'annulation de la décision du maire de Saint-Arnoult d'exercer le droit de préemption de la commune sur les terrains lui appartenant au Hameau de l'Eglise et qui avaient fait l'objet de déclarations d'intentions d'aliéner ; que de telles conclusions, dirigées contre une décision administrative d'exercer le droit de préemption urbain prévu aux articles L.210-1 et suivants du code de l'urbanisme relevaient, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Arnoult, de la compétence du juge administratif ;
Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par lettre du 19 avril 1994, le maire de Saint-Arnoult a informé le notaire de Mme X... qu'il entendait préempter les biens qui faisaient l'objet des deux déclarations d'intention d'aliéner transmises par ce dernier ; que cette lettre, qui ne mentionnait pas les voies et délai dans lesquels l'intéressé pouvait former un recours contentieux, n'a pu faire courir ledit délai à l'encontre de Mme X... ; qu'il suit de là que la commune de Saint-Arnoult n'est pas fondée à soutenir que la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 1994, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Rouen le 29 août 1994, était tardive ;
Sur la légalité de la décision du 19 avril 1994 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.213-8 du code de l'urbanisme : "lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : a) soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; b) soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposées, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; c) soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l'indemnité de réemploi. Dans le cas d'une vente envisagée moyennant le versement d'une rente viagère, le titulaire du droit de préemption et, le cas échéant, la juridiction doivent respecter les conditions de paiement proposées par le vendeur. Toutefois, le titulaire peut proposer, et la juridiction fixer, la révision du montant de cette rente et du capital éventuel" ;
Considérant que le maire de Saint-Arnoult a été saisi de deux déclarations d'intention d'aliéner concernant deux terrains contigüs, compris dans une unité foncière cadastrée section AN au lieudit Hameau de l'Eglise appartenant en totalité à Mme X... ; que si par lettre du 19 avril 1994, il a indiqué qu'il entendait exercer le droit de préemption sur les deux terrains en cause, le maire de la commune n'a cependant fait mention ni de sa décision d'acquérir au prix proposé, ni offert un autre prix, se bornant uniquement à préciser qu'il voulait acquérir l'ensemble de la propriété de Mme X... et des bâtiments qu'elle comporte alors même qu'ils n'étaient pas concernés par les déclarations d'intention d'aliéner ; qu'ainsi son offre ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R.213-8 sus-rappelé et était, dès lors, entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Arnoult n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 19 avril 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :"dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, à payer la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que la commune de Saint-Arnoult est partie perdante dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que Mme X... soit condamnée à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'expèce de condamner la commune de Saint-Arnoult à payer à Mme X... la somme de 6 000 F ;
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Arnoult est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Arnoult versera à Mme X... une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme X... tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Arnoult, à Mme X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.