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14/06/1995 | FRANCE | N°92NT00249

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 14 juin 1995, 92NT00249


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 avril 1992, présentée pour M. Y..., demeurant ... 76290, Fontaine la Mallet, par Maître X..., avocat ;
M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 4 février 1992 du tribunal administratif de Rouen en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant, respectivement, à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1980 à 1982 dans les rôles de la commune de Fontaine la Mallet et à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui a ét

réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1982 ;
2 ) d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 avril 1992, présentée pour M. Y..., demeurant ... 76290, Fontaine la Mallet, par Maître X..., avocat ;
M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 4 février 1992 du tribunal administratif de Rouen en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant, respectivement, à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1980 à 1982 dans les rôles de la commune de Fontaine la Mallet et à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1982 ;
2 ) de prononcer la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties et de condamner l'Etat à lui rembourser, sur le fondement de l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales, les frais de procédure exposés et notamment les honoraires d'avocat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 1995 :
- le rapport de Mme Devillers, conseiller,
- et les conclusions de M. Chamard, commissaire du gouvernement,

Considérant que M. Y... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 4 juin 1992 en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1980 à 1982 dans les rôles de la commune de Fontaine la Mallet, du complément de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1982 ainsi que des pénalités dont ces impositions ont été assorties ;
Sur la régularité de la procédure :
En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :
Considérant, d'une part, qu'en admettant même que le vérificateur aurait pris, sans y être invité par le contribuable et sans lui délivrer de reçus, des photocopies des livres d'achats qu'il aurait examinés à son bureau, une telle pratique ne saurait être regardée comme un emport irrégulier de documents ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la vérification s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise de M.
Y...
pendant au moins trois demi-journées après que le vérificateur eut procédé le 18 janvier 1984 avec le contribuable à un relevé des prix de vente affichés dans la boucherie ; que, dans ces conditions, le requérant n'établit pas qu'il aurait été privé de la possibilité de bénéficier, sur place, d'un débat oral et contradictoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés des irrégularités affectant la vérification de comptabilité doivent être écartés ;
En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités dont il a été assorti :
Considérant qu'aux termes de l'article R 256-1 du livre des procédures fiscales : "L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L 256 comporte : 1 Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2 Les éléments de calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard qui constituent la créance. Toutefois, les éléments de calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement ..." ;

