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06/09/1989 | FRANCE | N°89NT00023;89NT00248

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 06 septembre 1989, 89NT00023 et 89NT00248


I°) VU la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 2 janvier 1989, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988, la requête présentée par l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE contre le jugement du Tribunal administratif de Caen du 13 août 1985 et enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 16 décembre 1985

, sous le n° 74145 ;
VU la requête susmentionnée et le mémoire...

I°) VU la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 2 janvier 1989, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988, la requête présentée par l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE contre le jugement du Tribunal administratif de Caen du 13 août 1985 et enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 16 décembre 1985, sous le n° 74145 ;
VU la requête susmentionnée et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 2 janvier 1989, sous le n° 89NTOOO23 présentés pour l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE dont le siège est à Alençon (Orne), ..., représenté par son président en exercice, par la société civile professionnelle "Jean MARTIN MARTINIERE - Pierre B...", avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et tendant à ce que la Cour :
1 - à titre principal :
- réforme le jugement en date du 13 août 1985, par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné solidairement les héritiers de M. Y..., architecte, le bureau d'étude "BECI", les entreprises Z... et A... et les sociétés DUCRE et LE CONFORT à lui verser une somme totale de 2.9O1.946 F, majorée des intérêts au taux légal dans la limite d'une somme de 2.871.946 F TTC et des intérêts capitalisés, en réparation des désordres survenus dans le réseau d'eau chaude sanitaire d'un ensemble immobilier de 482 logements édifié dans l'îlot n° 2 de la Z.U.P. de Flers (Orne) ;
- déclare les sociétés "SONEX", "SECMA" et "Electrolyse GILCAM" solidairement responsables, avec les autres constructeurs sus-désignés, des dommages qui lui ont été causés ;
- rehausse l'indemnisation qui lui a été allouée ;
2 - subsidiairement :
- ordonner un complément d'expertise, en vue de déterminer avec plus de précisions le préjudice subi par l'office ;
II°) VU la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 2 janvier 1989, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988, la requête présentée par la société anonyme "BECI" contre le jugement du Tribunal administratif de Caen du 13 août 1985, et enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 5 décembre 1985, sous le n° 73877 ;
VU la requête susmentionnée et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 2 janvier 1989, sous le n° 89NTOO248, présentés pour la société anonyme "BECI", dont le siège est à Rueil-Malmaison (Hauts de Seine) ..., représentée par son président directeur général en exercice, par la société civile professionnelle "Paul
LEMAITRE - Alain MONOD", avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 13 août 1985, en ce qu'il a condamné la société requérante, solidairement avec les héritiers de M. Y..., architecte, les entreprises Z... et A... et les sociétés DUCRE et LE CONFORT à verser à l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE, la somme totale de 2.9O1.946 F, majorée des intérêts au taux légal dans la limite d'une somme de 2.871.946 F TTC et des intérêts capitalisés, en réparation des désordres survenus dans le réseau d'eau chaude sanitaire d'un ensemble immobilier de 482 logements édifié dans l'îlot n° 2 de la Z.U.P. de Flers (Orne) ;
2°) rejette le recours de l'office ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU les articles 1792 et 227O du code civil ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-7O7 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 11 juillet 1989 ;
- le rapport de M. DUPUY, conseiller,
- les observations de Me MARTIN MARTINIERE, avocat de l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE,
- les observations de Me MONOD, avocat de la société "BECI",
- les observations de Me LE BRET DE C... se substituant à Me ODENT, avocat de la société DUCRE, de M. A..., de M. Z...,
- et les conclusions de M. MARCHAND, commissaire du gouvernement,

Considérant que les requêtes n° 89NTOOO23 de l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE et n° 89NTOO248 de la société anonyme "BECI" sont relatives à un même litige ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE a fait édifier, au cours des années 1969 à 1972, un ensemble immobilier de 482 logements répartis en 24 bâtiments dans le cadre de l'aménagement de l'îlot n° 2 de la Z.U.P. de Flers (Orne) ; que la réalisation des réseaux d'eau chaude sanitaire et de chauffage central a été confiée, en ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre, à M. Pierre Y..., architecte d'opération, par contrat du 25 mars 1968, et à la société "BECI", en qualité de bureau d'études techniques, par contrat du 25 mars 1968 et, en ce qui concerne la construction des installations, aux entreprises "DUCRE", "Z..." et "LE CONFORT", par contrats des 26 juin et 17 juillet 1968 ; qu'à la suite de la défaillance de l'entreprise "LE CONFORT", déclarée en état de règlement judiciaire, l'entreprise "A..." lui a été substituée en cours de travaux ; qu'en outre, par contrat du 17 juin 1971, les sociétés "SONEX" et "SECMA" ont été chargées, conjointement, de l'entretien et de l'exploitation des installations ; qu'enfin, la société "Electrolyse GILCAM" s'est vue confier la mise en place d'un traitement anti-corrosion des ballons de stockage et des circuits de distribution d'eau chaude par un contrat d'entretien du 22 septembre 1975, renouvelé le 17 janvier 1978 ;

