Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 mai 1991, présentée pour le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, représenté par son directeur en exercice et par la S.C.P. Menard-Quimbert-Dizier et associés, avocat à Nantes ;
Le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, refusé de récuser M. X..., expert désigné par ordonnance du président dudit tribunal en date du 1er mars 1990, et d'autre part, condamné le port autonome à verser à M. X... une indemnité de 3 000 F en application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de prononcer la récusation de M. X... ;
3°) de désigner un nouvel expert ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'organisation judiciaire ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 1991 :
- le rapport de M. Aubert, conseiller,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que c'est à tort que, comme le soutient le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, le tribunal administratif de Nantes a, dans son jugement attaqué en date du 1er mars 1991, cité les dispositions de l'article R.122 du code des tribunaux administratifs, dans leur rédaction issue du décret n° 73-682 du 13 juillet 1973, alors qu'elles ont été abrogées à compter du 1er janvier 1990 en application des dispositions des articles 3 et 4 du décret n° 89-641 du 7 septembre 1989 portant code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, toutefois, pour rejeter, au fond, la demande de récusation d'expert présentée par le port autonome, le tribunal s'est, en réalité, fondé expressément, quant aux causes susceptibles de justifier la récusation, sur les dispositions du nouveau code de procédure civile auxquelles renvoyait l'article R.122 susmentionné et auxquelles renvoient également les dispositions combinées des articles R.163 et R.194 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans leur rédaction issue du décret n° 89-641 du 7 septembre 1989, applicable en l'espèce ; qu'ainsi, l'erreur commise par le tribunal administratif est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
Sur la récusation :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R.163 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les experts peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges ... La partie qui entend récuser l'expert doit le faire devant la juridiction qui a commis ce dernier avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation. Si l'expert s'estime récusable, il doit immédiatement le déclarer au juge qui l'a commis" ; qu'aux termes des dispositions de l'article R.194 du même code : "Les articles 339, 341 à 347 et 354 du nouveau code de procédure civile, sur l'abstention et sur la récusation des juges, sont applicables aux membres des tribunaux et des cours administratives d'appel" ; qu'aux termes de l'article 341 du nouveau code de procédure civile : "La récusation d'un juge n'est admise que pour les causes déterminées par la loi. Comme il est dit à l'article L.731.1 du code de l'organisation judiciaire : sauf dispositions particulières à certaines juridictions la récusation d'un juge peut être demandée : 1° Si lui-même ou son conjoint à un intérêt personnel à la contestation ; 2° Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ; 3° Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement ; 4° S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ; 5° S'il a précédemment connu l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ; 6° Si le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ; 7° S'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ; 8° S'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties" ;
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que fait valoir le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire aucune mission d'expertise n'a été confiée à M. Y... par le tribunal administratif ; que si M. X..., seul expert désigné en l'espèce par le tribunal, a proposé aux parties à l'instance de s'adjoindre les services de M. Y... pour mener à bien sa mission, il est constant que ce dernier a renoncé à assurer des fonctions de sapiteur ; que, dans ces conditions, la circonstance que celui-ci ait des liens avec l'une des parties ne saurait constituer une cause de récusation de M. X..., avec lequel il ne peut être regardé comme formant un collège d'expert ; qu'en outre, ces circonstances ne révèlent pas que l'expert ait été partial ;
Considérant, en deuxième lieu, que le port autonome n'apporte aucune justification de nature à établir que l'attitude de l'expert à son égard constituerait une cause de récusation prévue par les dispositions précitées ; qu'en faisant part, au cours des opérations d'expertise, de son avis sur les causes des désordres, qu'il avait pour mission de rechercher, M. X... ne saurait être regardé comme s'étant placé dans l'une des situations l'obligeant à se récuser ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'expert a fait connaître au tribunal administratif, conformément aux dispositions de l'article 347 du nouveau code de procédure civile, les motifs pour lesquels il s'opposait à la récusation demandée par le port autonome et s'il a cru devoir solliciter à cette occasion la condamnation de ce dernier au versement d'une indemnité en application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, ces circonstances ne sauraient avoir pour effet de conférer à M. X... la qualité de partie au litige ; qu'elles ne sont, par suite, pas de nature à entraîner sa récusation sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L.731.1 du code de l'organisation judiciaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de récusation présentée devant les premiers juges, que le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ladite demande ;
Sur l'application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il ou qu'elle détermine" ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. X... n'était pas partie à l'instance au cours de laquelle le port autonome a demandé au tribunal administratif de prononcer sa récusation ; qu'il ne pouvait, dès lors, prétendre au bénéfice des dispositions précitées de l'article R.222 ; qu'ainsi, d'une part, le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser à M. X... une somme de 3 000 F en application desdites dispositions ; que, d'autre part, les conclusions de M. X... tendant à ce que la Cour condamne le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire à lui verser une somme de 10 000 F en application des mêmes dispositions sont irrecevables ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R.222 et de condamner le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire à payer au département de Loire-Atlantique et à la société d'économie mixte du pont de Saint-Nazaire la somme de 5 000 F à chacun d'entre eux au titre des sommes qu'ils ont exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens ;
Article 1er - L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 29 mars 1991 est annulé.
Article 2 - Le surplus des conclusions de la requête du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire est rejeté.
Article 3 - Les conclusions de M. X... tendant au bénéfice de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 - Le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire versera au département de Loire-Atlantique et à la société d'économie mixte du pont de Saint-Nazaire une somme de cinq mille francs (5 000 F) à chacun d'entre eux au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié au port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, à la société d'économie mixte du pont de Saint-Nazaire, au département de Loire-Atlantique, à la société CETRA, à la société générale d'entreprises, à M. X... et au secrétaire d'Etat à la mer.