Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 février 1993, présentée pour la SNC Les Rouges Gorges, dont le siège social est ..., représentée par son représentant légal en exercice, par Maître Page, avocat ;
La SNC Les Rouges Gorges demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté le déféré du préfet de Loire-Atlantique tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 1992 par laquelle le maire de Couëron a refusé à cette société l'autorisation de construire une maison d'habitation ;
2°) d'annuler la décision du maire et de condamner la commune de Couëron à lui payer 5 000 F sur le fondement de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 1995 :
- le rapport de Mme Devillers, conseiller,
- les observations de Maître Page, avocat de la SNC Les Rouges Gorges,
- les observations de Maître Reveau, avocat de la commune de Couëron,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,
Considérant que la société Les Rouges Gorges demande à la cour d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté le déféré du préfet de Loire-Atlantique tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 1992 par laquelle le maire de la commune de Couëron a refusé à cette société l'autorisation de construire une maison d'habitation sur un terrain appartenant à une indivision dont elle est membre et qui fait partie d'un lotissement ;
Sur la légalité du refus de permis de construire :
Considérant qu'aux termes de l'article R.315-48 du code de l'urbanisme : "Les subdivisions de lots provenant d'un lotissement sont assimilées aux modifications de lotissements prévues à l'article L.315-3 lorsqu'elles sont demandées par le lotisseur ou par un ou plusieurs lotis, à moins que, conduisant à la création de plus de deux nouveaux lots, elles ne fassent l'objet d'une autorisation de lotir dans les conditions prévues par le présent chapitre sans qu'il puisse être porté atteinte aux droits des co-attributaires de lots tels qu'ils peuvent résulter de documents régissant le lotissement primitif. Les décisions portant modification sont prises dans les mêmes conditions et formes que celle prévues pour l'autorisation de lotir" ; qu'aux termes de l'article R.315-1 du même code : "Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété. L'alinéa précédent s'applique notamment aux divisions en propriété ou en jouissance résultant de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations ..." ; qu'aux termes de l'article L.315-3 dudit code : "Lorsque les deux tiers des propriétaires détenant ensemble les trois quarts au moins de la superficie d'un lotissement ou les trois quarts des propriétaires détenant au moins les deux tiers de ladite superficie le demandent ou l'acceptent, l'autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents, et notamment du cahier des charges concernant ce lotissement lorsque cette modification est compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable au secteur où se trouve situé le terrain" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le terrain en indivision sur lequel la société requérante envisage d'édifier la maison dont le permis de construire lui a été refusé constitue le lot n° 1 du lotissement autorisé le 14 novembre 1986 par le maire de Couëron, d'autre part, qu'une construction a déjà été autorisée au profit de l'autre membre de l'indivision sur ce terrain le 6 avril 1990 ;
Considérant, en premier lieu, que l'article R.315-48 précité, même s'il ne renvoie pas expressément à l'article R.315-1, s'applique aux divisions en jouissance mentionnées par ce dernier texte dès lors que la définition donnée du lotissement par l'article R.315-1 est valable pour l'ensemble du chapitre V du titre I du livre III du code de l'urbanisme et que l'article R.315-48 est inclus dans ce chapitre ; qu'ainsi, si elle emporte la division en jouissance de la propriété foncière indivise, la construction relève des dispositions de l'article R.315-48 et ne peut être autorisée que si l'autorité compétente a préalablement prononcé la modification du lotissement exigée par les dispositions de l'article L.315-3 précité ;
Considérant, en second lieu, que la construction de deux maisons sur un même terrain par les deux membres d'une indivision qui est propriétaire de ce terrain emporte nécessairement la subdivision en jouissance du lot si chacune de ces maisons est destinée à devenir la propriété exclusive et particulière de chaque co-indivisaire ; que la requérante ne conteste pas qu'ainsi que l'a estimé le tribunal administratif chacune des deux maisons est destinée à devenir la propriété particulière et exclusive de chacun des deux membres de l'indivision ; qu'ainsi, en dépit des termes de l'état modificatif de division du terrain, la construction projetée emporte la subdivision en jouissance du terrain issu du lot n° 1 du lotissement, laquelle, étant assimilée à une modification de lotissement, entre dans les prévisions de l'article R.315-48 ; qu'à cet égard, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions du paragraphe 22 de la note annexée à la circulaire du 28 novembre 1978 du ministre de l'environnement et du cadre de vie publiée au bulletin officiel de ce ministère qui sont contraires aux dispositions législatives et réglementaires précitées ; qu'il est constant que ladite modification n'a pas été approuvée dans les conditions prévues à l'article L.315-3 précité ; que, dans ces conditions, alors même qu'il aurait antérieurement délivré à tort le permis de construire une maison à l'autre indivisaire et qu'il aurait également à tort accordé des autorisations de construire deux maisons par lot sur plusieurs autres lots du même lotissement, le maire était tenu de refuser à la requérante l'autorisation d'édifier une maison sur ce terrain ; que, par suite, la société Les Rouges Gorges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le déféré préfectoral ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que la société Les Rouges Gorges succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que la commune de Couëron soit condamnée à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner la société Les Rouges Gorges à payer à la commune de Couëron la somme de 4 000 F ;
Article 1er - La requête de la société Les Rouges Gorges est rejetée.
Article 2 - La société Les Rouges Gorges versera quatre mille francs (4 000 F) à la commune de Couëron.
Article 3 - Le surplus de la demande de la commune de Couëron tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à la société Les Rouges Gorges, à la commune de Couëron et au ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports.