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14/03/1990 | FRANCE | N°89NT01065

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 14 mars 1990, 89NT01065


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 22 mars 1989 et le 12 juin 1989 au greffe de la Cour, présentés par M. X... MAHE, demeurant ... ; M. Y... demande que la Cour :
1°) annule le jugement, en date du 26 janvier 1989, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979 à 1982 et de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1981 ;
2°) avant de statuer au fond, saisisse la Cour Inter

nationale de Justice et le Comité des Droits de l'Homme, afin que ces organ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 22 mars 1989 et le 12 juin 1989 au greffe de la Cour, présentés par M. X... MAHE, demeurant ... ; M. Y... demande que la Cour :
1°) annule le jugement, en date du 26 janvier 1989, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979 à 1982 et de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1981 ;
2°) avant de statuer au fond, saisisse la Cour Internationale de Justice et le Comité des Droits de l'Homme, afin que ces organismes se prononcent sur l'applicabilité du droit français en Bretagne et sur la reconnaissance possible d'une citoyenneté bretonne distincte de la citoyenneté française ;
3°) prononce la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été assorties ;
4°) décide que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, il sera sursis à l'exécution de l'article du rôle et de l'avis de mise en recouvrement contestés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'édit d'août 1532 enregistré au Parlement de Bretagne le 8 octobre 1532 et au Parlement de Paris le 18 novembre de la même année ; le décret de l'Assemblée nationale constituante en date des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789 ;
Vu la Convention européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 28 février 1990 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. GAYET, commissaire du gouvernement,

Sur les conclusions tendant à l'exonération de toute imposition établie sur la base des lois et règlements en vigueur en France :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du code civil : "les lois sont exécutoires dans tout le territoire français" ; que le département du Finistère, dans lequel résidait M. Y... à l'époque des impositions contestées, fait partie du territoire national ; que, par suite, le code général des impôts qui, sauf dispositions particulières, est exécutoire sur l'ensemble du territoire national, est applicable dans le département du Finistère ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 du décret de l'Assemblée nationale constituante des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789 : "une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l'union intime de toutes les parties de l'empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers des provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d'habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, sont abolis sans retour et demeureront confondus dans le "droit commun de tous les Français" ; que ce texte, en raison du caractère général et absolu de ses dispositions, doit être regardé comme ayant définitivement aboli les dispositions remontant à l'ancien régime dont se prévaut le requérant et qui auraient prévu le consentement à l'impôt des "Etats de Bretagne" ;
Sur les conclusions tendant à la saisine de la Cour Internationale de Justice du Comité des Droits de l'Homme :
Considérant que si aux termes de l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal Officiel par décret du 3 mai 1974 : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit sur le bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle", le juge de l'impôt ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 6-1 de la convention européenne sus-visée ne sont pas applicables aux procédures relatives aux taxations fiscales ;
Considérant, en outre, qu'en l'absence de toute voie de droit organisée à cet effet, il n'appartient pas à la juridiction administrative de soumettre à la Cour Internationale de Justice et au Comité des Droits de l'Homme la question de savoir quelle est la nature de l'acte conclu en 1532 entre le royaume de France et la Bretagne et quelles sont les conditions d'applicabilité de celui-ci sur le territoire national ;
Sur les conclusions relatives aux impositions à l'impôt sur le revenu :
Sur l'application de la loi fiscale :

Considérant que l'établissement d'enseignement privé que M. Y... dirigeait à Quimper fournissait des prestations de service moyennant une rémunération déterminée que le requérant encaissait directement des élèves ; qu'il est constant qu'au cours des années sur lesquelles portent les impositions litigieuses M. Y..., s'il a bien exercé personnellement des activités pédagogiques, a utilisé les services de nombreux collaborateurs qui assumaient une partie importante des tâches d'enseignement ; que la gestion de son établissement le conduisait également à utiliser du matériel et à recourir à des méthodes publicitaires ; que, dans ces conditions, M. Y... ne pratiquait pas à titre principal des activités d'enseignement, mais exerçait ses capacités de gestionnaire en vue d'organiser et de diriger le travail d'autrui ; qu'au regard de la loi fiscale les profits ainsi dégagés devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices commerciaux ; que, dès lors, c'est à tort que l'Administration a regardé le requérant comme se livrant à une activité libérale relevant de la catégorie des bénéfices non-commerciaux ;
Considérant que, ne pouvant renoncer au bénéfice de la loi fiscale, l'Administration est en droit d'invoquer à tout moment de la procédure tous moyens de nature à faire reconnaître le bien-fondé des impositions contestées, y compris des moyens fondés sur une nouvelle qualification juridique des faits ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les profits réalisés par M. Y... à l'occasion des activités de son établissement d'enseignement privé étaient imposables dans la catégorie des bénéfices commerciaux ; que le Ministre est, par suite, fondé à demander en défense, à titre subsidiaire, le maintien, sur ce fondement, des impositions contestées, dans la limite des sommes réclamées à M. Y..., à raison des redressements dont il s'agit ;
Sur le montant des impositions :
Considérant que M. Y... a souscrit, hors des délais prévus par l'article 175 du code général des impôts, les déclarations des bénéfices qu'il a réalisés en 1979 et 1980 ; qu'il n'a souscrit aucune déclaration relative aux années 1981 et 1982 ; que, malgré plusieurs mises en demeure, le requérant n'a déposé aucune déclaration de son revenu global pour les années 1980 et 1981 ; qu'en application des dispositions des articles L. 73-1 et L. 66-1 du livre des procédures fiscales, les impositions mises à sa charge ont fait l'objet à bon droit d'évaluations et de taxations d'office par l'administration ; qu'en conséquence, conformément aux dispositions de l'article L. 193 du même livre, il appartient à M. Y... d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition ainsi déterminées ;

