Vu l'ordonnance en date du 11 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. Eugène MASSON et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 mai 1987 sous le n° 87 229 ;
Vu la requête susmentionnée et le mémoire ampliatif enregistré le 17 août 1988 présentés par M. Eugène MASSON demeurant à Nantes (44) ... ;
M. MASSON demande que la Cour :
1°) annule le jugement du 19 février 1987 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en réduction des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1981
2°) et prononce la réduction des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 juin 1990 :
- le rapport de M. LEMAI, conseiller,
- les observations de M. Eugène MASSON,
- et les conclusions de M. GAYET, commissaire du gouvernement,
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique a accordé à M. MASSON un dégrèvement de 18 150 F correspondant à la substitution des intérêts de retard aux majorations pour mauvaise foi appliquées aux redressements de l'année 1977 ; que, par suite, les conclusions de la requête sont devenues, dans cette mesure, sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de la minute versée au dossier que le jugement attaqué a visé le mémoire de M. MASSON, daté du 9 janvier 1987 et enregistré le 14 janvier 1987, lequel ne comportait aucun moyen nouveau auquel le tribunal aurait été tenu de répondre ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas tenu compte de ce mémoire déposé avant la clôture de l'instruction manque en fait ;
Considérant que le tribunal qui n'avait pas à se prononcer sur chacun des arguments du requérant a répondu à l'ensemble des moyens qui lui étaient soumis et a suffisamment motivé le rejet des conclusions tendant à l'institution d'une expertise ; qu'il appartient au juge administratif d'apprécier l'utilité d'une expertise eu égard aux éléments de preuve apportés par le requérant ; que, si M. MASSON fait valoir qu'en refusant de recourir à l'expertise qu'il demandait, le tribunal lui a refusé les seuls moyens qui lui restaient d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'impositions retenues par l'administration, cette argumentation se rapporte non à la régularité de la procédure de première instance mais au bien-fondé des impositions contestées ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que M. MASSON, pépiniériste horticulteur, conteste les bases d'imposition qui lui ont été assignées à la suite de l'évaluation d'office de ses bénéfices agricoles des années 1977, 1978 et 1979 et de la rectification d'office de ces mêmes bénéfices de l'exercice allant du 1er janvier 1980 au 30 juin 1981 uniquement en ce qui concerne l'incidence sur ces bases d'imposition de la variation des stocks calculée par le vérificateur pour chacun des exercices susmentionnés ; qu'il appartient au contribuable qui ne discute pas la régularité de la mise en oeuvre de procédures d'imposition d'office d'apporter la preuve de l'exagération des évaluations litigieuses des stocks ;
Considérant que le contribuable peut, s'il n'est pas en mesure, comme en l'espèce, d'établir le montant exact de ses bénéfices en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer qu'elle aboutit, au moins sur certains points et pour certains montants, à une exagération des bases d'imposition, soit, encore, aux mêmes fins soumettre au juge de l'impôt une autre méthode d'évaluation ;
Considérant que le vérificateur a, d'une part, rectifié l'évaluation des stocks au 30 juin 1981, seule date pour laquelle la comptabilité du contribuable comportait un inventaire et une évaluation des stocks, et a, d'autre part, repris le montant de cette évaluation rectifiée pour reconstituer les variations annuelles des stocks depuis le début de la période vérifiée ; que, pour évaluer les stocks au 30 juin 1981, conformément aux prescriptions de l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts, il a déterminé les coûts directs et indirects de production à partir des dépenses cumulées du 1er janvier 1978 au 30 juin 1981 en se fondant sur une durée moyenne du cycle de production végétale de "3,5 ans" ; qu'il a corrigé le résultat ainsi obtenu d'un abattement forfaitaire destiné à tenir compte des achats revendus en l'état et des pertes de végétaux en cours de croissance ; qu'enfin, pour reconstituer les variations annuelles des stocks, il a fait l'hypothèse que ces derniers étaient constants en volume et a estimé l'augmentation annuelle des coûts de production en se référant à l'indice INSEE des prix à la consommation ;
