VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour Mme Jacqueline X..., demeurant ..., par la SCP D. Lesort - C. Bienvenu, avocats, et enregistrés au greffe de la Cour les 8 novembre 1991 et 23 mars 1992 sous le n° 91NT00839 ;
Mme X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 86 1240 du 1er août 1991 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 156 854,37 F ainsi que celle de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et les intérêts moratoires au taux de 14,65 % ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 156 854,37 F, la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts, les intérêts moratoires depuis le mois de mai 1985 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme et notamment son article L 421-5° ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 1993 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- les observations de Maître LESORT, avocat de Mme X...,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'aux termes de l'article L.421-5° du code de l'urbanisme : "Lorsque, compte tenu de la destination projetée, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public, lesdits travaux doivent être exécutés" ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le maire de la commune de Grandcamp-Maisy (Calvados) a, au nom de l'Etat, délivré à Mme X... deux permis de construire en date des 18 octobre 1979 et 10 septembre 1980 pour l'édification d'un village de vacances comprenant, notamment, quarante logements, un bâtiment administratif et un local à usage de salle de réunion ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté par la requérante que les travaux qu'elle a fait réaliser à ses frais pour l'assainissement et la desserte en eau du village de vacances se sont limités à de simples branchements sur les réseaux publics existants au droit du terrain ; qu'en revanche, les travaux pour la desserte en électricité ont nécessité le déplacement d'une ligne moyenne tension et la construction d'un poste de transformation ; que ces travaux correspondent à une extension et un renforcement du réseau public de distribution d'électricité, au sens de l'article L.421-5° du code de l'urbanisme ; que, dans ces conditions, le maire qui n'était pas en mesure de prévoir l'extension du réseau électrique aux frais de la collectivité publique était tenu de refuser les permis de construire demandés par Madame X... ; que, par suite, la délivrance des permis de construire illégaux constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de Mme X... ;
Considérant, toutefois, qu'en raison de la nature et de l'importance du projet, il appartenait au pétitionnaire d'étudier, préalablement à ses demandes de permis de construire, les conditions de la desserte en électricité du village de vacances ; que sa carence fautive est de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de retenir pour moitié la responsabilité de Mme X... ;
Sur le préjudice et l'indemnisation :
Considérant, en premier lieu, que compte tenu, d'une part, de ce que les frais de simple branchement à un réseau public de distribution d'électricité à basse tension auraient été à la charge de Madame X... et, d'autre part, des éléments fournis au dossier, il sera fait une juste évaluation, compte tenu du partage de responsabilité, de l'indemnisation à laquelle Mme X... a droit au titre des dépenses engagées à tort, en allouant à cette dernière une somme de 70 000 F, majorée des intérêts de droit à compter du 18 juin 1986, date de la demande présentée à l'administration ;
Considérant, en second lieu, que si la requérante demande l'allocation d'une somme de 50 000 F au titre de dommages-intérêts elle n'apporte aucune précision de nature à justifier lesdites conclusions ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er - Le jugement en date du 1er août 1991 du Tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 - L'Etat (ministre de l'équipement, des transports et du tourisme) est condamné à verser à Mme Jacqueline X... une indemnité de soixante dix mille francs (70 000 F). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 juin 1986.
Article 3 - L'Etat (ministre de l'équipement, des transports et du tourisme) versera à Mme Jacqueline X... la somme de trois mille francs (3 000 F) au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à Mme Jacqueline X... et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.