Vu 1°) la requête présentée pour M. Yannick X... et Mme Odile Z... par Me J.C. Y..., avocat, et enregistrée le 18 novembre 1991 au greffe de la cour sous le n° 91NT00854 ;
M. X... et Mme Z... demandent à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le titre émis par l'hôpital de Mortain qui leur réclame à chacun la somme de 103 464,41 F ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire de moitié la somme qui restera à leur charge ;
3°) de réformer en ce sens le jugement n° 89852-89853 du 21 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Caen, d'une part leur a accordé la décharge à concurrence de 20 692,88 F des sommes qui leur sont réclamées par l'hôpital de Mortain, d'autre part a annulé la décision en date du 2 mai 1989 du président du conseil d'administration de l'hôpital de Mortain et les deux états exécutoires émis le 20 février 1989 ;
4°) de condamner l'hôpital de Mortain à leur verser la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu 2°) la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour l'hôpital local de Mortain (Manche), représenté par le président du conseil d'administration à ce dûment habilité par la délibération du 19 novembre 1991, par Me J.J. Thouroude, avocat à la cour et enregistrés au greffe de la cour les 20 novembre 1991 et 13 février 1992 sous le n° 91NT00856 ;
L'hôpital local de Mortain demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 89852-89853 du 21 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Caen a, d'une part, accordé à Mme Z... et à M. X... la décharge, à concurrence d'une somme de 20 692,88 F, des sommes qui leur sont réclamées par l'hôpital, et d'autre part, annulé la décision en date du 2 mai 1989 du président du conseil d'administration de l'hôpital rejetant la demande de ces derniers de réduction du montant des frais d'hospitalisation de leur mère ainsi que les deux états exécutoires émis le 20 février 1989 ;
2°) de rejeter la demande en décharge de Mme Z... et de M. X... ;
3°) de condamner ces derniers au paiement d'une somme de 6 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique, notamment son article L.708 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 1993 :
- le rapport de Melle Brin, conseiller,
- et les conclusions de M. Lemai, commissaire du gouvernement,
Considérant que la requête de M. Yannick X... et de Mme Odile Z... ainsi que celle de l'hôpital local de Mortain sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.708 du code de la santé publique : "Les hôpitaux et hospices peuvent toujours exercer leur recours, s'il y a lieu, contre les hospitalisés, contre leurs débiteurs et contre les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil" ;
Considérant que le malade hébergé dans un hôpital public est un usager d'un service public administratif ; que les dispositions précitées de l'article L.708 du code de la santé publique étendent pour le paiement des frais d'hospitalisation, le rapport de droit public né de cette situation, de l'hospitalisé à ses débiteurs, parents et alliés expressément dénommés ; qu'il s'ensuit que les conclusions de la requête de M. X... et Mme Z... qui sollicitent l'annulation des titres de recettes émis à leur encontre le 20 février 1989 pour obtenir paiement des frais de séjour de leur mère dans le service maison de retraite-cure médicale de l'hôpital local de Mortain et de la décision du président du conseil d'administration de cet établissement rejetant le recours gracieux tendant à la réduction de la somme qui leur était réclamée ressortissent, sauf question préjudicielle pouvant tenir à l'obligation alimentaire, à la compétence de la juridiction administrative ;
Considérant qu'en l'espèce M. X... et Mme Z... ne contestent pas qu'ils étaient tenus à l'obligation alimentaire à l'égard de leur mère, hospitalisée et décédée à l'hôpital local de Mortain et ne prétendent pas que la créance de ce dernier excéderait le montant de cette obligation ; que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, il n'y a donc pas lieu à question préjudicielle ;
Sur la régularité de l'état exécutoire :
Considérant que, contrairement à ce que prétendent M. X... et Mme Z..., l'hôpital local de Mortain, établissement public administratif, était, en vertu du privilège du préalable dont il dispose, en droit d'arrêter sa créance sans saisir préalablement le juge civil et d'émettre à l'encontre de ses débiteurs un état exécutoire en vue de recouvrer les frais de séjour de l'hospitalisé ;
