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20/06/1990 | FRANCE | N°89NT00340

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 20 juin 1990, 89NT00340


Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. Alain LUCAS et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 mars 1988 sous le n° 96 162 ;
Vu la requête susmentionnée et le mémoire ampliatif enregistré le 24 mai 1988 présentés pour M. Alain LUCAS demeurant à VILLEDIEU LA X... (49) ... par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et enregistrés au gr

effe de la Cour sous le n° 89NT00340 ;
M. LUCAS demande que la Cour...

Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. Alain LUCAS et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 mars 1988 sous le n° 96 162 ;
Vu la requête susmentionnée et le mémoire ampliatif enregistré le 24 mai 1988 présentés pour M. Alain LUCAS demeurant à VILLEDIEU LA X... (49) ... par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 89NT00340 ;
M. LUCAS demande que la Cour :
1°) annule le jugement en date du 2 décembre 1987 par lequel le Tribunal administratif de NANTES a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1981 et 1982 ;
2°) prononce la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 8 juin 1990 :
- le rapport de M. LEMAI, conseiller,
- et les conclusions de M. GAYET, commissaire du gouvernement,

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les déficits fonciers déduits par M. LUCAS de son revenu global étaient constitués, à raison de 300 000 F en 1981 et de 63 490 F en 1982, du coût de travaux que le vérificateur a exclus des charges déductibles des revenus fonciers et, à raison de 6 000 F en 1981 et 55 949 F en 1982 de frais et intérêts d'emprunt dont le caractère déductible a été admis ; que M. LUCAS a contesté la réintégration dans son revenu imposable des années 1981 et 1982 de la totalité de ces déficits en faisant valoir, d'une part, qu'ils pouvaient être imputés sur le revenu global en application des dispositions de l'article 156 du code général des impôts relatives aux opérations groupées de restauration immobilière et, d'autre part, que les travaux en cause étaient au nombre de ceux dont la déduction est prévue par les dispositions de l'article 31 du même code ;
Considérant que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré des dispositions de l'article 156 qui n'était pas inopérant en ce qui concerne la partie des déficits imputables aux frais et intérêts d'emprunt qui n'avait pas été remise en cause ; que, par suite, M. LUCAS est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en la forme ; qu'ainsi, ce jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. LUCAS devant le tribunal administratif ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que M. LUCAS soutient que le vérificateur aurait irrégulièrement utilisé pour le redressement de ses revenus fonciers des éléments recueillis sur place au cours d'une vérification de comptabilité portant sur les bénéfices non commerciaux de sa profession de chirurgien dentiste ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a adressé le même jour à M. LUCAS un avis de vérification de comptabilité concernant ses bénéfices non commerciaux et un avis de vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble ; que ce dernier contrôle a été engagé à la suite de renseignements sur les opérations immobilières réalisées à TOURS par le contribuable qui avaient été communiqués aux services territorialement compétents par la direction des services fiscaux d'Indre et Loire ; que ces renseignements ont servi de base aux redressements de revenus fonciers qui ont été effectués selon la procédure contradictoire ;

Considérant que la circonstance que les relevés bancaires dont la production avait été demandée dans le cadre de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble aient été remis au vérificateur au cours du contrôle sur place effectuée dans le cadre de la vérification de comptabilité est sans incidence sur la régularité de la procédure de vérification approfondie ; que s'il est constant que M. LUCAS n'a fait l'objet d'aucune demande d'éclaircissements et de justifications, il n'est pas établi, ni même allégué, que le vérificateur aurait exigé, au cours de l'examen sur place de la comptabilité, d'autres documents, comptables ou autres, que ceux nécessaires au contrôle des bénéfices non commerciaux ; que la circonstance que le vérificateur qui n'était pas tenu d'organiser dans son bureau un débat oral et contradictoire avec le contribuable sur les résultats de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble ait informé M. LUCAS lors de sa visite sur place de son intention de procéder à un redressement des revenus fonciers est également sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'enfin, sur ce point, le requérant ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, d'une instruction administrative en date du 2 août 1982 commentant une décision du Conseil d'Etat qui ne comporte pas une interprétation formelle d'un texte fiscal ;
Sur la détermination des revenus fonciers :
Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : "I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien ... b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement" ; qu'il résulte de ces dispositions que les dépenses effectuées par un propriétaire et qui correspondent à des travaux entrepris dans son immeuble sont déductibles de son revenu sauf si elles correspondent à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; que doivent être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens des dispositions précitées, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans les locaux auparavant affectés à un autre usage, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction ; que doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants ;

