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04/02/1998 | FRANCE | N°97NT00437;97NT00457

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 04 février 1998, 97NT00437 et 97NT00457


Vu, 1 ) enregistrée au greffe de la Cour le 27 mars 1997 la requête présentée pour M. Robert Y..., demeurant ..., par Me PITTARD, avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-508 en date du 27 novembre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé la décision implicite du préfet du Morbihan refusant d'engager des poursuites à son encontre pour occupation illicite du domaine public maritime et enjoignant au préfet du Morbihan de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à son encontre dans un délai de 3 mois à compter

de la notification dudit jugement ;
2 ) de rejeter la demande de l...

Vu, 1 ) enregistrée au greffe de la Cour le 27 mars 1997 la requête présentée pour M. Robert Y..., demeurant ..., par Me PITTARD, avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-508 en date du 27 novembre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé la décision implicite du préfet du Morbihan refusant d'engager des poursuites à son encontre pour occupation illicite du domaine public maritime et enjoignant au préfet du Morbihan de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à son encontre dans un délai de 3 mois à compter de la notification dudit jugement ;
2 ) de rejeter la demande de l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan" ;
3 ) de condamner l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan à lui verser 5 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu, 2 ) enregistré au greffe de la Cour le 28 mars 1997, le recours présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme ;
Le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme demande à la Cour :
1 ) à titre principal, d'annuler l'article 2 du jugement n 96-508 du 27 décembre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a enjoint au préfet du Morbihan de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de M. Y... dans un délai de 3 mois à compter de la notification du jugement ;
2 ) à titre subsidiaire, les articles 1 et 3 dudit jugement annulant la décision implicite du préfet du Morbihan refusant d'engager des poursuites à l'encontre de M. Y... pour occupation illicite du domaine public maritime et condamnant l'Etat à verser 1 500 F à l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan" en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance de la Marine d'août 1681 ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 1998 :
- le rapport de Mme THOLLIEZ, conseiller,
- les observations de Me X..., représentant Me PITTARD, avocat de M. Y...,

- les observations de Mme ECHARD, présidente de l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan",
- et les conclusions de Mme DEVILLERS, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de M. Y... et le recours du ministre de l'équipement présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan" :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du titre VII du livre IV de l'ordonnance de la marine d'août 1681 : "Sera réputé bord et rivage de la mer, tout ce qu'elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes, et jusqu'où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves ..." ; que ces dispositions doivent être entendues comme fixant la limite du domaine public maritime, quelque soit le rivage, au point jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre, en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; et qu'aux termes de l'article 2 du même titre : "Faisons défenses à toutes personnes de bâtir sur les rivages de la mer, d'y planter aucuns pieux, ni faire aucuns ouvrages qui puissent porter préjudice à la navigation, à peine de démolition des ouvrages, de confiscation des matériaux et d'amende arbitraire ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents photographiques produits par l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan", sur lesquelles le Tribunal administratif pouvait se fonder, sans être tenu d'ordonner une expertise, dès lors qu'il les estimait suffisantes pour lui permettre d'apprécier si les ouvrages litigieux avaient été édifiés sur le domaine public maritime, que les enrochements réalisés par M. Y... au lieu-dit Baie de Kerdelan, sur le territoire de la commune de Baden, en contrebas de la falaise située au pied de sa parcelle cadastrée ZR n 307 sont submergés lors des grandes marées, en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; qu'ainsi, les ouvrages litigieux doivent être regardés comme empiétant sur le domaine public maritime, en méconnaissance des dispositions susrappelées de l'ordonnance d'août 1681 ;

