La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/1991 | FRANCE | N°89NT00726

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Pleniere, 22 mai 1991, 89NT00726


VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. René CHEVALIER et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 juillet 1988 sous le n° 99687 ;
VU la requête sommaire susmentionnée et le mémoire complémentaire enregistré le 4 novembre 1988, présentés pour M. René Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrés au greff

e de la Cour sous le n° 89NT00726 ;
M. CHEVALIER demande à la Cour :
...

VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. René CHEVALIER et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 juillet 1988 sous le n° 99687 ;
VU la requête sommaire susmentionnée et le mémoire complémentaire enregistré le 4 novembre 1988, présentés pour M. René Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 89NT00726 ;
M. CHEVALIER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 mai 1988 par lequel le Tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités dont elle a été assortie ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 1991 :
- le rapport de M. SALUDEN, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,

Sur la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article 201 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "1. Dans le cas ... de cessation ... d'une entreprise ... commerciale ... dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ... et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. Les contribuables doivent, dans un délai de dix jours déterminé comme il est indiqué ci-après, aviser l'administration ... de la cessation et lui faire connaître la date à laquelle elle a été ou sera effective ... Le délai de dix jours commence à courir ... lorsqu'il s'agit de la cessation d'entreprises, du jour de la fermeture définitive des établissements ... 3. Les contribuables non assujettis au forfait sont tenus de faire parvenir à l'administration, dans le délai de dix jours prévu au 1, outre les renseignements visés audit paragraphe, la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d'un résumé de leur compte de pertes et profits ... Si les contribuables imposés d'après leur bénéfice réel ne produisent pas les déclarations ou renseignements visés au 1 et au premier alinéa du présent paragraphe ... les bases d'imposition sont arrêtées d'office ; que ces dispositions n'obligent pas l'administration à adresser aux intéressés une mise en demeure préalable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. René CHEVALIER, qui, imposé sur son option selon le régime réel simplifié d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux, exploitait à BROONS, Côtes d'Armor, un garage station-service, a totalement cessé son activité au plus tard le 30 août 1981 ; qu'il est constant qu'il n'a produit la déclaration de ses bénéfices pour sa période d'activité de l'année 1981 que le 6 novembre 1982, soit après l'expiration du délai de dix jours prévu par l'article 201 précité ; que, par suite, l'administration était en droit d'évaluer d'office son bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1981, sans mise en demeure préalable ; qu'il suit de là qu'il appartient à M. CHEVALIER, en vertu des dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des bases retenues par l'administration ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le montant du chiffre d'affaires et du bénéfice :
Considérant que le vérificateur a déterminé le bénéfice dont M. CHEVALIER conteste le montant en procédant à la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé dans chacun des secteurs d'activité du contribuable, à savoir vente de carburants, vente de pièces détachées et prestations de services ;

Considérant, en premier lieu, que M. CHEVALIER conteste l'évaluation du stock de carburants au 1er janvier 1981, fixée par le vérificateur à 6000 litres en l'absence d'inventaire ; que le requérant, qui soutient que le volume de ce stock n'excédait pas 400 litres, se borne à faire état d'un approvisionnement de 9000 litres le 2 janvier 1981 ; mais qu'il est constant que le volume des ventes a été supérieur à celui des achats de 9700 litres pendant la période courant du 15 février au 2 août 1981, date voisine de celle de la cessation d'activité ; que les approvisionnements antérieurs à cette période, effectués les 2 et 20 janvier et 3 février 1981 n'ont pas été d'une valeur supérieure à la moyenne de ceux effectués par M. CHEVALIER du 15 février au 2 août 1981 ; que le volume évalué par l'administration est inférieur à celui du dernier stock comptabilisé par le contribuable ; que, dans ces conditions, celui-ci n'établit pas l'exagération de la valeur du stock de carburants retenue par le vérificateur ;
Considérant, en second lieu, que l'administration a retenu, pour les ventes de carburants aux détenteurs de cartes accréditives délivrées par la société ELF, une marge bénéficiaire d'un montant de 8.520 F, déterminée par application d'un coefficient de 1,049 aux achats revendus de cette catégorie ; que, toutefois, par une attestation de la société ELF produite pour la première fois devant la Cour, M. CHEVALIER établit que le montant des sommes qu'il a perçues de cette société à raison de ces ventes et qui en constituaient sa seule rémunération, ainsi qu'il résulte des circonstances ci-après relatées, s'est élevé à 1.930 F ; que, par suite, il est fondé à demander une réduction de son bénéfice de la somme de 6.590 F ;
Considérant, en troisième lieu, que pour reconstituer le chiffre d'affaires de M. CHEVALIER dans son activité de prestations de services, l'administration a affecté d'un tarif horaire de 50 F hors taxe le nombre d'heures de travail effectué par l'intéressé dans cette activité, fixé à 750 heures ; qu'il résulte de l'instruction que ces données se fondent, d'une part, sur une enquête réalisée auprès des garages de la région, d'autre part, sur des constatations faites lors de la vérification de la comptabilité de l'entreprise ; qu'en se bornant à soutenir que ces chiffres ne sont assortis d'aucune justification, M. CHEVALIER n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération de l'évaluation retenue ;
En ce qui concerne l'imposition de la plus-value :
Considérant qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition 1981 : "Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas la limite du forfait ou de l'évaluation administrative sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans et que le bien n'entre pas dans le champ d'application de l'article 691 ..." ;