Considérant que M. LUCAS a déduit de ses revenus fonciers les sommes qu'il a versées en 1981 et 1982 à la société qui a conduit, en qualité de maître d'ouvrage délégué, l'opération de restauration d'un ensemble immobilier dénommé cloître Saint-Martin compris dans le périmètre du secteur sauvegardé de TOURS et dans lequel il avait acquis un appartement en 1981 ; que ces versements, d'un montant de 149 066 F au titre des travaux réalisés dans les parties communes du bâtiment où est situé l'appartement et d'un montant de 214 424 F au titre des travaux réalisés dans les parties privatives de cet appartement ne sont justifiés que par les appels de fonds du maître d'ouvrage délégué qui se bornent à décomposer les sommes réclamées par corps de métier et par un "descriptif" des parties communes et des parties privatives après rénovation qui était remis à chaque acquéreur lors de la commercialisation des appartements ; que de telles justifications ne permettent, ni d'établir la consistance exacte des travaux réalisés tant au niveau des parties communes de chaque bâtiment qu'au niveau des parties privatives de chaque appartement, ni de les distinguer selon leur nature ; que, dans ces conditions, l'ensemble des travaux effectués sur le cloître Saint-Martin doivent être regardés comme procédant d'une opération indivisible ; qu'il résulte de l'instruction que les bâtiments du cloître Saint-Martin qui abritaient une maison de retraite et une communauté religieuse et comprenaient soixante quinze chambres, sept salles de séjour, neuf cuisines et quatre salles d'eau ont été transformés en soixante dix huit appartements dotés du confort moderne ; que cette opération a notamment entraîné la création de nouveaux locaux d'habitation dans des locaux auparavant affectés à un autre usage tels que des greniers ainsi que l'accroissement de la surface habitable ; qu'en outre, il ressort également des plans remis au contribuable lors de l'acquisition que la transformation de l'appartement de deux pièces objet de cette acquisition en un "duplex" avec mezzanine a comporté des modifications du gros oeuvre comme le percement de deux ouvertures dans un mur et la construction d'un escalier ; qu'il en résulte, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que les travaux litigieux ont revêtu pour leur totalité le caractère de travaux de reconstruction ou d'agrandissement ; qu'ainsi, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 31 qu'ils ont été exclus de la détermination des revenus fonciers de M. LUCAS ;
Sur la détermination du revenu global :

Considérant qu'aux termes de l'article L 313-3 du code de l'urbanisme, reprenant les dispositions de l'article 3 de la loi n° 62-903 du 4 août 1962, "les opérations de conservation, de restauration et de mise en valeur des secteurs sauvegardés sont réalisées conformément aux dispositions ci-après : ces opérations peuvent être décidées et exécutées soit dans les conditions fixées par les articles R 312-1 à R 312-3 relatifs à la rénovation urbaine, soit à l'initiative d'un ou plusieurs propriétaires groupés ou non en association syndicale ..." ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 76-1232 du 29 décembre 1976 : "Les déficits fonciers s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des cinq années suivantes ... - toutefois les dispositions fiscales actuelles continuent à s'appliquer aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions de la loi n° 62-903 du 4 août 1962" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'imputation du déficit foncier sur le revenu global est réservée, en ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application de la loi du 4 août 1962, aux seuls propriétaires qui, pour exécuter les travaux de restauration immobilire, ont été ou se sont placés dans le cadre d'une opération collective de rénovation comportant le groupement de plusieurs propriétaires ; que, dans le cas où elle n'est pas décidée par une collectivité publique, cette opération collective doit résulter de l'initiative du groupement des propriétaires ;
Considérant que si les travaux entrepris dans le cloître Saint-Martin sont conformes au plan permanent de sauvegarde du secteur et ont été réalisés dans le cadre d'une convention passée entre les acquéreurs des appartements regroupés en une association de co-propriétaires et une société chargée de la maîtrise d'ouvrage déléguée des travaux, il résulte de l'instruction que le programme de ces travaux, pour lesquels le permis de construire a été délivré au nom de la société de promotion immobilière qui avait initialement acquis l'immeuble puis a été transféré à l'association des co-propriétaires, ainsi que la désignation du maître d'ouvrage délégué ont été décidés avant la signature des actes de vente des appartements ; que, par suite, les travaux ne peuvent être regardés comme se rattachant à une opération groupée de restauration immobilière au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1976 ; qu'ainsi, c'est à bon droit que la partie non remise en cause des déficits fonciers déclarés par M. LUCAS relative aux frais et intérêts d'emprunt a été réintégrée dans le revenu imposable des années 1981 et 1982 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. LUCAS devant le tribunal administratif doit être rejetée ;
Article 1 - Le jugement du Tribunal administratif de NANTES en date du 2 décembre 1987 est annulé.
Article 2 - La demande présentée par M. LUCAS devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à M. LUCAS et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro d'arrêt : 89NT00340
Date de la décision : 20/06/1990
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - CHARGES DEDUCTIBLES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS FONCIERS ET PLUS-VALUES ASSIMILABLES - REVENUS FONCIERS.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - EFFET DEVOLUTIF ET EVOCATION - EVOCATION.


Références :

CGI 156, 31
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Code de l'urbanisme L313-3
Loi 62-903 du 04 août 1962 art. 3
Loi 76-1232 du 29 décembre 1976 art. 3


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: LEMAI
Rapporteur public ?: GAYET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1990-06-20;89nt00340 ?
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