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10/06/1998 | FRANCE | N°95NT00983

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 10 juin 1998, 95NT00983


Vu la décision n 144450 en date du 21 juin 1995, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juillet 1995 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi formé par la S.A. Champel Allaigre Sorets contre l'arrêt n 91NT00302 en date du 18 novembre 1992, par lequel la Cour administrative d'appel de Nantes avait remis à la charge de cette société les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties d'intérêts de retard, auxquelles elle avait été assujettie au titre de chacune des années 1980 à 1983 et dont le Tribunal administratif d'Orléans l'avait déchargée

par jugement du 20 décembre 1990, a annulé ledit arrêt et renvoyé l...

Vu la décision n 144450 en date du 21 juin 1995, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juillet 1995 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi formé par la S.A. Champel Allaigre Sorets contre l'arrêt n 91NT00302 en date du 18 novembre 1992, par lequel la Cour administrative d'appel de Nantes avait remis à la charge de cette société les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties d'intérêts de retard, auxquelles elle avait été assujettie au titre de chacune des années 1980 à 1983 et dont le Tribunal administratif d'Orléans l'avait déchargée par jugement du 20 décembre 1990, a annulé ledit arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour ;
Vu le recours, enregistré le 3 mai 1991, sous le n 91NT00302, présenté par le ministre chargé du budget ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) à titre principal, d'annuler le jugement, en date du 20 décembre 1990, par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à la société Champel Allaigre Sorets la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1980 à 1983 ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la société Champel Allaigre Sorets ;
3 ) à titre subsidiaire, de rétablir cette imposition à hauteur d'une réintégration de 2 607 237 F au titre de l'année 1980 et intégralement pour les autres années, et de réformer en ce sens le jugement précité ;
4 ) à titre très subsidiaire, de rétablir cette imposition à hauteur d'une réintégration reconnue justifiée par la société elle-même, soit 233 710 F au titre de 1980, et de réformer en ce sens le jugement précité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 1998 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- les observations de Me AURILLAC, avocat de la société Champel Allaigre Sorets,
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Champel Allaigre Sorets, qui exerce une activité d'exploitant de chauffage, a conclu avec certains de ses clients des contrats, dits de "garantie totale des installations", par lesquels elle s'engageait, en contrepartie de la perception de redevances annuelles, à assurer le fonctionnement, l'entretien et, si nécessaire au cours de la période couverte par le contrat, le remplacement des installations qui lui étaient confiées ; qu'elle a déduit de ses résultats au titre des exercices clos de 1980 à 1983 des provisions destinées à faire face au risque résultant de la nécessité de remplacer en cours de contrat les matériels usagés ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société, l'administration a procédé à la réintégration de ces provisions ; que le ministre chargé du budget fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à la société Champel Allaigre Sorets la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces réintégrations ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : ...5 Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables ..." ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut, notamment, porter en provision, et déduire des bénéfices imposables d'un exercice, dans la mesure où se trouvent comptabilisés, au titre de ce même exercice, des produits qui leur correspondent, le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature, qu'elles soient susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante et qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice ;
Considérant qu'en application de la règle ci-dessus rappelée, et dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 38-2 bis du code général des impôts, elle était tenue de comptabiliser au titre de l'exercice de son échéance chaque redevance annuelle dans la mesure où elle rémunérait une prestation continue de garantie, la société Champel Allaigre Sorets était en droit, lorsqu'il apparaissait probable qu'elle aurait à supporter, au cours de la période restant à courir de la durée d'un contrat de "garantie totale", la charge de renouveler les installations couvertes par ce contrat, de constituer à la clôture de chaque exercice antérieur à la réalisation de cet événement, une provision en vue de faire face à la charge de caractère exceptionnel ainsi prévue dans la limite des produits lui correspondant comptabilisés à cette date ; que, si le nombre des contrats de ce type en cause le justifiait, elle avait, en outre, la faculté de déterminer le montant global net des provisions pouvant figurer, à ce titre, au passif de son bilan, à la clôture de chaque exercice, en recourant à une méthode statistique appropriée, déduite du principe susénoncé ;

Considérant, en premier lieu, que si la détermination du fardeau de la preuve est, pour l'ensemble des contribuables soumis à l'impôt, tributaire de la procédure d'imposition suivie à leur égard, elle n'en découle pas moins, à titre principal, dans le cas des personnes ou sociétés assujetties à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou assujetties à l'impôt sur les sociétés, de la nature des opérations comptables auxquelles ont donné lieu les actes contestés par l'administration ; qu'en particulier, il appartient dans tous les cas au contribuable de justifier dans leur principe et dans leur montant de l'exactitude des écritures portant sur des provisions ; que la société Champel Allaigre Sorets n'est, par suite, pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L.192 du livre des procédures fiscales régissant la charge de la preuve en cas de mise en oeuvre de la procédure d'imposition contradictoire pour soutenir qu'il incomberait à l'administration de justifier du bien-fondé de la réintégration du montant des provisions litigieuses dans ses résultats ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la société Champel Allaigre Sorets entend se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation de la loi fiscale, qui justifierait les mêmes provisions, contenue dans la lettre adressée le 20 janvier 1989 par le service de la législation fiscale au président du syndicat national des entreprises de gestion d'équipements thermiques et de climatisation, cette interprétation est, en tout état de cause, postérieure à la mise en recouvrement des impositions ; que la société ne peut non plus se prévaloir utilement, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de ce que l'administration n'aurait pas formulé d'observations quant à des provisions de même nature à l'occasion de vérifications antérieures ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les provisions constituées par la société Champel Allaigre Sorets à la clôture de chacun des exercices en litige ont été déterminées à partir du seul coût de remplacement des matériels concernés par les contrats de "garantie totale des installations", sans que soient prises en compte les redevances perçues au titre de ces contrats, comptabilisées à la date de clôture de l'exercice ; que si, pour le seul exercice clos en 1980, la société a proposé, comme elle était en droit de le faire, une méthode de calcul des provisions tendant à démontrer que le montant de la provision effectivement constituée était inférieur à celui qui aurait été permis par l'application de la loi fiscale, cette méthode, si elle repose sur une analyse de l'ensemble des contrats concernés alors en cours d'exécution, ne tient compte que des redevances restant à percevoir postérieurement à l'exercice en cause au titre de ces contrats et, au surplus, sans inclure celles correspondant à des matériels dont la durée de vie théorique est expirée alors même qu'ils demeurent couverts par la garantie ; que, dès lors, au regard des principes ci-dessus énoncés, cette dernière méthode n'était pas plus de nature à permettre d'évaluer avec une approximation suffisante le montant que la société requérante était en droit d'inscrire à son bilan au titre des provisions ; que la société Champel Allaigre Sorets n'a pas ultérieurement proposé de nouvelles méthodes qui auraient permis de prendre en compte le montant des redevances, comptabilisées à la clôture de l'exercice, correspondant à la charge de caractère exceptionnel qui faisait l'objet des provisions qu'elle avait constituées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise réclamée par la société Champel Allaigre Sorets, le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés assignés à cette société au titre des années 1980 à 1983 ;
Article 1er : Le jugement en date du 20 décembre 1990 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à la société Champel Allaigre Sorets au titre des années 1980 à 1983 ainsi que les pénalités dont elles ont été assorties sont remises intégralement à sa charge.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société Champel Allaigre Sorets.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT00983
Date de la décision : 10/06/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS.


Références :

CGI 39, 209, 38
CGI Livre des procédures fiscales L192, L80 A


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MARGUERON
Rapporteur public ?: Mme JACQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-06-10;95nt00983 ?
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