Considérant que le bénéfice de l'exonération des plus-values instituée par l'article 151 septies précité doit être réputé, eu égard notamment aux travaux parlementaires qui ont préparé le vote de la loi du 19 juillet 1976 dont cet article est issu, être réservé aux entreprises qui entrent dans le champ d'application du régime forfaitaire, sans qu'il soit besoin, toutefois, qu'elles aient été effectivement imposées selon un tel régime ; qu'aux termes de l'article 302 ter du même code : "...5. Les forfaits de chiffre d'affaires et de bénéfice sont établis par année civile et pour une période de deux ans ; les montants servant de base à l'impôt peuvent être différents pour chacune des deux années de cette période. 6. Les forfaits sont conclus après l'expiration de la première année de la période biennale pour laquelle ils sont fixés" ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans les hypothèses autres que celle de création d'entreprise visée à l'article 302 quinquies du code et de celle de cessation d'activité d'une entreprise déjà placée sous un régime forfaitaire l'année précédent cette cessation d'activité, laquelle est visée à l'article 201-2 du code, une entreprise commerciale qui, l'année précédent celle de la réalisation de la plus-value litigieuse, réalise des recettes excédant la limite admise pour le régime forfaitaire, n'entre pas dans le champ d'application d'un tel régime au titre de l'année de la réalisation de la plus-value si, après avoir réalisé cette plus-value, elle cesse d'exister moins d'une année civile après la clôture de l'exercice précédent ;
Considérant que M. CHEVALIER conteste l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1981 à raison de la plus-value qu'il a dégagée lors de la cession de son immeuble professionnel le 19 octobre 1981 ; qu'il fait valoir que c'est à tort que l'administration lui a refusé le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 151 septies précité au motif que ses recettes de l'année 1980, année précédent celle de la réalisation de la plus-value, excédaient la limite admise pour le régime forfaitaire dès lors que, selon lui, cette limite n'était pas atteinte ; qu'il soutient à cette fin, d'une part, qu'il exerce une activité de commissionnaire pour les opérations effectuées avec les clients titulaires d'une carte ELF et que, par suite, seul le montant de sa commission et non le prix de vente du carburant, doit être pris en considération pour le calcul de la limite de chiffre d'affaires applicable au régime du forfait, d'autre part, que l'administration ne justifie pas le montant du chiffre d'affaires qu'elle a retenu pour les prestations de services et ventes de pièces détachées ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. CHEVALIER commandait à la société ELF la totalité du carburant débité dans la station-service qu'il exploitait ; que ses approvisionnements lui étaient facturés en totalité ; qu'il totalisait régulièrement le montant des ventes effectuées auprès de détenteurs de cartes accréditives ELF dont le compte était ultérieurement débité par la société ELF ; que le montant ainsi totalisé s'imputait sur la facture d'achat suivante ; que la société ELF établissait par la suite, pour le compte de M. CHEVALIER, un document intitulé "facture de vente" ainsi qu'un relevé de commissions et, après régularisation, lui délivrait un avoir et versait ses commissions ;
Considérant qu'il résulte des circonstances susrelatées que M. CHEVALIER acquérait les carburants qu'il revendait aux porteurs de la carte ELF au même prix qu'aux autres clients ; qu'il supportait les risques des marchandises achetées ; que s'il n'encaissait pas directement le prix de la vente consentie aux titulaires de la carte ELF celui-ci lui était cependant reversé, sous forme d'un avoir, par la société ELF qui retenait une commission rémunérant notamment la garantie de paiement, le service de facturation et l'apport de la clientèle ; qu'ainsi M. CHEVALIER exerçait une activité de négociant et non, comme il le soutient, celle d'un commissionnaire ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 302 ter-I, dernier alinéa, du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : "Pour la détermination du chiffre d'affaires annuel, les ventes d'essence, de supercarburant et de gas-oil sont retenues à concurrence de 50 % de leur montant" ;
Considérant que le chiffre d'affaires toutes taxes comprises réalisé par M. CHEVALIER pendant l'année 1980, fixé d'office à la somme de 376.320 F pour la période du 1er janvier au 13 mai 1980, et déclaré par le syndic au règlement judiciaire de l'entreprise pour la période du 20 mai au 31 décembre 1980 pour un montant de 598.680 F, s'est élevé à la somme de 975.000 F ; que pour déterminer le chiffre d'affaires selon les modalités prévues par l'article 302 ter-I précité, l'administration a évalué à 88.335 F le montant des recettes tirées des prestations de services et ventes de pièces détachées par application au chiffre d'affaires total de l'année 1980 du rapport constaté en 1981 entre les recettes de cette nature et le chiffre d'affaires total ; qu'il en résulte un chiffre d'affaires corrigé de 531.668 F ; que M. CHEVALIER se borne à contester de façon générale l'évaluation du montant des recettes tirées des prestations de services et ventes de pièces détachées ; que, toutefois, il est constant que l'activité du garage a été plus importante en 1980, année pendant laquelle M. CHEVALIER employait un mécanicien, que durant la période d'activité de l'année 1981 pendant laquelle M. CHEVALIER, qui travaillait seul en garage, y a dégagé des recettes d'un montant de 55.231 F ; que, dans ces conditions, et compte tenu du chiffre d'affaires réalisé dans les ventes de carburant, M. CHEVALIER n'est pas fondé à soutenir que le chiffre d'affaires de l'année précédent celle de la réalisation de la plus-value litigieuse était inférieur à la limite admise pour le régime forfaitaire ; que, par suite, c'est à bon droit que cette plus-value a été imposée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. CHEVALIER est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est régulier en la forme, le Tribunal administratif de RENNES a refusé de lui accorder une réduction du complément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1981 à raison d'une diminution de 6.590 F de sa base d'imposition ;
Article 1er - La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. René CHEVALIER au titre de l'année 1981 est réduite d'une somme de 6.590 F.
Article 2 - Il est accordé à M. René CHEVALIER décharge des droits et pénalités correspondant à cette réduction de la base d'imposition.
Article 3 - Le jugement du Tribunal adminis-tratif de RENNES en date du 4 mai 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de M. René CHEVALIER est rejeté.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à M. CHEVALIER et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89NT00726
Date de la décision : 22/05/1991
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - RECLAMATIONS AU DIRECTEUR - VALIDITE DE LA DECISION DU DIRECTEUR - Décision se bornant à opposer à tort une irrecevabilité (1).

