Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. Jacques BERTIER et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 novembre 1987 sous le n° 92 486 ;
Vu la requête susmentionnée et le mémoire ampliatif enregistré le 7 mars 1988 présentés pour M. Jacques BERTIER demeurant à YVETOT-BOCAGE VALOGNES (50) par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
M. BERTIER demande que la Cour :
1°) annule le jugement en date du 10 juin 1987 par lequel le Tribunal administratif de CAEN a rejeté ses demandes en réduction de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1977 et 1978 et en décharge des compléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1979, 1980 et 1981 ;
2°) prononce la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 juin 1990 :
- le rapport de M. LEMAI, conseiller,
- et les conclusions de M. GAYET, commissaire du gouvernement,
Sur les impositions des années 1977 et 1978 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'au cours des années susvisées M. BERTIER relevait pour l'imposition des bénéfices non commerciaux de sa profession d'architecte du régime de l'évaluation administrative ; qu'il est constant qu'il a refusé les propositions d'évaluation de ses bénéfices qui lui ont été notifiées le 22 novembre 1979 pour ces deux années ; que, par suite, c'est par une exacte application des règles d'établissement des bénéfices non commerciaux soumis au régime de l'évaluation administrative que l'administration qui n'était pas tenue de formuler de nouvelles propositions a porté le différend devant la commission départementale des impôts directs ; que la circonstance, à la supposer établie, que le service aurait communiqué aux organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales le montant des bénéfices proposés par l'administration avant l'intervention de la décision de la commission est sans incidence sur la régularité de la procédure de fixation de ces bénéfices ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que, par une lettre en date du 25 septembre 1981, l'administration a indiqué à M. BERTIER que la réunion de la commission était fixée au 4 novembre 1981 et qu'il pouvait prendre connaissance du rapport établi par le service entre le 6 octobre et le 3 novembre ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article 1651 bis du code général des impôts reprises aux articles L 60 et R 60-1 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction alors en vigueur manque en fait ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'exemplaire du rapport remis en séance au contribuable qui n'avait pas utilisé la faculté d'en prendre connaissance auparavant indiquait précisément la nature et l'étendue des points en litige ainsi que les positions respectives du contribuable et du service ; que, dans ces conditions, la circonstance que cet exemplaire n'aurait pas été signé par l'agent qui en était l'auteur, lequel a d'ailleurs été entendu au cours des débats, est sans incidence sur le caractère contradictoire de la procédure suivie devant la commission ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la composition de cette commission aurait été irrégulière ni que le contribuable n'aurait pas été en mesure de présenter ses observations ;
Considérant qu'il ressort des termes de sa décision que, pour fixer les bénéfices en cause, la commission a, d'une part, constaté que le montant des recettes professionnelles n'était pas discuté et, d'autre part, retenu le montant des dépenses professionnelles arrêté par l'administration au motif que "l'évaluation faite par le service au vu des documents qui lui ont été présentés est raisonnable et que, tenant compte des sujétions propres au cabinet de M. BERTIER, elle donne une estimation suffisante des frais professionnels" ; que la commission a, en outre, noté que le contribuable n'avait apporté en séance aucun élément de nature à remettre en cause l'évaluation de l'administration et avait refusé la proposition de fournir de nouvelles justifications au cours d'une séance ultérieure et que les bénéfices retenus comportaient implicitement une majoration de 12 768 F pour 1977 et 19 030 F pour 1978 du montant des frais professionnels dont le caractère justifié avait été admis dans le rapport établi par le service ; que, par cette motivation, la commission a suffisamment fait connaître au contribuable les éléments qui ont entraîné sa conviction et l'a ainsi mis en mesure de critiquer utilement devant le juge de l'impôt la base d'imposition qui lui était assignée ;
En ce qui concerne le bien fondé des impositions :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 102 de code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition, M. BERTIER a la charge d'apporter tous éléments comptables et autres de nature à permettre d'apprécier le montant des bénéfices réalisés au cours de ces années ;
