Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier du recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET et enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 novembre 1987 sous le n° 92877 ;
Vu le recours susmentionné présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, enregistré au greffe de la Cour, le 2 janvier 1989 sous le n° 89NT00096 et tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement en date du 24 juillet 1987 par lequel le tribunal administratif de ROUEN a accordé à M. Roger X... décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 1973 et 1974,
2°) remette intégralement les impositions contestées à la charge de M. X...,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-7O7 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 15 novembre 1989 :
- le rapport de M. JEGO, président rapporteur,
- et les conclusions de M. GAYET, commissaire du gouvernement,
Sur l'irrégularité de la procédure de vérification :
Considérant que la circonstance que l'administration aurait commis, ainsi que le soutient M. X..., des irrégularités lors de la consultation des documents détenus par Melle X... assujettie personnellement à l'impôt sur le revenu est sans influence sur la régularité de la procédure suivie à l'encontre du requérant, dès lors qu'il résulte de l'instruction que les redressements notifiés à M. X... n'ont pas pour origine les recherches effectuées dans les comptes bancaires de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré par le ministre de la tardiveté du moyen invoqué par M. X... et retenu par le tribunal administratif, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ROUEN s'est fondé sur l'irrégularité de la procédure de vérification dont M. X... était l'objet pour lui accorder la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu établies à son nom au titre des années 1973 et 1974 et de la majoration exceptionnelle de l'impôt dû au titre de l'année 1973 ainsi que des cotisations de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1974 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif ;
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de vérification :
Considérant que M. X... qui exerce la profession de graveur a fait l'objet d'une vérification ; que si l'avis qui lui a été adressé le 20 janvier 1976 et qui lui indiquait qu'il pouvait se faire assister d'un conseil de son choix ne faisait pas mention des années soumises à vérification, cette circonstance est sans influence sur la régularité du contrôle opéré dès lors qu'antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 4 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait à l'administration, à peine de nullité des opérations de vérification, de préciser tant la nature que la période et les impôts soumis à vérification ; que, par suite, le moyen invoqué par M. X... est inopérant ;
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'évaluation et de rectification d'office :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a lui-même évalué, dans les pièces jointes au dossier, à 612 208 F le chiffre d'affaires qu'il a réalisé au cours de l'année 1972, qu'il était, par suite, assujetti pour l'année 1973 au régime réel simplifié ; que, faute d'avoir souscrit les déclarations de chiffre d'affaires et de bénéfice qui lui incombaient, l'administration était fondée à recourir en ce qui concerne l'année 1973 à une procédure de taxation et d'évaluation d'office ; que M. X... a également reconnu que certains chèques émanant de ses clients n'avaient pas été enregistrés en comptabilité ; que les prélèvements qu'il avait ainsi opérés s'élevaient à 100 589 F pour l'année 1973 et à 101 669 F pour l'année 1974 ; que ces omissions de produits sont, à elles seules, de nature à priver la comptabilité tenue par M. X... de toute valeur probante ; que l'administration était, de ce fait, fondée à procéder, par voie de taxation, d'évaluation et de rectification d'office, à la détermination du montant du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés par M. X... au cours des années 1973 et 1974 ;
Sur le moyen tiré d'une exagération des bases d'imposition :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 193 du livre des procédures fiscales, il appartient au contribuable dont les bases d'imposition ont fait l'objet d'une procédure de taxation ou de rectification d'office d'apporter la preuve du caractère exagéré de celle-ci ;
Considérant que l'administration a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires, et, par voie de conséquences, du bénéfice en prenant en compte les encaissements relevés dans les comptes bancaires de M. X..., la variation du compte clients au 31 décembre 1974, les dépenses en espèces non couvertes par les recettes, et une évaluation modérée des prélèvements opérés par l'intéressé pour faire face aux nécessités de la vie courante ; que de ces recettes ont été déduits les virements internes et les sommes réglées ou dues aux fournisseurs ; que cette méthode n'est nullement sommaire ni entachée d'incohérence dans son principe ou sa mise en oeuvre ; que le requérant n'apporte pas la preuve par une démonstration chiffrée du caractère exagéré de la reconstitution opérée comme indiquée ci-dessus ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à demander une réduction du montant des chiffres d'affaires fixés à 722 531 F et 923 362 F, et des bénéfices évalués à 131 384 F et 214 409 F pour les années 1973 et 1974 ; que, dans ces conditions, sa demande tendant à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée ne saurait être accueillie ;