Considérant qu'à la suite d'une demande de l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE, tendant à obtenir, sur les fondements contractuel et de la garantie décennale, la réparation du préjudice résultant, pour lui, des détériorations survenues dans les réseaux d'eau chaude sanitaire et de chauffage central de cet ensemble immobilier, le Tribunal administratif de Caen a, par jugement du 13 août 1985, d'une part, ordonné une expertise complémentaire en vue de déterminer la cause des désordres affectant le réseau de chauffage central, d'autre part, en ce qui concerne le réseau d'eau chaude sanitaire, condamné conjointement et solidairement, sur le terrain de la garantie décennale, les héritiers de M. Y..., architecte, le bureau d'études "BECI", les entreprises "Z..." et "A..." et les sociétés "DUCRE" et "LE CONFORT" à verser à l'office une somme de 2.871.946 F TTC, au titre de la réfection des désordres litigieux, majorée des intérêts légaux à compter du 2O décembre 198O, avec capitalisation des intérêts échus le 4 mars 1985, ainsi qu'une somme de 3O.OOO F à titre de dommages et intérêts ; que, toutefois, il a rejeté les conclusions tendant à obtenir la condamnation des sociétés "SONEX", "SECMA" et "Electrolyse GILCAM" à raison de manquements à leurs obligations contractuelles ; qu'il est interjeté appel de ce jugement en tant, seulement, qu'il concerne le réseau d'eau chaude sanitaire, d'une part, par l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE pour demander, sur le fondement contractuel, que la responsabilité des désordres soit étendue aux sociétés "SONEX", "SECMA" et "Electrolyse GILCAM" et obtenir que le montant de la condamnation solidaire des constructeurs, à raison desdits désordres, soit porté à la somme de 3.124.687 F TTC, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts échus à la date du 24 novembre 1987, d'autre part, par la société "BECI" pour contester la condamnation conjointe et solidaire dont elle a été l'objet avec les autres constructeurs sur le terrain de la garantie décennale et demander sa mise hors de cause ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que dans son mémoire en défense enregistré le 19 octobre 1984 au greffe du Tribunal administratif de Caen, la société "BECI" avait soutenu que l'origine des désordres était due à la modification de la composition de l'eau au cours des années 1975 et 1976 et que l'action en garantie décennale présentée par l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE était tardive en ce qui concerne, notamment, le bâtiment V9 ; que si le tribunal doit être regardé comme ayant répondu à ce premier moyen en faisant état, dans le jugement attaqué, des " ... qualités agressives de l'eau de la région de Flers inchangées depuis le début des travaux ...", il résulte de l'examen de ce même jugement qu'il a omis de répondre au second moyen tiré de la prescription partielle de l'action en garantie décennale ; que, dès lors, la société "BECI" et les entreprises "DUCRE", "Z..." et "A..." sont fondées à soutenir, respectivement, dans leur appel principal et leur appel incident, que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur la responsabilité et fixé la réparation des désordres affectant le réseau d'eau chaude sanitaire est entaché d'irrégularité ; qu'il suit de là que ses articles 1, 2 et 3 doivent être annulés pour ce motif ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer dans cette limite et de statuer sur cette partie de la demande présentée devant le tribunal administratif par l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE ;
En ce qui concerne les conclusions présentées sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs :
Sur la recevabilité de l'action en garantie décennale en ce qui concerne les bâtiments U1, V8 et V9 :
Considérant qu'il résulte de l'article 7.4 du cahier des prescriptions communes applicables aux marchés de travaux de bâtiment, auquel renvoie l'article 2.1.4. du cahier des prescriptions spéciales des marchés passés par l'office, que les actions en garantie décennale courent à partir de la date de la réception provisoire des travaux ; qu'il résulte des pièces versées au dossier que la réception provisoire des travaux effectués par les entreprises chargées du lot "plomberie" est intervenue pour le bâtiment U1 le 2O juin 197O, pour le bâtiment V8 le 25 juillet 197O et pour le bâtiment V9 le 27 janvier 1971 ; que si, ce délai était expiré à l'égard des deux premiers bâtiments lorsque, le 26 septembre 198O, l'office a présenté sa requête devant le Tribunal administratif de Caen, il ne l'était pas vis-à-vis du bâtiment V9 ; que la circonstance que des sous-stations de distribution des fluides chauds desservant les deux premiers bâtiments auraient fait l'objet d'une réception postérieure et distincte est sans influence sur la tardiveté de l'action en garantie décennale relative à ces mêmes bâtiments ; qu'il suit de ce qui précède que la société "BECI" et les entreprises "DUCRE", "LERICHEUX" et "MUNZINGER" sont fondées à soutenir que l'action en garantie décennale formée contre elles par l'office était tardive à l'égard des seuls bâtiments U1 et V8 ;
Sur le principe de la garantie décennale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et, notamment, du rapport d'expertise établi en exécution d'ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Caen, que le réseau d'eau chaude sanitaire équipant l'ensemble immobilier que l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE a fait construire dans la Z.U.P. de Flers présente des manifestations d'antartrage et de corrosion à ce point avancé et généralisé qu'elles nécessitent son remplacement ; que de tels désordres rendent ces immeubles impropres à leur destination et sont, alors même que certaines canalisations du réseau ne présenteraient pas le caractère de gros ouvrages au sens de la loi du 3 janvier 1967, de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 227O du code civil ;
Sur la responsabilité des constructeurs :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise, que les désordres qui affectent le réseau d'eau chaude sanitaire, sont la conséquence de deux phénomènes, l'un, d'aération différentielle dû à une teneur élevée en oxygène dissous et à l'absence d'équipements de dégazage efficaces, l'autre, de couple fer-cuivre qui résulte de l'association qui a été faite de fer noir, de fer galvanisé et de cuivre pour la réalisation des canalisations de ce réseau ;
Considérant, d'une part, que ces phénomènes n'ont pu se manifester qu'en raison des propriétés corrosives de l'eau bien connues dans la région de Flers et dont il n'est pas utilement contesté qu'elles caractérisaient celle destinée à être utilisée dans le réseau, dès avant le commencement des travaux ; que, dès lors, même si les sources d'approvisionnement de l'eau utilisée ont pu être modifiées par la suite, les désordres relevés doivent être attribués à des vices de conception du réseau, lequel aurait du être conçu à l'aide de matériaux propres à résister aux effets de la corrosion et équipé de dispositifs spécifiques de dégazage, de désembouage, de traitement et de contrôle ; qu'à ce titre, et nonobstant la circonstance que la conception de l'installation n'aurait pas contrevenu aux prescriptions des "documents techniques unifiés" (D.T.U.) applicables, ces désordres engagent la responsabilité de l'architecte, M. Y..., en sa qualité de maître d'oeuvre et du bureau d'études "BECI" chargé auprès de cet homme de l'art d'une mission d'assistance technique "sous la responsabilité et l'autorité" de ce dernier en exécution d'un contrat du 25 mars 1968 passé avec l'office et qui rendait celui-ci fondé à diriger son action en garantie décennale également contre ce constructeur ; qu'en raison de la maîtrise totale qu'ils avaient sur l'opération au double plan de sa conception et de son exécution, leur responsabilité ne saurait être réduite pour tenir compte de missions confiées par le maître d'ouvrage à d'autres organismes spécialisés dans le domaine de l'eau et dont il leur appartenait, au besoin, d'exploiter les conclusions afin d'en tirer les enseignements utiles en faveur du projet qu'ils avaient seuls en charge ;

