VU le recours formé par le MINISTRE DE LA SANTE ET DE L'ACTION HUMANITAIRE et enregistré le 15 mars 1993 au greffe de la Cour sous le n° 93NT00286 ;
Le MINISTRE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 22 février 1993, par laquelle le président du Tribunal administratif de Caen, statuant en référé, a, sur la demande de M. Jean-Marie Y..., décidé une expertise ayant pour objet, notamment de dégager l'existence d'un lien direct de causalité entre l'opération de ce dernier le 5 février 1992 et les séquelles de la vaccination anti-variolique subie par lui en 1949, et d'apprécier les séquelles résultant de ladite opération ainsi que les différents types de préjudices en résultant au regard de la précédente expertise ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 1993 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'aux termes de l'article R.128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou le magistrat que l'un d'eux délègue peut, sur simple requête qui, devant le tribunal administratif, sera recevable même en l'absence d'une décision administrative préalable, prescrire toutes mesures utiles d'expertise ou d'instruction" ;
Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Caen, statuant en référé, a ordonné une expertise aux fins d'apprécier les conséquences nouvelles de la vaccination antivariolique pratiquée sur M. Y... et différentes de celles ayant donné lieu au jugement du 11 décembre 1990 par lequel le Tribunal administratif de Caen a accordé une indemnité à ce dernier ; Considérant que, pour contester ladite ordonnance, le MINISTRE DE LA SANTE ET DE L'ACTION HUMANITAIRE soutient que la demande de M. Y... est atteinte par la prescription trentenaire et méconnaît l'autorité de la chose jugée, que le lien de causalité entre la vaccination et le dommage n'est pas établi, que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée et qu'ainsi l'expertise ordonnée est à la fois inutile et de nature à préjudicier au principal ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'action que pourrait éventuellement engager M. Y... et en vue de laquelle ce dernier a demandé qu'il fût ordonné une expertise serait manifestement atteinte par la prescription trentenaire ou introduite en méconnaissance de la chose jugée par le tribunal administratif ;
Considérant que la mesure d'expertise est une mesure conservatoire qui laisse intact le droit des parties sur le fond ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de lien de causalité ou de l'absence de responsabilité de l'Etat est inopérant ;
Considérant qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient le ministre, la mesure ordonnée présente un caractère utile et ne préjudicie pas au principal ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA SANTE ET DE L'ACTION HUMANITAIRE, dont les conclusions tendant à ce que la Cour décide que M. Y... a été intégralement indemnisé des conséquences dommageables de la vaccination antivariolique ne peuvent être accueillies, n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er - Le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DE L'ACTION HUMANITAIRE est rejeté.
Article 2 - L'Etat (MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DE LA SANTE ET DE LA VILLE) versera à M. Y... la somme de TROIS MILLE Francs (3 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DE LA SANTE ET DE LA VILLE (Direction Générale de la Santé), à M. Y..., à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Manche et au docteur X... (expert).