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09/07/1997 | FRANCE | N°94NT01106

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 09 juillet 1997, 94NT01106


Vu l'ordonnance en date du 28 juillet 1994, enregistrée au greffe de la Cour le 9 novembre 1994, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée pour l'Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers ;
Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 28 mars et 28 juillet 1994 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Office National Interpro

fessionnel du Lait et des Produits Laitiers (ONILAIT), représe...

Vu l'ordonnance en date du 28 juillet 1994, enregistrée au greffe de la Cour le 9 novembre 1994, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée pour l'Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers ;
Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 28 mars et 28 juillet 1994 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers (ONILAIT), représenté par son directeur en exercice, par la S.C.P ANCEL, COUTURIER-HELLER ;
L'ONILAIT demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 891478 en date du 25 janvier 1994 par lequel le Tribunal administratif de Caen, à la demande de la société Jean-Jacques Production, a annulé l'état exécutoire émis le 3 novembre 1989 à l'encontre de la société susmentionnée ;
2 ) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Caen par la société Jean-Jacques Production ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les règlements du conseil des communautés européennes n 804-68 du 27 juin 1968 modifié, notamment son article 5 quater, et n 857-84 du 31 mars 1984, notamment son article 7 ;
Vu la loi n 95-95 du 1er février 1995 ;
Vu le décret n 84-661 du 17 juillet 1984 ;
Vu l'arrêté interministériel du 11 août 1988 relatif à la détermination des quantités de référence des acheteurs de lait pour la période allant du 30 mars 1988 au 29 mars 1989 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et notamment son article R.27, dernier alinéa ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 1997 :
- le rapport de M. LALAUZE, conseiller,
- et les conclusions de Mme DEVILLERS, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé l'état exécutoire contesté au motif que le prélèvement supplémentaire mis à la charge de la société Jean-Jacques Production par l'ONILAIT était en partie fondé sur les dispositions, entachées d'incompétence, de l'article 11 de l'arrêté interministériel du 12 avril 1988, tout en relevant que sa décision ne faisait pas obstacle à ce que l'ONILAIT poursuive à l'encontre de la société Jean-Jacques Production le recouvrement des sommes dont celle-ci demeurerait redevable en vertu des dispositions de l'article 5 quater du règlement n 804-68 du 27 juin 1968 du conseil des communautés européennes ; qu'en annulant ainsi en totalité l'état exécutoire contesté sans fixer lui-même le montant des prélèvements restant dû, le Tribunal administratif, dès lors qu'il avait déterminé les bases des modifications à apporter au prélèvement litigieux, n'a pas méconnu ses pouvoirs de juge de plein contentieux ;
Sur l'état exécutoire :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'arrêté interministériel du 11 août 1988 relatif à la détermination des quantités de référence des acheteurs de lait pour la période allant du 30 mars 1988 au 29 mars 1989 : "a) Les quantités de référence des acheteurs, définies aux articles 3, 4 et 5 du présent arrêté, sont ajustées par l'ONILAIT en cours de campagne. Les ajustements portent notamment : ... - sur les transferts de quantités de référence des producteurs qui changent d'acheteur, dans les conditions ci-après : le transfert de quantité de référence donne lieu au prélèvement d'un volume correspondant à 10 % de la quantité de référence du producteur concerné. Ce prélèvement est ajouté à la réserve nationale. L'acheteur qui accueille ce producteur compense ce prélèvement à partir des quantités libérées dont il dispose ..." ; qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 1er février 1995 relative à la modernisation de l'agriculture : "Sont validés, en ce qu'ils comportent des dispositions excédant les compétences des ministres signataires définies par les décrets n 84-661 du 17 juillet 1984 ou n 91-157 du 11 février 1991 : - les arrêtés, relatifs à la détermination du prélèvement à la charge des producteurs et des acheteurs de lait ayant dépassé leur quantité de référence, ci-après : arrêtés des ... 11 août 1988 ... Les décisions prises en application de l'article 11 de l'arrêté du 11 août 1988 précité sont validées" ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions législatives que l'illégalité entachant l'article 11 de l'arrêté du 11 août 1988 en raison de l'incompétence de ses auteurs au regard, notamment, des dispositions du décret du 17 juillet 1984, ainsi que celle entachant de ce fait les décisions prises sur son fondement, ne peuvent plus être invoquées au contentieux ; que, toutefois, cette validation n'a pas pour autant purgé cet article des autres vices pouvant l'affecter et n'a pas pour effet de rendre légales les décisions prises sur son fondement si de tels vices sont établis et de nature, de surcroît, à affecter ces décisions elles-mêmes ;

