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16/12/1998 | FRANCE | N°95NT00056

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 16 décembre 1998, 95NT00056


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 janvier 1995, présentée pour M. Yves Y..., demeurant ..., par Me MOCAER, avocat à Brest ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 91-1069 du 30 novembre 1994 par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a condamné, solidairement avec la Société Bretonne d'Etanchéité (S.B.E.) et la société entreprise Palud à verser à La Poste une indemnité de 276 619,87 F en réparation du préjudice résultant des désordres d'étanchéité qui affectent les locaux de La Poste, à Audierne, à supporter solidai

rement la charge des dépens, et a fixé sa part de responsabilité à 40 % ;
2 ) ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 janvier 1995, présentée pour M. Yves Y..., demeurant ..., par Me MOCAER, avocat à Brest ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 91-1069 du 30 novembre 1994 par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a condamné, solidairement avec la Société Bretonne d'Etanchéité (S.B.E.) et la société entreprise Palud à verser à La Poste une indemnité de 276 619,87 F en réparation du préjudice résultant des désordres d'étanchéité qui affectent les locaux de La Poste, à Audierne, à supporter solidairement la charge des dépens, et a fixé sa part de responsabilité à 40 % ;
2 ) de réduire l'indemnité allouée à La Poste à la somme de 29 111,72 F, montant hors taxes des travaux de réparation qui correspondent à la première solution envisagée par l'expert, de limiter sa part de responsabilité à 20 % de l'ensemble des désordres, de régler le sort des dépens en fonction de ce partage de responsabilité et de lui accorder la garantie de la S.B.E. et de l'entreprise Palud à hauteur de 80 % du montant des réparations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 1998 :
- le rapport de M. CADENAT, président,
- les observations de Me Z..., se substituant à Me MOCAER, avocat de M. Y...,
- les observations de Me SEZE, avocat de La Poste,
- les observations de Me DEPASSE, avocat de Me A..., es qualité de mandataire-liquidateur de l'entreprise Palud,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 30 novembre 1994, le Tribunal administratif de Rennes a, sur le fondement de la garantie décennale, d'une part, condamné solidairement M. Y..., architecte, Me X..., administrateur au règlement judiciaire de la société bretonne d'étanchéité (S.B.E.) et Me A..., mandataire liquidateur de la société Entreprise Palud, à payer à La Poste la somme de 276 619,87 F et à supporter les frais de l'expertise ordonnée en référé, d'autre part, statué sur les différents recours en garantie exercés entre les trois défendeurs, à raison des infiltrations qui affectent une partie des bâtiments qui abritent les services de La Poste à Audierne ; que ce jugement fait l'objet d'un appel principal de M. Y... et d'appels incidents et provoqués de La Poste, de Me X... et de Me A... ;
Sur les conclusions de La Poste tendant à ce que l'arrêt de la Cour soit déclaré commun aux sociétés d'assurance de la S.B.E. et de l'entreprise Palud :
Considérant que l'action directe de la victime contre l'assureur de l'auteur d'un dommage, qui ne poursuit que l'exécution de l'obligation de l'assureur envers son assuré, laquelle est une obligation de droit privé, relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; que, dès lors, les conclusions susvisées de La Poste doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. Y... soutient que, contrairement à l'appréciation des premiers juges, l'insuffisance de la section de la descente d'eaux pluviales, qui est, pour partie, à l'origine des désordres, ne révèle pas une erreur de conception de sa part, le calcul de cette section incombant à la seule S.B.E., chargée du lot couverture-étanchéité ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des pièces du marché relatif à l'opération en cause, que M. Y... était investi d'une mission complète de première catégorie et qu'il était chargé, en conséquence, des études de détail relatives à l'exécution des ouvrages, de l'établissement des spécifications techniques détaillées et des plans d'exécution des ouvrages ; qu'il lui incombait donc de calculer la section de la descente d'eaux pluviales, la responsabilité de S.B.E. n'étant, sur ce point, que subsidiaire ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à remettre en cause sa part de responsabilité dans la survenance des désordres, fixée par le tribunal à 40 % ;
Sur le montant des réparations nécessaires pour mettre fin aux désordres :