Considérant que les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public maritime sont tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale des rivages de la mer et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie, pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite qui s'opposent à l'exercice par le public de son droit à l'usage du domaine public maritime ; que, si l'obligation ainsi faite à ces autorités trouvent sa limite dans les autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, dans les nécessités de l'ordre public, elles ne sauraient légalement s'y soustraire, en revanche, pour des raisons de simple convenance administrative ; qu'en l'espèce, pour justifier les tolérances consenties à M. Y..., les autorités administratives ne se prévalent d'aucun motif tiré de l'intérêt général ou de l'ordre public ; qu'il en résulte que le préfet du Morbihan ne pouvait s'abstenir de faire usage des pouvoirs qu'il tient de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie, pour faire cesser l'occupation sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite par M. Y... ; que, par suite, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a fait droit à la requête de l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan" et annulé la décision implicite du préfet du Morbihan refusant d'engager des poursuites à l'encontre de M. Y... ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt" ;

Considérant que l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan" a expressément demandé au Tribunal administratif d'enjoindre au préfet du Morbihan d'engager des poursuites à l'encontre de M. Y... à compter de la notification de son jugement ; que l'autorité administrative est tenue, ainsi qu'il a été dit précédemment, de faire usage de ses pouvoirs, sous réserve des autres intérêts généraux dont elle a la charge et, notamment, des nécessités de l'ordre public pour faire cesser les occupations sans titre qui s'opposent à l'exercice par le public de son droit à l'usage du domaine public maritime ; que ni le préfet devant le Tribunal administratif ni le ministre devant la Cour ne se sont prévalus d'aucun motif tiré de l'intérêt général ou de l'ordre public qui s'opposerait à l'engagement de poursuites à l'encontre de M. Y... ; qu'il suit de là qu'en formulant cette injonction qui découle nécessairement de l'annulation du refus du préfet du Morbihan de poursuivre M. Y..., le Tribunal administratif a fait une exacte application des dispositions susvisées ; qu'il en résulte que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme n'est pas davantage fondé à demander l'annulation du jugement sur ce point ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que M. Y... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan" soit condamnée à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de condamner M. Y... et l'Etat à payer à l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan" les sommes de 500 F et de 1 000 F ;
Article 1er : Les requêtes de M. Y... et du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sont rejetées.
Article 2 : M. Y... et l'Etat verseront respectivement à l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan" les sommes de cinq cents francs (500 F) et de mille francs (1 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y..., au ministre de l'équipement, des transports et du logement et à l'Association "Les Amis des chemins de Ronde du Morbihan".


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97NT00437;97NT00457
Date de la décision : 04/02/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux de la répression

Analyses

- RJ1 - RJ2 DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - PROTECTION DU DOMAINE - CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE - POURSUITES - Annulation du refus d'engager des poursuites pour faire cesser l'occupation sans titre du domaine public maritime - Injonction d'engager ces poursuites.

24-01-03-01-04, 54-06-07-008 Les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public maritime sont tenues, sous réserve des autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, des nécessités de l'ordre public, de veiller à l'utilisation normale des rivages de la mer et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite qui s'opposent à l'exercice par le public de son droit à l'usage du domaine public maritime (1). L'annulation du refus du préfet d'engager des poursuites pour faire cesser l'occupation sans titre du domaine public maritime implique nécessairement l'engagement de ces poursuites, dès lors que l'administration ne s'est prévalue, ni devant le tribunal administratif, ni devant la cour, d'aucun motif tiré de l'intérêt général ou de l'ordre public qui s'y opposerait. Saisi de conclusions en ce sens sur le fondement de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le tribunal administratif était donc fondé à ordonner au préfet l'engagement de telles poursuites (2).

- RJ1 - RJ2 PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION - Contraventions de grande voirie - Annulation du refus d'engager des poursuites pour faire cesser l'occupation sans titre du domaine public maritime - Injonction d'engager ces poursuites.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-1

1.

Cf. CE, Section, 1979-02-23, Ministre de l'équipement c/ Association "Des amis des chemins de ronde", p. 75. 2.

Rappr. CE, Section, 1996-07-26, Association lyonnaise de protection des locataires, p. 293


Composition du Tribunal
Président : M. Ballouhey
Rapporteur ?: Mme Tholliez
Rapporteur public ?: Mme Devillers

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-02-04;97nt00437 ?
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