Vu le recours enregistré au greffe de la cour les 17 et 23 mars 1994 en ce qui concerne respectivement la télécopie et l'original, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 88-138 du 13 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat, sur le fondement de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983, à payer à la communauté urbaine de Brest, outre intérêts capitalisés, la somme de 699 773,36 F qui correspond au coût des opérations de nettoiement et déblaiement des voies publiques qu'elle a réalisées à la suite de la manifestation d'agriculteurs du 12 février 1986 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la communauté urbaine de Brest devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 1995 :
- le rapport de Mme Devillers, conseiller,
- les observations de Me Dano, avocat de la communauté urbaine de Brest,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,
Sur le recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits, commis à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens" ;
Considérant qu'il est constant qu'une manifestation d'agriculteurs s'est déroulée le 12 février 1986 à Brest à l'appel de plusieurs organisations professionnelles ; que les manifestants, au nombre approximatif de 800, ont pénétré dans la ville, à bord d'environ 400 tracteurs et une vingtaine de camions, ont déversé des tonnes de pommes de terre sur les voies publiques, empêchant ainsi toute circulation automobile pendant plusieurs heures ; que ces faits, perpétrés intentionnellement dans le but d'attirer l'attention des pouvoirs publics, constituent, contrairement à ce que soutient le ministre, un délit prévu et réprimé comme délit d'entrave à la circulation par l'article L.7 du code de la route aux termes duquel : "Quiconque aura, en vue d'entraver ou de gêner la circulation, placé ou tenté de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou qui aura employé ou tenté d'employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 F ou de l'une de ces deux peines seulement" ; que ce délit ayant été commis à force ouverte par les manifestants, la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement de l'article 92 précité de la loi du 7 janvier 1983 précité à raison des dommages en résultant pour la communauté urbaine de Brest, lesquels ont consisté en des dépenses supplémentaires, d'un montant total non contesté de 699 773,36 F, exposées au titre des opérations de nettoiement et de déblaiement des rues qu'il lui incombe d'assurer ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à payer à la communauté urbaine de Brest, sur le fondement de ces dispositions législatives, une indemnité de ce montant ;
Sur les conclusions à fin de capitalisation des intérêts de l'indemnité :
Considérant que la communauté urbaine de Brest a demandé le 6 mai 1994 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à lui verser ; qu'à cette date, le tribunal administratif ayant ordonné une première fois la capitalisation des intérêts à la date du 13 décembre 1993, il n'était pas dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à la communauté urbaine de Brest la somme de 3 000 F ;
Article 1er - Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est rejeté.
Article 2 - L'Etat versera trois mille francs (3 000 F) à la communauté urbaine de Brest sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - Le surplus des conclusions d'appel de la communauté urbaine de Brest tendant à la capitalisation des intérêts est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à la communauté urbaine de Brest.