Sur le moyen tiré d'une demande de compensation :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 203 à L. 205 du livre des procédures fiscales, la compensation entre des impôts régulièrement mis à la charge d'un contribuable et ceux qui ne l'auraient pas été ne peut être opérée qu'à l'égard d'impositions concernant une même année ou une même période ; que la demande présentée par M. X... ne concerne pas les années 1973 et 1974 ; qu'ainsi, et en tout état de cause, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur le moyen tiré de l'absence de cascade :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les bénéfices imposables de M. X... ont été calculés après déduction des taxes sur la valeur ajoutée dont il a été rendu redevable ; que la demande présentée par M. X... est, dès lors, sans objet et doit être rejetée ;
Sur le moyen tiré d'un quotient familial de 2,5 parts au lieu de 2 :
Considérant que M. X..., qui n'avait pas inclus dans les personnes à sa charge son fils Hervé, établit que celui-ci était effectivement à sa charge au cours des années 1973 et 1974 ; que, par suite, le requérant est fondé à demander à ce titre une réduction des impositions dont il a été rendu débiteur et dont le montant doit être réduit avant application de pénalités à 27 788 F pour l'année 1973, à 3 179 F en ce qui concerne la majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu de l'année 1973 , à 45 556 F pour l'année 1974 ;
Sur les pénalités :
Considérant que, dans ses réclamations au directeur des services fiscaux, M. X... a contesté le bien-fondé des avis de recouvrement et des impositions dont il a été rendu débiteur et fait expréssement mention des pénalités qu'ils comportaient ; qu'ainsi ses conclusions visaient également les pénalités mises à sa charge ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 93 de la loi du 30 décembre 1988, un contribuable peut faire valoir devant la Cour administrative d'appel tout moyen nouveau dans la limite du dégrèvement sollicité ; que, dans le mémoire qu'il a présenté postérieurement au 1er janvier 1987, M. X... soutient, à l'appui de ses conclusions, qu'il n'a commis aucune manoeuvre frauduleuse et que, par suite, les impositions mises à sa charge ne pouvaient être assorties de pénalités calculées aux taux de 200 % et 100 % ;
Considérant que les redressements opérés reposent pour l'essentiel sur l'encaissement sur les comptes privés de sommes versées par des clients et sur l'absence de prélèvements en espèces pour faire face aux dépenses de la vie courante ; que ces dissimulations de recettes, pour volontaires qu'elles aient été, ne constituent cependant pas de manoeuvres destinées à égarer un contrôle des déclarations souscrites par M. X... qui ne saurait être regardé cependant comme ayant agi de bonne foi ; qu'il y a lieu, par suite, de substituer aux pénalités appliquées celles prévues aux articles 1729 et 1731 du code général des impôts en l'absence de manoeuvre frauduleuse ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE CHARGE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ROUEN a prononcé la décharge des impositions contestées ; qu'il y a lieu de remettre à la charge de M. X... ces impositions diminuées, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, par l'application d'un quotient familial de 2,5 au lieu de 2, et assorties de pénalités applicables en l'absence de bonne foi au lieu de celles appliquées en cas de manoeuvres frauduleuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner le remboursement des frais qui auraient été exposés en cours d'instance ;
Article 1er - Le jugement en date du 24 juillet 1987 du tribunal administratif de ROUEN est annulé.
Article 2 - L'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti par voie de rôle supplémentaire est remis à sa charge à concurrence, avant application de pénalités, de :
- 27 788 F pour l'année 1973, - 3 179 F pour la majoration exceptionnelle de l'impôt dû au titre de l'année 1973, - 45 556 F pour l'année 1974.
Article 3 - Les cotisations de taxe sur la valeur ajoutée mises en recouvrement le 18 mai 1976 et s'élevant à 14 786 F pour l'année 1973 et 23 020,70 F pour l'année 1974 sont intégralement remises à la charge de M. X....
Article 4 - Les pénalités dues en l'absence de bonne foi sont substituées aux majorations dues en cas de manoeuvres frauduleuses appliquées aux impositions et cotisations mises à la charge de M. X....
Article 5 - Le surplus des conclusions de la demande de M. X... ainsi que le surplus des conclusions du recours du ministre sont rejetés.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET et à M. X....