Vu la requête, enregistrée le 10 août 1992 sous le numéro 92NT00601, présentée pour la société Inter-location dont le siège est à Paris (8ème) ..., par Maître Molas, avocat ;
La société Inter-location demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 14 mai 1992, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1987 dans les rôles de la commune de Mainvilliers (Eure et Loir) ;
2°) de lui accorder décharge de l'imposition contestée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 337 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le décret du 5 novembre 1870 relatif à la promulgation des lois et décrets ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 1994 :
- le rapport de M. Grangé, conseiller,
- les observations de Me Philippe X..., se substituant à Me Molas, avocat de la société Inter-location,
- et les conclusions de M. Isaia, commissaire du gouvernement,
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 1385 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 20-IV de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1986 : "I. L'exonération prévue à l'article 1383 est portée à vingt-cinq ans ou à quinze ans pour les constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction à usage d'habitation achevées avant le 1er janvier 1973, suivant que les trois quarts au moins de leur superficie totale sont ou non affectés à l'habitation ... II bis. A compter de 1984, la durée de l'exonération de vingt-cinq ans mentionnée aux I et II est ramenée à quinze ans, sauf en ce qui concerne les logements à usage locatif appartenant aux organismes visés à l'article L.411-2 du code de la construction et de l'habitation ..." ; qu'aux termes des dispositions du V de l'article 20 de la loi précitée du 30 décembre 1986 : "Les impositions dues au titre des années antérieures au 1er janvier 1987 en application des paragraphes I à IV sont en conséquence réputées régulières, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée" ;
Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 5 novembre 1870 : "les lois et les décrets sont obligatoires, à Paris, un jour franc après la promulgation, et partout ailleurs, dans l'étendue de chaque arrondissement, un jour franc après que le Journal Officiel qui les contient sera parvenu au chef-lieu de cet arrondissement ..." ;
Considérant qu'il est constant qu'au 1er janvier 1987, date du fait générateur de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle a été assujettie la société Inter-location au titre de 1987 à raison des logements dont elle est propriétaire à Mainvilliers (Eure et Loir), la loi du 30 décembre 1986 précitée n'était pas entrée en vigueur, dans les conditions prévues par le décret précité du 5 novembre 1870, pour avoir été publiée au Journal officiel le 31 décembre 1986 ; qu'aucune disposition de cette loi ne prévoyait que celle-ci entrerait en vigueur le 1er janvier 1987 ; que les termes mêmes du V de l'article 20 précité de ladite loi réservaient la validation qu'ils instituaient aux impositions dues au titre des années antérieures au 1er janvier 1987 ; que c'est, dès lors, à tort que l'administration a cru pouvoir se fonder sur la loi du 30 décembre 1986 pour refuser à la société Inter-location le bénéfice de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par l'article 1384 du code général des impôts ; que, dans ces conditions, la demande du contribuable ne peut être appréciée qu'au regard des dispositions, seules applicables, de l'article 1385-II bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 14-I de la loi de finances du 29 décembre 1983 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1385-II bis du code général des impôts alors applicable : "A compter de 1984, la durée de l'exonération de vingt-cinq ans mentionnée au I et II et ramenée à quinze ans, sauf en ce qui concerne les logements à usage locatif remplissant les conditions définies à l'article L.411-1 du code de la construction et de l'habitation ..." ;
Considérant qu'il est constant que la société Inter-location répond aux conditions posées à l'article L.411-1 du code de la construction et de l'habitation au titre des logements à usage locatif dont elle est propriétaire, édifiés en 1962 ; qu'elle est, dès lors, en droit de bénéficier, au titre de l'année 1987, de l'exonération qu'elle revendique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Inter-location est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'en tant qu'elles invoquent l'existence d'un préjudice, les conclusions de la société Inter-location tendant à l'allocation d'une somme de 5 337 F ne sont, en tout état de cause, pas recevables ; que toutefois, en application des dispositions précitées de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, que le requérant invoque également, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la société Inter-location une somme de quatre mille francs ;
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 14 mai 1992 est annulé.
Article 2 - La société Inter-location est déchargée de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de 1987 dans les rôles de la commune de Mainvilliers (Eure et Loir).
Article 3 - L'Etat (ministre du budget) versera une somme de quatre mille francs (4 000 F) à la société Inter-location au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de la société Inter-location est rejeté.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à la société Inter-location et au ministre du budget.