Considérant, d'autre part, que les désordres dont il s'agit sont également imputables aux entreprises "DUCRE", "Z...", "LE CONFORT" et "A...", qui ont négligé de signaler les risques encourus par une installation ainsi conçue alors, pourtant, que leur spécialité le leur permettait et, ne se sont pas conformées aux prescriptions du descriptif du lot n° 7 "plomberie" en installant des colonnes montantes d'un diamètre de 1O/12 mm alors que ce document contractuel exigeait une dimension de 2O mm ;
Considérant, enfin, que la méconnaissance par les entrepreneurs, de leurs obligations et des règles de l'art, a été rendu possible par un manquement caractérisé à son rôle de coordination, de direction et de surveillance des travaux de l'architecte qui, notamment, n'a pas favorisé une concertation suffisante entre les entreprises ni exercé sur leurs prestations le contrôle attentif et assidu que sa mission lui assignait ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maître de l'ouvrage ait commis une faute de nature à venir atténuer la responsabilité commune des constructeurs ; que, notamment, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir émis de réserve sur l'insuffisance du diamètre des canalisations de retour lors de la réception des travaux, une telle anomalie ayant pu ne pas lui apparaître à défaut d'avoir été relevée par l'architecte ;
Considérant que cette imputabilité commune des désordres litigieux à M. Y..., architecte, et au bureau d'études "BECI" ainsi qu'aux entreprises "DUCRE", "Z...", "LE CONFORT" et "A..." justifie que la responsabilité des uns et des autres soit solidairement engagée envers l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas établi que la responsabilité de M. X..., puisse être engagée tant à titre personnel qu'en sa qualité d'ancien gérant de la société "LE CONFORT" ;
En ce qui concerne les conclusions présentées sur le fondement contractuel :
Sur la responsabilité des sociétés "SONEX" et "SECMA" :

