VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. François CAILLET et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 juin 1988 sous le n° 98.936 ;
VU la requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 89NT00474 présentée par M. François CAILLET demeurant à PLERIN (Côtes-d'Armor) au lieudit La Ville Ernon ;
M. CAILLET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 14 avril 1988 par lequel le Tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande en réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1982 dans les rôles de la commune de PLERIN ;
2°) de prononcer la réduction de cette imposition ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 27 février 1991 :
- le rapport de M. JEGO, président rapporteur,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant que M. CAILLET, exploitant agricole, qui a réalisé un bénéfice net de 306.003 F en 1982 après application de l'abattement dont bénéficient les adhérents d'un centre de gestion, a demandé l'application de la taxation spéciale visée à l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts alors en vigueur pris pour application des dispositions de l'article 72 du même code et soutient que le déficit constaté en 1981 dans la catégorie des bénéfices agricoles doit être imputé en priorité sur la fraction du bénéfice non soumise au régime spécial de taxation ; que l'administration prétend que le contribuable ne peut bénéficier de ce régime spécial et, subsidiairement, que le déficit antérieur doit être imputé sur le bénéfice de l'année 1982, avant application du régime spécial de taxation ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du VI de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts : "Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de modification substantielle des conditions de l'exploitation pendant l'année de la réalisation du bénéfice et les trois années antérieures" ;
Considérant que les dispositions de la circulaire du 11 mai 1987 (BOI.5.E.7.87) ont fixé à 25 % la variation de superficie constatée entre l'année de réalisation du bénéfice et les trois années précédentes qui révélerait une modification substantielle des conditions d'exploitation ; que, toutefois, cette circulaire, en tant qu'elle ajoute aux dispositions précitées du VI de l'article 38 sexdecies J une condition supplémentaire qu'elles ne prévoient pas, est entachée d'illégalité ;
Considérant que le contribuable exerce une activité d'élevage "hors-sol" ; que si les superficies de terrain utilisées pour cette activité, ainsi que le nombre de veaux produits, ont varié entre l'année 1982 et les années antérieures, dans des proportions d'ailleurs limitées, il ne résulte pas de l'instruction que ces modifications soient le résultat d'un changement dans les conditions de l'exploitation ; que, par suite, l'administration n'est pas fondée à soutenir que le VI de l'article 38 sexdecies J n'est pas applicable à M. CAILLET ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes du I du même article : "Lorsqu'un exploitant réalise un bénéfice supérieur à 50.000 F et excédant deux fois la moyenne des résultats des trois années précédentes, il peut demander que la fraction de ce bénéfice qui dépasse 50.000 F, ou cette moyenne si elle est supérieure, soit imposée selon les règles prévues à l'article 150 R du code général des impôts ; toutefois, le paiement de l'impôt ne peut être fractionné" ; qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés à l'article 6-1 et 3, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : 1° Des déficits provenant d'exploitations agricoles lorsque le total des revenus nets d'autres sources excède 40.000 F ; ces déficits peuvent cependant être admis en déduction des bénéfices de même nature des années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement" ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le régime spécial de taxation des bénéfices réalisés par les agriculteurs n'a pas eu pour objet et n'aurait pu avoir légalement pour effet de faire obstacle aux règles normales d'imputation des déficits définies par le législateur ; que l'article 156 du code général des impôts n'autorise, lorsque le total des revenus nets d'autres sources excède 40.000 F, l'imputation du déficit agricole que sur les bénéfices de même nature ; que l'article 38 sexdecies J n'institue un régime particulier de taxation, destiné à atténuer les effets de la progressivité de l'impôt sur le revenu, que pour la fraction du bénéfice agricole excédant les limites qu'il détermine ; qu'il s'ensuit que, dans le cas d'un déficit agricole reportable, celui-ci doit être imputé sur le montant du bénéfice réalisé au titre de l'année pour laquelle l'application de l'article 38 sexdecies J est revendiquée, et que seul le solde peut, le cas échéant, bénéficier des modalités de taxation particulières édictées par ledit article ;
Considérant que l'imposition des revenus de l'année 1982 a été établie selon les principes ci-dessus définis ; que, contrairement à ce que M. CAILLET a soutenu devant les premiers juges, aucune instruction administrative n'a donné des dispositions en litige une interprétation différente ; que, dès lors, M. CAILLET n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande en réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1982 ;
Article 1 - La requête de M. François CAILLET est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à M. François CAILLET et au ministre délégué au budget.