Considérant, en premier lieu, en ce qui concerne la méthode d'évaluation des stocks autres que ceux du 30 juin 1981, que M. MASSON ne peut démontrer qu'il aurait procédé au cours de la période en cause à un déstockage et proposer de nouvelles évaluations en se prévalant d'une méthode qui consiste à appliquer aux recettes reconstituées de chaque exercice un taux de valeur ajoutée tiré de monographies professionnelles dont il n'établit pas la validité eu égard aux conditions de fonctionnement de son entreprise ; que, ni la circonstance que des changements dans les méthodes de production et les comportements d'achat des clients auraient sensiblement réduit la durée d'immobilisation des végétaux dans l'entreprise, ni la diminution du nombre d'heures travaillées ne suffisent à établir la réalité d'un déstockage alors que, par ailleurs, il est constant que la superficie exploitée s'est accrue au cours de la période et qu'il a été indiqué par le contribuable que les effets de la sécheresse de l'année 1976 l'avaient contraint à reconstituer le stock de végétaux ; que M. MASSON n'est pas fondé à demander que l'augmentation des coûts de production intégrée chaque année dans la valeur des stocks soit estimée à partir de l'évolution des prix de vente figurant dans les catalogues professionnels ; qu'il résulte de l'instruction que l'utilisation par le vérificateur de l'indice INSEE des prix à la consommation est, en tout état de cause, favorable au contribuable ; qu'enfin, sur ce point de la méthode de reconstitution de ses bases d'imposition, M. MASSON ne se réfère à l'appui de ses prétentions à aucun élément de preuve comptable ou autre de nature à justifier une expertise ;
Considérant, en second lieu, en ce qui concerne l'évaluation des stocks au 30 juin 1981, que, si M. MASSON soutient que le vérificateur aurait déterminé la durée moyenne du cycle de production des végétaux de manière arbitraire, il n'établit pas que cette durée devrait être fixée à "26,43 mois" en se fondant sur une analyse des résultats de l'exercice 1981-1982 dès lors que cette analyse ne porte que sur la composition des ventes de ce seul exercice ; qu'il ne propose aucun critère précis de répartition des dépenses à l'appui de sa critique de la part des charges de personnel et de certaines charges indirectes comprises par le vérificateur dans les coûts de production ; qu'il résulte de l'instruction que l'abattement forfaitaire qui a été appliqué à ces coûts de production a suffisamment tenu compte du montant des achats revendus en l'état ; que, si M. MASSON soutient que cet abattement forfaitaire ne peut suffire à tenir compte également des pertes de végétaux en cours de croissance, il ne propose aucun élément précis permettant de mesurer l'incidence de ces pertes sur l'évaluation effectuée par le vérificateur ;
Considérant, toutefois, que M. MASSON avait évalué ses stocks au 30 juin 1981 en appliquant au prix des produits de son exploitation résultant d'un catalogue professionnel, une décote moyenne forfaitaire de 70 % et avait valorisé à leur prix de revient les plantations effectuées en 1981 ; que cette méthode forfaitaire de détermination du prix de revient des produits de l'exploitation est autorisée par les dispositions de l'article 38 sexdecies I de l'annexe III au code général des impôts qui ont pour objet, conformément aux dispositions de l'article 69 quater du même code, d'adapter les règles applicables aux industriels et commerçants aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole ; que, si elle a considéré que le taux de la décote n'était pas suffisamment justifié, l'administration n'a pas remis en cause l'inventaire physique effectué par le contribuable ; que ce dernier soutient qu'il est en mesure de justifier les taux de remise qu'il accorde permettant de déduire la valeur probable de réalisation des produits de son exploitation des prix du catalogue ; que le taux de la décote forfaitaire peut être apprécié à partir de la reconstitution effectuée par le vérificateur ; que, par suite, il y a lieu d'ordonner une expertise aux fins de réunir tous les éléments permettant d'évaluer les stocks au 30 juin 1981 conformément aux prescriptions de l'article 38 sexdecies I de l'annexe III au code général des impôts ;
Article 1 - Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. MASSON à concurrence d'un dégrèvement d'un montant de 18 150 F.
Article 2 - Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de cette requête, procédé par un expert désigné par le président de la Cour administrative d'appel à une expertise aux fins de réunir tous les éléments permettant d'évaluer les stocks de l'exploitation de M. MASSON au 30 juin 1981, conformément aux prescriptions de l'article 38 sexdecies I de l'annexe III au code général des impôts.
Article 3 - L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la Cour dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment.
Article 4 - Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à M. MASSON et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.