Considérant que par un contrat du 17 février 1971, l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE a concédé aux sociétés "SONEX" et "SECMA", agissant de manière conjointe et solidaire, l'entretien et l'exploitation des installations secondaires du réseau d'eau chaude sanitaire de son ensemble immobilier de Flers ; que si l'application des clauses de l'article 6 de ce contrat obligeait ces sociétés à faire toutes remarques et réserves sur la conception et l'exécution des installations dans le délai d'un an à partir de leur prise en charge et, passé cette période, d'assumer toutes les responsabilités prévues à l'article 5 de ce même contrat, il résulte de l'instruction que les détériorations litigieuses n'étaient ni d'origine accidentelle, ni dues à l'usure normale des appareils, seules causes permettant la mise en oeuvre de la garantie totale du concessionnaire en application dudit article 5 ; que, dans ces conditions, l'office, qui ne saurait en tout état de cause se prévaloir d'éventuels manquements aux clauses d'un contrat de maintenance pour obtenir des sociétés chargées de l'exécution de ce contrat la réparation de désordres relevant de la garantie décennale des architectes et entrepreneurs, n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité contractuelle desdites sociétés serait engagée en l'espèce ;
Sur la responsabilité de la société "Electrolyse GILCAM" :
Considérant que si la société "Electrolyse GILCAM" s'est engagée envers l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE, aux termes d'un contrat d'entretien du 22 septembre 1975 renouvelé le 17 janvier 1978, à protéger les installations de stockage et de distribution d'eau chaude "contre toutes corrosions ou incrustations calcaires", un tel engagement ne pouvait avoir pour objet et n'a pas pu avoir pour effet de mettre à la charge de cette société l'obligation de remédier à des manifestations d'antartrage et de corrosion généralisées résultant de vices de conception et d'exécution du réseau d'eau chaude sanitaire relevant de la garantie décennale des constructeurs de ce réseau ; que, dès lors, et bien que cette société ait fait preuve d'imprudence en prenant un engagement qui devait s'avérer impossible à tenir, l'office n'est pas fondé à soutenir que sa responsabilité contractuelle serait engagée à raison des désordres ci-dessus ;
Considérant, en outre, qu'il n'est pas établi que la société "Electrolyse GILCAM" aurait en quoi que ce soit, par son attitude, été à l'origine d'une aggravation des désordres causés au réseau d'eau chaude sanitaire ;
En ce qui concerne les indemnités dues à l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise, que le remplacement du réseau d'eau chaude sanitaire, rendu nécessaire par la gravité et la généralisation des désordres, représentait un coût de 2.62O.O69 F HT à la date de mars 1981 où l'a évalué l'expert ; qu'il sera raisonnablement tenu compte de la partie du réseau alimentant les bâtiments U1 et V8, non compris dans le champ de la garantie décennale, en appliquant à cette somme une réduction de 8 %, proportionnelle au nombre des logements de ces bâtiments par rapport au nombre total des logements du programme ; qu'ainsi, ladite somme doit être ramenée à 2.41O.465 F HT soit, 2.858.811 F TTC ; qu'eu égard au délai de trois ans seulement séparant l'achèvement de l'ensemble immobilier en 1972 de la survenance des désordres en 1975, il n'y a pas lieu d'appliquer à cette somme un abattement pour vétusté ;
Considérant, en outre, que l'office a demandé que le coût des travaux de réfection du réseau soit actualisé en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction "entre novembre 1981 et la date du jugement à intervenir" ; que l'évaluation des dommages subis par l'office requérant du fait des désordres affectant le réseau d'eau chaude sanitaire doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; que la date à retenir en l'espèce doit être celle du 9 septembre 1982, à laquelle l'expert désigné par le tribunal a déposé son rapport qui définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires ; que si l'office fait valoir en appel qu'il aurait été dans l'impossibilité de financer, à l'époque, ces travaux sur ses fonds libres ou par voie d'emprunt, il ne justifie pas, par l'attestation qu'il produit, avoir fait les diligences requises pour se procurer, le cas échéant par cette dernière voie, les fonds nécessaires et s'être, à cette occasion, heurté à des difficultés insurmontables ; qu'il suit de là que l'office est fondé à demander que la somme précitée de 2.858.811 F TTC soit réévaluée compte tenu de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction entre novembre 1981 et septembre 1982 ;
Considérant enfin que l'office est en droit d'obtenir, comme il le demande, que cette dernière somme soit augmentée du coût des honoraires de maîtrise d'oeuvre, évalués à 17O.945 F HT soit, 2O2.741 F TTC, et actualisés suivant les mêmes conditions qu'indiqué ci-dessus, ainsi que du montant des frais avancés par lui sur les travaux de laboratoire s'établissant à 1O.268 F, soit 12.177 F TTC ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE est fondé à demander que les héritiers de M. Y..., architecte, le bureau d'études "BECI" et les entreprises "DUCRE", "Z...", "A..." et "LE CONFORT", cette dernière nonobstant la double circonstance de sa liquidation judiciaire et de sa radiation du registre du commerce, soient condamnés, solidairement, à lui verser la somme de 3.O73.729 F TTC, réévaluée comme indiqué plus haut à concurrence d'un montant de 3.O61.552 F TTC et ce, dans la limite d'une indemnisation totale de 3.124.687 F TTC correspondant au montant de sa demande ;
Sur les appels en garantie :