Considérant, en premier lieu, que, pour démontrer l'insuffisance des dépenses professionnelles déduites de ses recettes, M. BERTIER ne peut utilement se référer au "taux de frais professionnnels" qui aurait été admis par le service pour les années antérieures ni au taux qui serait habituellement admis dans la profession ;
Considérant, en second lieu, que les "nomenclatures de frais" produites par le contribuable au cours de la procédure de fixation des bénéfices et au cours de la procédure devant le tribunal administratif ne sont pas accompagnées de pièces justificatives et comportent des postes de dépenses évalués forfaitairement ou dont le caractère de dépenses nécessaires à l'exercice de la profession n'est pas établi ; que, par suite, elles ne sont pas de nature à constituer la preuve de l'exagération des bases d'impositions ;
Sur les impositions des années 1979, 1980 et 1981 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que M. BERTIER, soumis au régime de la déclaration contrôlée à compter du 1er janvier 1979, a fait l'objet en 1982 d'une vérification de comptabilité portant sur ses revenus professionnels des années 1979, 1980 et 1981 ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'au cours de ce contrôle le vérificateur aurait réfusé d'engager avec le contribuable un débat oral et contradictoire ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. BERTIER a bénéficié de toutes les garanties attachées à la mise en oeuvre de la procédure de redressement contradictoire ; qu'en particulier, manquent en fait les moyens tirés de ce que la notification de redressement du 18 février 1983 n'aurait pas informé le contribuable qu'il avait la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour y répondre et de ce que l'administration, dans sa réponse en date du 4 mars 1983 aux observations présentées le 26 février par M. BERTIER, n'aurait pas informé ce dernier que la persistance d'un désaccord l'autorisait à demander la saisine de la commission départementale des impôts directs ;
En ce qui concerne le bien fondé des impositions :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur n'a remis en cause les recettes déclarées que pour un montant de 2 789 F en 1980, correspondant à la différence constatée entre les recettes comptabilisées taxe comprise et les recettes déclarées, et a réintégré dans les bénéfices imposables, à concurrence de 41 466 F en 1979, 57 089 F en 1980 et 41 089 F en 1981, diverses sommes qui avaient été passées en charges ;
Considérant que si M. BERTIER soutient que le rehaussement des recettes de l'année 1980 résulterait d'une confusion entre recettes professionnelles et recettes non professionnelles il n'apporte pas, à l'appui de cette critique, des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant que le vérificateur a réintégré dans le bénéfice de chacune des années 1979 et 1980 une somme de 15 000 F allouée à Mme BERTIER à titre de salaire au motif que les conditions auxquelles les dispositions de l'article 154 du code général des impôts subordonnent la déduction du salaire de l'épouse n'étaient pas remplies ; que, dans le dernier état de ses conclusions, M. BERTIER ne cherche plus à démontrer qu'il pouvait bénéficier des dispositions de cet article 154 ; que s'il soutient qu'il n'a en fait jamais pratiqué de déductions au titre du salaire de son épouse, il n'assortit ce moyen d'aucune indication tirée de sa comptabilité susceptible d'étayer la vraisemblance de ses affirmations ;
Considérant que M. BERTIER ne fournit aucune indication sur les bénéficiaires des rétrocessions d'honoraires qu'il a déduites de ses recettes des années 1979, 1980 et 1981 ; qu'en conséquence, il n'est pas fondé à critiquer leur réintégration dans le bénéfice imposable ;
Considérant, enfin, que, qu'elle qu'ait été la procédure d'imposition suivie par l'administration, il appartient à M. BERTIER de fournir des éléments propres à justifier que les dépenses qu'il a portées dans les charges déductibles étaient nécessitées par l'exercice de la profession conformément à l'article 93 du code général des impôts ; qu'il ne produit aucun élément de nature à démontrer que les dépenses non admises par le vérificateur, afférentes à l'achat d'un meuble, à des frais d'entretien d'un jardin, à des frais de voyages et de déplacements, à des frais de réprésentation et à des frais divers de gestion, avaient ce caractère ; qu'il ne démontre pas non plus que le vérificateur aurait fait une estimation insuffisante de la part des dépenses de construction, de réparation, d'entretien, de chauffage et d'éclairage de sa maison d'habitation qui peut être rattachée aux locaux professionnels installés dans cette maison et de la part des frais d'utilisation de son véhicule automobile qui peut être rattachée à l'exercice de la profession ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. BERTIER n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Article 1 - La requête de M. BERTIER est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à M. BERTIER et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.