Considérant, en premier lieu, que l'expert a préconisé, sans indiquer de préférence, deux solutions propres, selon lui, à remédier aux désordres, l'une nécessitant, notamment, la réfection complète des chéneaux et l'autre, beaucoup plus économique, se bornant à une reprise des descentes d'eaux pluviales ; que si les constructeurs soutiennent que cette deuxième solution, dont le coût s'élève à 34 526,50 F, suffit à rendre l'immeuble conforme à sa destination, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle ne correspond pas aux obligations d'origine des constructeurs et implique nécessairement le passage d'une canalisation dans la salle de tri ; qu'eu égard à ce qui précède, les travaux décrits ci-dessus, qui ne comportent pas la réfection des chéneaux, ne sauraient être considérés, ainsi que l'a indiqué le Tribunal administratif, comme étant de nature à mettre fin de façon définitive aux désordres et à rendre l'ouvrage conforme à sa destination ; qu'ainsi, M. Y..., Me X... et Me A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a mis à leur charge le coût des travaux correspondant à la première solution préconisée par l'expert ;
Considérant, en deuxième lieu, que le coût des travaux en cause a été estimé par l'expert à un montant, actualisé à la date du dépôt de son rapport, le 1er octobre 1992, de 276 619,87 F ; que, d'une part, La Poste ne saurait soutenir qu'il y a lieu, en raison d'une erreur matérielle commise par l'expert, de porter ce montant à 376 619,87 F ; qu'il résulte, en effet, de l'instruction et, notamment, d'une annexe audit rapport, que cette erreur matérielle affecte, en réalité, la somme de 376 619,87 F à laquelle prétend La Poste ; que, d'autre part, le préjudice subi par La Poste a été normalement évalué par le Tribunal à la date à laquelle sa cause avait pris fin et où son étendue était connue, soit à la date du dépôt du rapport de l'expert ; que La Poste ne saurait réclamer que lui soit allouée une indemnité correspondant au montant des travaux qu'elle a réellement engagés, dont le coût a été estimé par des devis postérieurs à la date susvisée du 1er octobre 1992 ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommu-nications, applicable depuis le 1er janvier 1991 : "Jusqu'au 1er janvier 1994, La Poste et France Télecom sont soumis aux seuls impôts et taxes effectivement supportés par l'Etat à la date de publication de la présente loi, à raison des activités transférées aux exploitants publics." ; que l'Etat n'étant pas assujetti à la T.V.A. à raison des opérations transférées à La Poste par la loi susvisée du 1er Janvier 1991, cette dernière justifie qu'au 1er octobre 1992, date du dépôt du rapport d'expertise, à laquelle il pouvait être procédé aux travaux destinés à remédier aux désordres affectant les locaux de la poste d'Audierne, elle n'était pas assujettie à ladite taxe à raison des opérations qu'elle réalisait dans les locaux susvisés ; qu'il n'y a donc pas lieu, contrairement à ce que demandent M. Y..., Me X... et Me A..., de calculer le montant de l'indemnité due à La Poste en en déduisant la taxe à la valeur ajoutée ;
Sur les conclusions d'appel provoqué de Me A... relatives à l'interdiction de condamner la société entreprise Palud au paiement d'une somme d'argent :

Considérant que ces conclusions, introduites après le délai d'appel, ne seraient recevables que si la situation de leur auteur était aggravée par l'admission de l'appel principal ; que l'appel principal de M. Y... étant rejeté, lesdites conclusions sont irrecevables ;
Sur les intérêts :
Considérant que La Poste a droit aux intérêts de la somme de 276 619,87 F à compter de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif, soit le 5 juin 1991 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que La Poste a demandé la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le Tribunal administratif de Rennes lui a accordée les 6 novembre 1995 et 3 mars 1996 ; qu'à la première de ces dates, au cas ou le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'en revanche, une année ne s'étant pas écoulée depuis le 6 novembre 1995, il y a lieu de rejeter la demande de capitalisation des intérêts présentée le 3 mars 1996 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner M. Y..., Me X..., administrateur au redressement judiciaire de la S.B.E. et Me A..., mandataire liquidateur de la société Entreprise Palud, à payer à La Poste, chacun, la somme de 2 000 F ;
Article 1er : La requête de M. Y..., ensemble les conclusions de Me X..., administrateur au redressement judiciaire de la S.B.E. et de Me A..., mandataire liquidateur de la société Entreprise Palud, sont rejetées.
Article 2 : L'indemnité de deux cent soixante seize mille trois cent treize francs quatre vingt sept centimes (276 313,87 F) allouée à La Poste par le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 30 Novembre 1994 portera intérêts au taux légal à compter du 5 juin 1991. Les intérêts échus le 6 novembre 1995 seront capitalisés pour produire eux- mêmes intérêts.
Article 3 : M. Y..., Me X..., administrateur au redressement judiciaire de la S.B.E. et Me A..., mandataire liquidateur de la Société Entreprise Palud, verseront chacun à La Poste une somme de deux mille francs (2 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de La Poste est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y..., à La Poste, à Me X..., administrateur au redressement judiciaire de la S.B.E., à Me A..., mandataire liquidateur de la société Entreprise Palud et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT00056
Date de la décision : 16/12/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS DE DROIT PRIVE - CONTRATS CONCLUS ENTRE PERSONNES PRIVEES.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - DATE D'EVALUATION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - VOIES DE RECOURS - APPEL - APPEL PROVOQUE.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 90-568 du 02 juillet 1990 art. 19


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. CADENAT
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-12-16;95nt00056 ?
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