Considérant que les conclusions d'appel en garantie présentées par les sociétés "SONEX", "SECMA" et "Electrolyse GILCAM", dont la responsabilité contractuelle n'est pas retenue, doivent être écartées ;
Sur la demande de l'Etat tendant à être mis hors de cause :
Considérant qu'il est constant que l'Etat ne figure pas au nombre des défendeurs à la cause ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE est fondé à demander que l'indemnité mise à la charge des architecte et entrepreneurs porte intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande introductive, soit du 26 septembre 198O ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par l'office devant le tribunal le 4 mars 1985 puis, en appel, le 24 novembre 1987 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, par application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Considérant que l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE a, du fait des désordres litigieux, indiscutablement subi des troubles dans la gestion et l'administration de son ensemble immobilier, qui ont eu des conséquences tant sur ses conditions de fonctionnement que sur ses rapports avec les locataires ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de ces troubles en le fixant à 3O.OOO F, tous intérêts compris à la date du présent arrêt ;
Sur l'application des dispositions du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que l'office requérant établi avoir supporté des frais liés aux instances qu'il a introduites tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ; qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre, en application des dispositions du décret du 2 septembre 1988, une somme de 6.OOO F ;
Article 1 - Les articles 1, 2 et 3 du jugement en date du 13 août 1985 du Tribunal administratif de Caen sont annulés.
Article 2 - M. X... est mis hors de cause.
Article 3 - Les héritiers de M. Pierre Y..., architecte, la société anonyme "BECI" et les entreprises "DUCRE", "Z...", "LE CONFORT" et "A..." sont condamnés, solidairement, à verser à l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE la somme de 3.O61.552 F TTC en réparation des désordres causés au réseau d'eau chaude sanitaire de son ensemble immobilier sis dans la Z.U.P. de Flers (Orne). Cette somme sera réévaluée à concurrence d'un montant de 3.O61.552 F TTC compte tenu de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction entre novembre 1981 et septembre 1982, dans la limite d'une indemnisation totale de 3.124.687 F TTC. Ladite somme ainsi réévaluée portera intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 198O. Les intérêts échus le 4 mars 1985 et le 24 novembre 1987 seront capitalisés à chacune de ces deux dates pour produire eux-mêmes intérêts ;
Article 4 - Les constructeurs désignés à l'article 2 ci-dessus sont condamnés à verser à l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE la somme de 3O.OOO F, tous intérêts compris à la date du présent arrêt, à titre de dommages et intérêts, ainsi que la somme de 6.OOO F, en remboursement de frais de procédure.
Article 5 - Les conclusions d'appel en garantie présentées par les sociétés "SONEX", "SECMA" et "Electrolyse GILCAM" sont rejetées.
Article 6 - Le surplus des conclusions de la requête de l'office relatives au réseau d'eau chaude sanitaire et à l'octroi de dommages et intérêts est rejeté.
Article 7 - Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE PUBLIC DEPARTEMENTAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE, aux héritiers de M. Pierre Y..., à la société anonyme "BECI", aux entreprises "DUCRE", "Z...", "LE CONFORT" et "A...", aux sociétés anonymes "SONEX" "SECMA" et "Electrolyse GILCAM", à M. X... et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


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