Considérant qu'aux termes de l'article 238 du code général des impôts : "les personnes physiques et les personnes morales qui n'ont pas déclaré les versements faits à des tiers visés à l'article 240-1, premier alinéa, perdent le droit de les porter dans leurs frais professionnels pour l'établissement de leurs propres impositions. Toutefois, cette sanction n'est pas applicable, en cas de première infraction, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite" ; que, faute d'avoir déclaré dans l'état spécial prévu à cet effet les honoraires qu'il avait versés à ses collaborateurs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de les déduire des bénéfices imposables ;
Considérant que M. Y..., s'il ne conteste pas le montant des recettes qu'il a encaissées au cours des années 1979 à 1982 inclue, prétend que ses bénéfices auraient dû être déterminés en faisant état non pas des encaissements, mais des créances acquises et qu'il n'aurait réalisé aucun bénéfice au cours de la période vérifiée ; que, toutefois, sa comptabilité était incomplète et avait été en partie reconstituée postérieurement aux opérations de contrôle ; qu'ainsi, en y faisant référence pour établir le montant de ses résultats et de son chiffre d'affaires, le requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu et de l'emprunt obligatoire de 10 % qui en était le complément légal ;
Considérant, en outre, que le fait que le Tribunal administratif de Rennes n'ait pas jugé que c'est à tort que l'administration avait écarté la comptabilité de M. Y... ne saurait constituer un moyen de détournement de pouvoir recevable à l'encontre de la décision juridictionnelle attaquée ;
Sur la déduction en cascade des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 77 alinéas 1 et 3 du livre des procédures fiscales : "En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les contribuables peuvent demander que le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et de taxes assimilées afférent aux opérations d'un exercice donné soit déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice ... Les demandes que les contribuables peuvent présenter au titre du présent article doivent être faites avant l'établissement des cotisations d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés résultant de la vérification" ; que la demande de M. Y... tendant à obtenir le bénéfice de ces dispositions ayant été formulée postérieurement à la mise en recouvrement des impositions contestées, ses conclusions sur ce point doivent être rejetées ;
Sur les conclusions relatives aux droits de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que, par une réclamation adressée au directeur des services fiscaux le 28 mai 1984, M. Y... a contesté le bien-fondé des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour les années 1979, 1980 et 1981 ; que si le silence gardé pendant plus de six mois par l'administration sur cette réclamation lui permettait de porter à tout moment le litige devant le tribunal administratif, il s'est abstenu d'utiliser cette possibilité ; qu'au contraire, une décision explicite de rejet avait pour effet, en vertu des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, de rouvrir un délai de recours de deux mois ; que, suite à la décision de rejet notifiée au requérant le 21 novembre 1985, et dont il a accusé réception, ce délai, en l'espèce, expirait le 21 janvier 1986 ; que la demande en décharge de M. Y..., contenue dans un mémoire en réplique enregistré le 8 août 1986 au greffe du Tribunal administratif de Rennes, a été présentée tardivement ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déclarée irrecevable ;
Sur les pénalités :
Considérant que, par une décision en date du 30 août 1989, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du département du Finistère a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 17 460 F, des majorations d'impositions sur le revenu mises à la charge de M. Y... au titre des années 1980, 1981 et 1982 ; que les conclusions de la requête de M. Y... relative à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Considérant qu'eu égard à sa qualité de directeur d'un établissement de gestion d'entreprise, M. Y... ne pouvait ou ne devait ignorer les obligations comptables et fiscales auxquelles il était assujetti ; qu'il a souscrit des déclarations après l'expiration des délais prévus à cet effet, ou n'a pas souscrit de déclaration malgré les mises en demeure qui lui ont été adressées ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que sa négligence était, dans les circonstances de l'espèce, exclusive de toute bonne foi et que l'application des pénalités prévues par la loi se trouvait, dans ces conditions, légalement justifiée ;
Considérant que, pour le surplus, il ressort de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par un jugement en date du 26 janvier 1989, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Article 1 - A concurrence de la somme de 17 460 F, en ce qui concerne les majorations d'impôt sur le revenu auxquelles M. Y... a été légalement assujetti au titre des années 1980, 1981 et 1982, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 - Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro d'arrêt : 89NT01065
Date de la décision : 14/03/1990
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - TEXTE APPLICABLE (DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES.


Références :

Acte 1532 France Bretagne
CGI 175, 238
CGI Livre des procédures fiscales L73-1, L66-1,, R199-1, L77 (al. 1, al. 3)
Code civil 1
Convention européenne du 04 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6-1
Décret du 04 août 1789 Assemblée Nationale constituante
Décret du 06 août 1789 Assemblée Nationale constituante
Décret du 07 août 1789 Assemblée Nationale constituante
Décret du 08 août 1789 Assemblée Nationale constituante
Décret du 11 août 1789 Assemblée Nationale constituante
Décret 74-360 du 03 mai 1974
Loi 73-1227 du 31 décembre 1973


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: ISAIA
Rapporteur public ?: GAYET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1990-03-14;89nt01065 ?
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