Vu la requête sommaire, enregistrée sous le n 93NT00622 au greffe de la cour le 14 juin 1993 ainsi que le mémoire complémentaire, enregistré le 7 septembre 1993, présentés pour le FONDS REGIONAL D'ORGANISATION DU MARCHE DU POISSON DES PORTS DE BRETAGNE (FROM), dont le siège social est à la criée de Concarneau, 29110, représenté par son président en exercice, par Me Leclere, avocat ;
Le FROM DE BRETAGNE demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 882342 en date du 7 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Fonds d'Intervention et d'Organisation des Marchés des Produits de la Pêche Maritime et des Cultures Marines (FIOM) à lui verser, outre intérêts de droit capitalisés, la somme de 739 208,64 F qui correspond au montant de
la subvention qu'il a versée à tort à la société Atlantic Marée par la faute du FIOM, d'autre part, l'a condamné à payer à ce dernier 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de condamner le FIOM à lui verser cette somme ;
3 ) de le décharger de la condamnation prononcée au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner le FIOM à lui verser sur ce même fondement la somme de 15 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 14 août 1945 portant réorganisation des pêches maritimes, modifiée ;
Vu le décret n 75-1291 du 30 décembre 1975 portant création du FIOM ;
Vu le décret n 83-1031 du 1er décembre 1983, modifié ;
Vu l'arrêté n 3812 MM.P3 du 22 août 1966 portant création de la commission régionale de Bretagne des Comités Interprofessionnels du maquereau et du poisson de fond ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 1996 :
- le rapport de Mme Devillers, conseiller,
- les observations de Me Leclere, avocat du FROM DE BRETAGNE,
- les observations de Me Teboul, avocat du FIOM,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,
Considérant que le FONDS REGIONAL D'ORGANISATION DU MARCHE DU POISSON DES PORTS DE BRETAGNE (FROM) demande à la cour d'annuler le jugement du 7 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Fonds d'Intervention et d'Organisation des Marchés des Produits de la Pêche Maritime et des Cultures Marines (FIOM) à lui verser, outre intérêts capitalisés, la somme de 739 208,64 F qui correspond au montant des aides qu'il a versées pour le compte du FIOM à l'entreprise Atlantic Marée au titre de l'année 1984, d'autre part, l'a condamné à payer 5 000 F au FIOM sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué :
Considérant que le FROM a versé entre le 16 mars 1984 et le 24 avril 1985 à la société Atlantic Marée, en exécution du contrat d'approvisionnement approuvé par le FIOM le 3 février 1984, les aides du FIOM prévues par ce contrat ; qu'à la suite de plusieurs contrôles de la société Atlantic Marée, le FIOM, estimant que cette société ne respectait pas ses engagements contractuels, a fait savoir au FROM par une lettre du 13 juillet 1988 qu'il ne lui rembourserait pas la somme que celui-ci avait versé pour son compte à la société en cause ; que cette décision a été annulée en raison d'un vice de forme tenant à un défaut de motivation par jugement avant dire droit du 30 septembre 1992 ; que, par le jugement attaqué du 7 avril 1993, le tribunal a estimé que cette décision était justifiée au fond et qu'en dépit de son illégalité formelle, elle n'engageait pas la responsabilité du FIOM envers le FROM ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'inspection du 9 décembre 1985 que si les contrôles effectués par les services du FIOM au titre des sommes en litige révélaient la méconnaissance par la société Atlantic Marée de ses engagements contractuels, ils ne permettaient pas de déterminer le montant des aides versées à tort ; qu'il est constant qu'en dépit des errements constatés dans l'exécution du contrat par cette société, le FIOM ne lui a pas retiré son agrément ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait pris avant le 2 octobre 1985, date à laquelle il a décidé de suspendre le versement de ses aides, la moindre mesure conservatoire et ce bien qu'il ait été empêché, en partie par le fait du FROM, d'effectuer un nouveau contrôle de l'entreprise le 15 avril 1985 ; qu'en admettant que le FROM ait été suffisamment informé de la méconnaissance par la société de ses engagements contractuels, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été en droit d'en tirer des conséquences et de cesser, de sa propre initiative, de verser à la société les aides allouées pour le compte du FIOM ; qu'ainsi, aucune faute ne pouvait lui être reprochée ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision du 13 juillet 1988 n'était pas justifiée sur le fond ;
Considérant que l'illégalité de cette décision engage la responsabilité du FIOM envers le FROM ; qu'il n'est pas contesté que la somme avancée par celui-ci pour le compte du FIOM s'élève à 739 208,64 F ; que le FIOM doit être condamné à lui verser cette somme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le FROM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'indemnité et l'a en outre, condamné à verser au FIOM une somme au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que ce jugement doit, en conséquence, être annulé ;
Sur les intérêts :
Considérant que le FROM a droit aux intérêts de cette somme non à compter du 4 février 1985, mais à compter du 22 septembre 1987, date à laquelle il a sommé le FIOM de lui rembourser le principal ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que le FROM a demandé la capitalisation des intérêts les 14 septembre 1988 et 14 juin 1993 ; qu'à la première de ces dates, une année ne s'était pas écoulée depuis que le FROM avait adressé au FIOM sa demande d'indemnité ; qu'en revanche, à la seconde de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit seulement à la demande présentée le 14 juin 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que le FIOM succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que le FROM soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner le FIOM à payer au FROM DE BRETAGNE la somme de 4 000 F ;
Article 1er - Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 7 avril 1993 est annulé.
Article 2 - Le FIOM versera au FROM DE BRETAGNE la somme de sept cent trente neuf mille deux cent huit francs soixante quatre centimes (739 208,64 F). Cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du 22 septembre 1987. Les intérêts échus le 14 juin 1993 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 - Le FIOM versera quatre mille francs (4 000 F) au FROM DE BRETAGNE sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête du FROM DE BRETAGNE ainsi que les conclusions du FIOM tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié au FROM DE BRETAGNE, au FIOM et au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.