Considérant que si le troisième alinéa de l'article 7 du règlement n 857-84 du 31 mars 1984 du Conseil des communautés européennes, dans sa rédaction issue du règlement n 590-85 du même conseil en date du 26 février 1985, prévoit que les Etats membres peuvent prélever une partie des quantités de référence des producteurs ayant changé d'acheteur, il résulte de ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice des communautés européennes statuant sur renvoi préjudiciel dans sa décision du 10 juillet 1991, qu'elles ne permettent pas aux Etats membres d'ajouter à la réserve nationale une partie de la quantité de référence individuelle d'un producteur qui, de sa propre initiative, change de laiterie d'affiliation ; qu'il suit de là que les dispositions précitées de l'article 11 de l'arrêté du 11 août 1988 ont méconnu le troisième alinéa de l'article 7 du règlement n 857-84 du 31 mars 1984 et ne sauraient, dès lors, servir de fondement légal à des décisions imposant à un acheteur un prélèvement de 10 %, au profit de la réserve nationale, sur les quantités de référence qui lui sont transférées par des producteurs le rejoignant de leur propre initiative alors même que l'acheteur qui accueille ce producteur pourrait compenser ce prélèvement à partir des quantités de référence libérées dont il disposerait ; que par suite et dans cette mesure l'état exécutoire émis à l'encontre de la société Jean-Jacques Production est dépourvu de base légale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONILAIT n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé l'état exécutoire émis le 3 novembre 1989 ; que cette annulation ne fait cependant pas obstacle à ce que soit remises à la charge de ladite société les sommes dont elle demeurerait redevable en vertu des dispositions de l'article 5 quater du règlement n 804-68 du 27 juin 1968 du conseil des communautés européennes ;
Sur les conclusions de la société Jean-Jacques Production tendant à la restitution des sommes versées :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt qu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie le cas échéant d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt ..." ;
Considérant que les conclusions de la société Jean-Jacques Production, tendant à la condamnation de l'ONILAIT à lui restituer la somme de 177 758,76 F au versement de laquelle elle a procédé à la suite de l'émission de l'état exécutoire dont s'agit, doivent être regardées comme tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Caen, confirmé par le présent arrêt de la Cour, implique nécessairement une telle mesure ; qu'il résulte de l'instruction que l'ONILAIT n'y a pas procédé ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner cette restitution ;

Considérant, en revanche, que l'exécution du jugement attaqué n'implique pas nécessairement que cette restitution soit assortie du versement d'intérêts au taux légal autres que ceux résultant de l'application de l'article 1er de la loi n 75-619 du 11 juillet 1975 modifiée ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'ONILAIT à payer à la société Jean-Jacques Production la somme de 6 000 F ;
Article 1er : La requête de l'Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers (ONILAIT) est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint à l'Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers (ONILAIT) de restituer la somme de cent soixante dix mille sept cent cinquante huit francs soixante seize centimes (177 758,76 F) à la société Jean-Jacques Production.
Article 3 : L'Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers (ONILAIT) versera à la société Jean-Jacques Production une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Jean-Jacques Production est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers (ONILAIT), à la société Jean-Jacques Production et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94NT01106
Date de la décision : 09/07/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDATION LEGISLATIVE.

AGRICULTURE - CHASSE ET PECHE - PRODUITS AGRICOLES - ELEVAGE ET PRODUITS DE L'ELEVAGE - PRODUITS LAITIERS.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS - PRISE EN COMPTE DES DECISIONS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRETATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE.

COMPTABILITE PUBLIQUE - CREANCES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - RECOUVREMENT - PROCEDURE - ETAT EXECUTOIRE.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX.


Références :

Arrêté du 12 avril 1988 art. 11
Arrêté du 11 août 1988 art. 11
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-1
Décret 84-661 du 17 juillet 1984
Loi 75-619 du 11 juillet 1975 art. 1
Loi 95-95 du 01 février 1995 art. 16


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LALAUZE
Rapporteur public ?: Mme DEVILLERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1997-07-09;94nt01106 ?
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