Considérant qu'un établissement public hospitalier exerce le droit propre que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L.708 du code de la santé publique ; que dans le cas où il n'a pas obtenu le règlement des frais de séjour d'un hospitalisé, il est en droit, même après le décès de celui-ci, du fait de l'existence même de la dette, d'en rechercher le paiement par les parents et alliés de l'hospitalisé à concurrence de leur obligation alimentaire ;
Au fond :
Considérant que Mme Louise X..., hospitalisée au centre hospitalier de Pontorson, a été transférée le 22 octobre 1985 au service maison de retraite-cure médicale de l'hôpital local de Mortain où elle est décédée le 26 janvier 1988 ; que cet établissement a engagé une procédure de recouvrement à l'encontre de son fils, M. Yannick X... et de sa fille Mme Odile Z..., d'une créance, pour chacun d'eux, de 103 464,41 F correspondant aux frais de séjour de Mme Louise X... ;
Considérant que, par le jugement en date du 21 mai 1991, le tribunal administratif de Caen estimant que l'hôpital avait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité a laissé à la charge de ce dernier le cinquième de la somme réclamée à chacun de ses débiteurs et a, par suite, accordé à l'un et l'autre de ces derniers la décharge d'une somme de 20 692,88 F et annulé la décision du 2 mai 1989 par laquelle le président du conseil d'administration de l'hôpital a rejeté la demande de M. X... et de Mme Z... ainsi que les deux titres de recettes émis le 20 février 1989 ;
Considérant que M. X... et Mme Z... font appel de ce jugement en tant qu'il leur a accordé une décharge limitée à 20 692,88 F ; que l'hôpital local de Mortain, par son appel du même jugement, au motif qu'aucune faute ne lui est imputable, conclut à l'annulation de celui-ci ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'information du transfert de Mme Louise X... à l'hôpital local de Mortain, transfert qui n'a jamais été critiqué par ses enfants, a été donnée par une lettre du 19 octobre 1985 ; que des titres de recettes ont été émis par l'hôpital dès le mois de décembre 1985 ; que par sa lettre du 18 février 1986 à la gérante des tutelles de l'hôpital, qui agissait pour le compte de l'incapable, Mme Z... indique être informée des conséquences de l'augmentation notable des dépenses d'hospitalisation de sa mère au service maison de retraite-cure médicale de l'établissement ; que les enfants de Mme Louise X... ont refusé la tutelle de leur mère ce qui a justifié la poursuite du recouvrement des frais d'hospitalisation auprès du notaire chargé de la succession de Mme Louise X... à la suite du décès de son époux ; que ce notaire qui était informé régulièrement du montant des frais de séjour de celle-ci a négligé d'en effectuer le règlement ; que, dans les circonstances de l'affaire, aucune carence dans l'information des enfants de Mme Louise X... ni aucun retard dans la mise en recouvrement des sommes dues à raison du séjour de cette dernière à l'hôpital local de Mortain ne sauraient être reprochés à cet établissement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. X... et Mme Z... ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué, d'autre part, que l'hôpital local de Mortain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Caen a accordé à ces derniers une décharge partielle de la somme qui leur a été réclamée et annulé les titres de recettes émis à leur encontre ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. X... et Mme Z... à payer à l'hôpital local de Mortain la somme totale de 3 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de condamner cet établissement, qui n'est pas partie perdante dans l'instance, à payer à M. X... et à Mme Z... la somme qu'ils demandent au même titre ;
Article 1er : Le jugement en date du 21 mai 1991 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande et la requête de M. X... et de Mme Z... sont rejetées.
Article 3 : M. X... et Mme Z... verseront à l'hôpital local de Mortain une somme totale de trois mille francs (3 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yannick X..., à Mme Odile Z... et à l'hôpital local de Mortain.