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09/04/1998 | FRANCE | N°96NT01405

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 09 avril 1998, 96NT01405


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 12 juin 1996, présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-1392 du 3 avril 1996, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à M. X... la somme de 82 360 F en réparation du préjudice subi du fait du naufrage de son navire et une somme de 4 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2

) d'ordonner le sursis à exécution dudit jugement ;
Vu les autres ...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 12 juin 1996, présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-1392 du 3 avril 1996, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à M. X... la somme de 82 360 F en réparation du préjudice subi du fait du naufrage de son navire et une somme de 4 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) d'ordonner le sursis à exécution dudit jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 29 novembre 1996, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle à M. X... ;
Vu la loi du 28 Pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 1998 :
- le rapport de Mme STEFANSKI, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant que le bateau de pêche appartenant à M. X... a coulé le 18 avril 1992 alors qu'il était amarré dans le troisième bassin de la zone administrative du port de Brest ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, qu'en suivant la marée descendante dans la nuit du 17 au 18 avril 1992, le bateau de M. X... est venu s'encastrer sous une échelle de quai dont la partie inférieure s'est rompue et qu'il a ensuite été envahi par les eaux de la marée montante ;
Considérant qu'il est constant que le bateau était amarré à un emplacement prévu à cet effet ; que si le ministre soutient que M. X... n'avait pas d'autorisation spécifique pour stationner dans le port, les dommages dont la réparation est demandée sont sans lien direct avec cette irrégularité ;
Considérant que, si le ministre soutient en appel que l'échelle n'a pu se rompre qu'à la suite d'un heurt avec le navire mal amarré, il n'est pas sérieusement contesté que celle-ci était, à cette époque, dans un état de vétusté et de corrosion importants ; qu'ainsi, le ministre n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage public ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que la responsabilité de l'Etat était susceptible d'être engagée ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte du rapport de l'expert que les défenses mises en place par le propriétaire, notamment à l'avant du bateau, étaient insuffisantes pour l'écarter du quai et que la longueur des amarres était excessive, en particulier pour une marée de fort c fficient ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux négligences commises par M. X... il y a lieu de réduire de deux tiers à un tiers la part de responsabilité de l'Etat et de condamner, dans cette mesure, celui-ci à supporter les conséquences de l'avarie ;
Sur l'évaluation des préjudices :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du rapport de l'expert et des pièces jointes au dossier que si le coût de remise en état du navire peut être évalué à 120 000 F hors taxes, sa valeur vénale s'élevait à 90 000 F hors taxes avant son naufrage, compte tenu de l'état de ses équipements qui avaient fait l'objet de travaux d'entretien, alors même que le bateau n'avait pas navigué depuis deux ans ; que la valeur vénale d'un bien constitue la limite de l'indemnité pouvant être attribuée au propriétaire en réparation des préjudices résultant des dommages causés à ce bien ; qu'en conséquence, ni le ministre dans son appel principal, ni M. X... dans son recours incident, ne sont fondés à soutenir, respectivement, que le tribunal administratif aurait fait une appréciation excessive ou insuffisante de ce chef de préjudice ; qu'en application du pourcentage de responsabilité ci-dessus indiqué, l'indemnité allouée à M. X... pour les frais de remise en état de son bateau doit être ramenée à 30 000 F hors taxes, soit 36 180 F toutes taxes comprises ;

Considérant, en second lieu, que M. X... ne conteste pas ne plus avoir été, à la date du naufrage, en possession du permis de mise en exploitation de navires de pêche maritime ; qu'en conséquence, il ne peut prétendre à être indemnisé d'une perte de chance d'exploitation de son navire ; qu'ainsi, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a accordé de ce chef à M. X... une somme de 10 000 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité accordée à M. X... au titre de ses préjudices doit être ramenée de 82 360 F à 36 180 F toutes taxes comprises ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, de réformer à cet égard le jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens ;
En ce qui concerne la condamnation prononcée par le tribunal adminis- tratif :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dans sa rédaction issue de l'article 75-II de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 37 alinéa 2 de la même loi : "L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge" ; qu'il résulte des dispositions précitées que le ministre n'est pas fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Rennes aurait fait une inexacte application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en accordant à M. X..., qui avait été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme au titre de cet article ;
En ce qui concerne les frais exposés dans l'instance d'appel :
Considérant que M. X... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : La somme de quatre vingt deux mille trois cent soixante francs (82 360 F) que l'Etat a été condamné à verser à M. X... par le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 3 avril 1996, est ramenée à trente six mille cent quatre vingt francs (36 180 F).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 3 avril 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'équipement, des transports et du logement, ensemble les conclusions de l'appel incident de M. X... sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'équipement, des transports et du logement et à M. X....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96NT01405
Date de la décision : 09/04/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DEPENS - REMBOURSEMENT DES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE ENCOURUE DU FAIT DE L'EXECUTION - DE L'EXISTENCE OU DU FONCTIONNEMENT DE TRAVAUX OU D'OUVRAGES PUBLICS - USAGERS DES OUVRAGES PUBLICS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE INDEMNISABLE DU PREJUDICE - AUTRES CONDITIONS - SITUATION EXCLUANT INDEMNITE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE - FAUTE DE LA VICTIME.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75, art. 37


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme STEFANSKI
Rapporteur public ?: Mme JACQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-04-09;96nt01405 ?
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