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07/07/1993 | FRANCE | N°92NT00275

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 07 juillet 1993, 92NT00275


VU la requête présentée pour les sociétés FOIR'FOUILLE dont le siège social est situé ... La Ville et FOIR'FOUILLE STOCK 14 représentée par son gérant, dont le siège social est situé ... par la SCP Huglo Lepage et associés avocat, et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 mars 1992 sous le n° 135272 ;
VU l'ordonnance, en date du 1er avril 1992, par laquelle le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, attribue le jugement de la requête susvisée à la Cour administrative d'appel de Nantes au greffe de laquelle elle a été enregi

strée le 21 avril 1992 sous le n° 92NT00275 ;
Les sociétés demandent à ...

VU la requête présentée pour les sociétés FOIR'FOUILLE dont le siège social est situé ... La Ville et FOIR'FOUILLE STOCK 14 représentée par son gérant, dont le siège social est situé ... par la SCP Huglo Lepage et associés avocat, et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 mars 1992 sous le n° 135272 ;
VU l'ordonnance, en date du 1er avril 1992, par laquelle le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, attribue le jugement de la requête susvisée à la Cour administrative d'appel de Nantes au greffe de laquelle elle a été enregistrée le 21 avril 1992 sous le n° 92NT00275 ;
Les sociétés demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 891432 du 10 décembre 1991 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'état exécutoire émis le 18 octobre 1989 par l'office des migrations internationales pour la somme de 29 760 F, d'autre part, au versement par cet organisme de la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) d'annuler ledit état exécutoire ;
3°) de condamner l'office des migrations internationales à leur payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 ;
VU le code du travail ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 1993 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,

Sur la requête :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.341-6 du code du travail : "Il est interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France lorsque la possession de ce titre est exigée en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux" ; que le même code dispose, en son article L.341-7, que : "Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L.341-6, 1er alinéa sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'office des migrations internationales" ; que, selon l'article R.341-33 du code : " Un exemplaire des procès-verbaux établis par les fonctionnaires chargés du contrôle de l'application du droit du travail ou par les officiers et agents de police judiciaire et constatant les infractions aux dispositions du 1er alinéa de l'article L.341-6 du présent code est transmis au directeur du travail et de la main-d'oeuvre du département dans lequel l'infraction a été constatée ou au fonctionnaire qui en assume les attributions en raison de la nature de l'activité exercée par l'employeur. Le directeur du travail et de la main-d'oeuvre ou le fonctionnaire compétent indique à l'employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, que les dispositions de l'article L.341-7 lui sont applicables et qu'il peut lui présenter ses observations dans un délai de quinze jours ..." ; que le 1er alinéa de l'article R.341-34 dispose : "Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article R.341-33 le directeur de l'office des migrations internationales décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 et notifie sa décision à l'employeur ainsi que le titre de recouvrement" ; qu'aux termes de l'article L.611-10 du même code : "Les inspecteurs du travail ... constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire - Ces procès-verbaux sont dressés en double exemplaire dont l'un est envoyé au préfet du département et l'autre est déposé au parquet - En cas d'infraction aux dispositions relatives à la durée du travail, un troisième exemplaire est établi et est remis au contrevenant" ;