Considérant que le requérant soutient que l'avis de mise en recouvrement qui lui a été adressé le 6 mars 1986 est irrégulier au regard de ces dispositions en ce qui concerne tant les droits que les pénalités ;
S'agissant du complément de droits :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement litigieux contenait l'indication de la nature et de la période de l'imposition concernée ainsi que le montant des droits rappelés ; que s'il renvoyait, du fait d'une erreur de plume, à une notification de redressements en date du 24 février 1985, cette circonstance n'a pu, en l'espèce, avoir pour effet de priver le contribuable, lequel était informé par la notification de redressements du 24 avril 1984 des bases sur lesquelles l'imposition avait été établie, de la faculté de contester utilement cette imposition ; que, par suite, s'agissant des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, l'avis de mise en recouvrement est régulier ;
S'agissant des pénalités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si ce même avis de mise en recouvrement mentionnait une "amende" au taux de 60 % et en indiquait le montant pour chacune des trois années de la période litigieuse, il ne précisait ni la nature de la pénalité ni le texte fiscal la prévoyant ; que cette lacune n'a pu être couverte par le renvoi à la notification de redressements dès lors que celle-ci ne faisait mention d'aucune pénalité ; qu'ainsi, s'agissant des pénalités dont le complément de taxe sur la valeur ajoutée à été assorti, l'avis de mise en recouvrement du 6 mars 1986 est irrégulier ; que, par suite, M. Y... est fondé à obtenir la décharge de ces pénalités ; que, cependant, il y a lieu d'y substituer les intérêts de retard dans la limite du montant des pénalités primitivement appliquées ;
Sur la charge de la preuve et le bien-fondé des impositions demeurant en litige :
Considérant que les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient à M. Y..., en vertu des dispositions de l'article 192 du livre des procédures fiscales, de prouver l'exagération des bases d'imposition qui lui ont été assignées ; que cette preuve ne peut être apportée par la comptabilité dès lors qu'il résulte de l'instruction que de graves irrégularités, tenant en particulier à l'enregistrement global des recettes journalières sans possibilité de justifier de leur détail, privent cette comptabilité de toute valeur probante ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que pour reconstituer les recettes de la boucherie de M.
Y...
au cours des années 1980 à 1982, le vérificateur, auquel n'ont pu être présentées les pièces justificatives des prix de vente pratiqués au cours des années vérifiées, a relevé les prix de vente affichés dans le magasin le 18 janvier 1984 ; qu'il a comparé ces prix, modifiés en fonction des indications fournies par le contribuable lors des opérations de contrôle sur place, au prix d'achat de la viande par M. Y..., non pas au cours des années vérifiées comme celui-ci l'affirme, mais en décembre 1983 ; qu'il a ainsi déterminé pour les différents produits proposés à la vente des coefficients de marge brute dont il a tiré un taux de marge brut moyen ; que ce dernier taux, qui a été réduit pour tenir compte de pertes et déchets évalués initialement selon le barème de la découpe-type pour chaque année à 400 kg puis, finalement, en tenant compte des spécificités de l'entreprise, à 1 100 kg, a été extrapolé aux années en litige ; que les recettes de chacun des exercices ont été reconstituées sur la base des quantités de viande mentionnées sur les livres d'achats des années en litige et des indications d'une monographie concernant la découpe-type ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, cette méthode n'est pas radicalement viciée ;
Considérant que le requérant soutient aussi que cette méthode est trop sommaire pour être valable ; que, toutefois, s'il fait état des variations intervenues dans la réglementation des prix, d'une part, entre 1984 et les années vérifiées, d'autre part, au cours de celles-ci, il ne produit aucun élément de nature à démontrer que la prise en compte du barème des prix ressortant pour chacune des années vérifiées de la réglementation aurait permis d'aboutir à des résultats inférieurs à ceux dégagés à partir des prix pratiqués en 1984 dans l'entreprise, alors qu'au surplus cette année a été la plus contraignante en matière de réglementation des prix ; que s'il reproche à l'administration d'avoir appliqué aux années en litige le taux de marge brut moyen dégagé pour l'exercice 1984 à partir d'un seul relevé de prix du 18 janvier 1984, il n'allègue ni que les prix affichés ce jour auraient été anormaux ni que les conditions de son exploitation auraient varié ; qu'il ne démontre pas, par la méthode qu'il propose et qui aboutit d'ailleurs à compter deux fois les mêmes déchets, que l'administration, qui, contrairement à ce qu'il soutient, a tenu compte de la spécificité de son activité, aurait sous-estimé la part de ceux-ci en les fixant à 1 100 kg ; que le moyen tiré de ce que les contrôles effectués par les services de l'administration chargés du contrôle des prix n'ont permis de constater aucune infraction est inopérant ; que, dans ces conditions, le requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition retenues ; qu'il n'est par suite pas fondé à demander la décharge des droits correspondants ;
Sur les pénalités dont le complément d'impôt sur le revenu a été assorti :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de la prescription desdites pénalités ;

Considérant que par lettre en date du 25 juin 1984 l'administration a informé M. Y... que les droits résultant des redressements notifiés seraient assortis des majorations prévues aux articles 1729 et 1770 du code général des impôts ; que si, contrairement à ce que soutient l'intéressé, le contenu de ce texte permettait de déterminer que l'article 1729 s'appliquait au redressement relatif à l'impôt sur le revenu et visait les pénalités exclusives de bonne foi effectivement appliquées, il ne précisait pas les circonstances de fait motivant l'application de ces pénalités ; qu'ainsi, celles-ci sont irrégulières au regard de l'obligation de motivation ; que, par suite, le requérant est fondé à en demander la décharge ; qu'il y a lieu, cependant, d'y substituer les intérêts de retard correspondants dans la limite des pénalités primitivement appliquées ;
Considérant qu'il résulte ainsi de tout ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités dont ont été assortis les compléments de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1982 et d'impôt sur le revenu afférent aux années 1980 à 1982 ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés :
En ce qui concerne l'application de l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales : "Lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, les frais de signification ainsi que, le cas échéant, les frais d'enregistrement du mandat sont remboursés ... Le contribuable ne peut obtenir le remboursement d'autres frais." ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait exposé des frais de la nature de ceux qui sont mentionnés par les dispositions précitées ; que, par suite, les conclusions de sa requête tendant au remboursement par l'administration, sur le fondement de ce texte, des frais qu'il a engagés pour faire valoir ses droits doivent être rejetées ;
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'à supposer que M. Y... ait entendu également demander le bénéfice des dispositions précitées, sa demande, faute d'être chiffrée, ne peut qu'être rejetée ;
Article 1er - Les intérêts de retard sont substitués, dans la limite du montant respectif desdites pénalités, aux pénalités exclusives de bonne foi mises à la charge de M. Y... et afférentes au complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé au titre de la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1982 ainsi qu'au complément d'impôt sur le revenu réclamé au titre des années 1980 à 1982.
Article 2 - Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 4 février 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 - Le surplus de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie et des finances.


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