Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 novembre 1992 sous le n° 92NT00819, présentée par M. et Mme Raymond X..., demeurant ... ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 15 septembre 1992, par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1983 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 1994 :
- le rapport de M. BRUEL, conseiller,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,
Considérant que la société anonyme Etablissements X... avait porté en charges dans ses comptes de l'exercice clos le 31 août 1983 une somme de 174 342 F représentant les honoraires versés à un conseil juridique ; que l'administration, estimant que ces honoraires constituaient la contrepartie des prestations rendues dans l'intérêt exclusif de M. et Mme X..., associés et dirigeants de la société, les a regardés comme ayant en réalité la nature de bénéfices distribués et les a, en conséquence, imposés comme constituant des revenus de capitaux mobiliers perçus en 1983 par M. et Mme X... ; que ceux-ci font appel du jugement, en date du 15 septembre 1992, par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à la suite du redressement de leurs revenus déclarés intervenu de ce chef ;
Considérant qu'aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts : "sont considérés comme revenus distribués : 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ..." ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : "pour l'application de l'article 109-1-1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 111 du code : "sont notamment considérés comme revenus distribués ... c) les rémunérations et avantages occultes" ;
Considérant qu'il est constant que M. et Mme X... ont refusé les redressements en litige dans le délai prévu à l'article R.57-1 du livre des procédures fiscales, après que l'administration les leur eût notifiés ; que celle-ci doit dès lors établir que les sommes imposées ont été comprises à bon droit dans le bénéfice de la société Etablissements X... et que M. et Mme X... en ont disposé, sans pouvoir à cet effet se référer à un jugement du tribunal administratif intervenu dans un litige l'opposant à la société et par lequel les premiers juges ont rejeté la demande de cette dernière tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés correspondant à la réintégration des honoraires litigieux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X... ont confié à un conseiller juridique le soin de rédiger une étude portant sur l'évaluation des titres de la société Etablissements X... et de sa filiale, la société Parfumerie des Carmes ; que, dans la mesure où cette étude avait pour objet de renseigner les actionnaires, à leur demande, sur la valeur à attribuer à leurs titres dans le cadre de la taxation à l'impôt sur les grandes fortunes, elle ne peut être regardée comme ayant été demandée dans l'intérêt des sociétés ou de l'ensemble des actionnaires, mais seulement dans l'intérêt exclusif des requérants ; qu'en revanche, il résulte également de l'instruction que l'étude en cause a été commandée en vue de déterminer les valeurs d'apport et leur rémunération dans l'optique d'une restructuration envisagée des sociétés du groupe des parfumeries X... ; que, dans cette mesure, et même si le projet de fusion n'a abouti qu'après le départ des époux X... de la société, cette étude doit être regardée comme ayant été engagée dans l'intérêt de la société Etablissements X..., sans qu'y fasse obstacle la circonstance, à la supposer établie, que les requérants auraient souhaité connaître la valeur de leurs titres afin de pouvoir en céder une partie, ainsi qu'ils l'ont fait, postérieurement à la remise de ce document ; que, dans ces conditions, les dépenses d'honoraires litigieuses doivent être regardées comme exposées à la fois dans l'intérêt de la société et dans celui des intéressés ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation des faits de la cause en regardant les dépenses litigieuses comme ayant été engagées dans l'intérêt des requérants à concurrence seulement de la moitié de leur montant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la base des impositions supplémentaires contestées doit être réduite de 87 171 F et que, par suite, M. et Mme X... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la totalité de leur demande ;
Article 1er - La base du supplément d'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme X... au titre de l'année 1983 est réduite d'une somme de quatre vingt sept mille cent soixante et onze francs (87 171 F).
Article 2 - M. et Mme X... sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 - Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 15 septembre 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... est rejeté.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X... et au ministre du budget.