Considérant, en premier lieu, qu'aucune des dispositions législatives et réglementaires précitées, ni aucune autre, ni aucun principe général du droit n'exigent qu'un exemplaire du procès-verbal de l'infraction relevée à l'encontre de l'employeur lui soit communiqué ; qu'il résulte de l'instruction que la lettre en date du 27 avril 1989 du directeur départemental du travail et de l'emploi du Calvados a informé le gérant de la société SARL "STOCK 14" que les dispositions de l'article L.341-7 du code du travail lui étaient applicables, que la procédure de recouvrement de la contribution spéciale allait être mise en oeuvre et lui a indiqué, conformément aux dispositions de l'article R.341-33 de ce code, qu'il pouvait présenter ses observations dans un délai de quinze jours ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise au terme d'une procédure non contradictoire et aurait méconnu le respect des droits de la défense ou, en tout état de cause, des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que les exigences relatives au droit de toute personne à un procès équitable posées par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne visent que les procédures engagées devant une juridiction ; que les sociétés requérantes invoquent en vain ces dispositions pour contester les conditions de la communication d'un procès-verbal établi au cours d'une procédure administrative ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'instruction et notamment du procès-verbal dressé par le contrôleur du travail, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que le 22 janvier 1989, dans le magasin de la société "STOCK 14 - FOIR'FOUILLE" à Lisieux, M. Tung Y..., ressortissant Thaïlandais dont il n'est pas contesté qu'il était dépourvu de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, participait activement aux activités commerciales à un poste de caissier et était occupé à des travaux correspondant à un emploi permanent de l'établissement ; que ces faits sont corroborés par le constat d'huissier établi le même jour ; que cette activité révèle l'existence d'un travail pour le compte et sous l'autorité de la société malgré la double circonstance que le gérant de celle-ci n'aurait jamais reconnu avoir employé cette personne et lui avoir versé une rémunération et que M. Tung Y... aurait déclaré être étudiant de l'Alliance française à Rouen, être venu dans le magasin pour rencontrer l'un de ses amis et l'avoir aidé à titre exceptionnel et aurait attesté n'avoir pas travaillé ni reçu de rémunération ; que les allégations des sociétés requérantes ne sont, dès lors, pas de nature à établir l'inexactitude des faits ainsi énoncés par ce procès-verbal qui caractérisent l'infraction à l'article L.341-6 précité du code du travail ;

Considérant, en quatrième lieu, que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce qu'un doute subsiste sur la réalité des faits reprochés ; que la circonstance que le Tribunal de grande instance de Lisieux, siégeant en matière correctionnelle, ait par jugement du 10 septembre 1991, devenu définitif, relaxé M. X..., gérant de la société "STOCK 14 FOIR'FOUILLE" des fins de la poursuite pénale engagée contre lui au motif qu'un doute subsiste sur la participation personnelle de ce dernier aux faits délictueux ne faisait pas obstacle à ce que la contribution spéciale instituée par l'article L.341-7 du code du travail fût mise légalement à la charge de la société dès lors que les faits retenus à son encontre sont établis ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés FOIR'FOUILLE et FOIR'FOUILLE STOCK 14 ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande dirigée contre l'état exécutoire émis le 18 octobre 1989 à l'encontre de la société "STOCK 14 FOIR'FOUILLE" par le directeur de l'office des migrations internationales ;
Sur les conclusions de l'office des migrations internationales :
Considérant que le directeur de l'office des migrations internationales, à qui il appartient s'il s'y croit fondé, de prononcer la réduction du montant de la contribution spéciale mise en recouvrement n'est pas recevable à demander à la Cour de lui donner acte d'une telle réduction ;
Sur l'application de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'office des migrations internationales qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser aux sociétés FOIR'FOUILLE et FOIR'FOUILLE STOCK 14 la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner lesdites sociétés à payer conjointement à l'office des migrations internationales la somme de 5 000 F à ce même titre ;
Article 1er - La requête des sociétés FOIR'FOUILLE et FOIR'FOUILLE STOCK 14 est rejetée.
Article 2 - Les sociétés FOIR'FOUILLE et FOIR'FOUILLE STOCK 14 verseront conjointement à l'office des migrations internationales la somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - Le surplus des conclusions de l'office des migrations internationales est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié aux sociétés FOIR'FOUILLE et FOIR'FOUILLE STOCK 14 ainsi qu'à l'office des migrations internationales.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 92NT00275
Date de la décision : 07/07/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-032-01-02-02 TRAVAIL ET EMPLOI - REGLEMENTATIONS SPECIALES A L'EMPLOI DE CERTAINES CATEGORIES DE TRAVAILLEURS - EMPLOI DES ETRANGERS - MESURES INDIVIDUELLES - CONTRIBUTION SPECIALE DUE A RAISON DE L'EMPLOI IRREGULIER D'UN TRAVAILLEUR ETRANGER


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail L341-6, L341-7, R341-33, R341-34, L611-10
Convention européenne du 04 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6-1
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Melle BRIN
Rapporteur public ?: M. LEMAI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1993-07-07;92nt00275 ?
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