19-02-02-03 Une décision du directeur se bornant à opposer à l'auteur de la réclamation une irrecevabilité, non fondée, pour défaut de mandat, ne met pas le contribuable en mesure de connaître les motifs de rejet au fond de sa réclamation et ne fait ainsi pas courir le délai de recours.

- RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B - I - C - EVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION - Exonérations - Plus-values - Exonération en faveur des contribuables dont les recettes n'excèdent pas les limites du forfait - Montant des recettes - Ventes de carburant par un gérant de station-service à des clients titulaires d'une carte accréditive d'une société pétrolière (2).

19-04-02-01-03-03 Un gérant de station-service qui acquiert les carburants qu'il revend aux détenteurs d'une carte accréditive d'une société pétrolière au même prix qu'aux autres clients, qui supporte le risque des marchandises achetées et qui, s'il n'encaisse pas directement des détenteurs de carte le prix de la vente, le perçoit ultérieurement de la société, exerce, dans les opérations avec ces derniers, une activité de négociant et non de commissionnaire. Les recettes tirées de cette activité doivent ainsi être prises en compte pour l'appréciation du dépassement de la limite du forfait.


Références :

CGI 302 ter par. I, 302 quinquies, 201, 151 septies
CGI Livre des procédures fiscales L193
Loi 76-66 du 19 juillet 1976

1.

Cf. CE, Section, 1979-02-03, 05060, p. 52. 2.

Rappr. CE, 1981-11-09, 16716, p. 408


Composition du Tribunal
Président : M. Capion
Rapporteur ?: M. Saluden
Rapporteur public ?: M. Lemai

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1991-05-22;89nt00726 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award