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05/07/1989 | FRANCE | N°89NT00014

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 05 juillet 1989, 89NT00014


VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. Jean-Paul THEVENON et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 mai 1987 sous le n° 87427 ;
VU la requête susmentionnée présentée pour M. THEVENON par la SCP LE BRET, DE LANOUVELLE, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demeurant ..., enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 1989 sous le n° 89NT0

0014 et tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement n° 85679...

VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par M. Jean-Paul THEVENON et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 mai 1987 sous le n° 87427 ;
VU la requête susmentionnée présentée pour M. THEVENON par la SCP LE BRET, DE LANOUVELLE, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demeurant ..., enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 1989 sous le n° 89NT00014 et tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement n° 85679 du 18 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1.000.000 F en réparation du préjudice résultant de l'arrêté du 19 mars 1979 par lequel le préfet du Finistère a sursis à statuer sur sa demande de permis de construire pour l'édification d'un ensemble immobilier sur un terrain sis à CROZON,
2°) condamne l'Etat au versement de ladite somme ; VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi du 30 décembre 1977 ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 1989 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- les observations de Me X... se substituant à la SCP LE BRET, DE LANOUVELLE, avocat de M. THEVENON,
- et les conclusions de M. MARCHAND, commissaire du gouvernement,

Considérant que M. THEVENON qui avait acheté en 1971 un terrain à bâtir de 7.12O m2 situé à CROZON (Finistère) demande la réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait qu'il a été mis dans l'impossibilité de l'utiliser pour construire et qu'il a été contraint à le vendre à un prix inférieur à son prix d'acquisition ; qu'il se fonde sur les dispositions de l'article L 160-5, 2° alinéa, du code de l'urbanisme dont le tribunal administratif aurait omis, à tort, de faire application, sur l'illégalité de la décision préfectorale du 19 mars 1979 qui a sursis à statuer sur sa demande de permis de construire, enfin sur le comportement de l'administration ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que l'article L 160-5, 2° alinéa, du code de l'urbanisme dispose : "N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code ... Toutefois une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain" ; que ces dispositions instituent un régime légal d'indemnisation exclusif de tout autre mode de réparation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'appui tant de sa demande préalable d'indemnisation adressée au préfet du Finistère que de son recours devant le tribunal administratif le requérant se bornait à invoquer la seule illégalité de la décision de sursis à statuer sur sa demande de permis de construire sans se référer à l'existence d'une servitude instituée par application du code de l'urbanisme ; que dès lors le préfet ne peut être regardé comme ayant fondé le rejet implicite qu'il a opposé à la demande de M. THEVENON sur le terrain des dispositions précitées de l'article L 160-5 du code de l'urbanisme ; qu'il ne saurait en conséquence être reproché au tribunal administratif de ne pas avoir examiné d'office les prétentions du requérant au regard des dispositions précitées de l'article L 160-5 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 160-5 du code de l'urbanisme :
Considérant que M. THEVENON est recevable à fonder pour la première fois en appel sa demande de réparation sur les dispositions sus-rappelées de l'article L 160-5 du code de l'urbanisme ;
Considérant, en premier lieu, que le requérant ne saurait prétendre avoir acquis des droits à la réalisation du projet immobilier en cause ; qu'en effet, d'une part, les deux permis de construire délivrés en 1972 et 1973 sont devenus caducs ; que, d'autre part, ni l'avis favorable donné sous condition par le directeur départemental de l'action sanitaire et sociale à la nouvelle demande de permis présentée le 27 novembre 1978, ni la décision de sursis à statuer intervenue le 19 mars 1979 sur cette demande n'ont pu être à l'origine de droits acquis par l'intéressé ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une disposition déjà connue d'un futur plan d'occupation des sols de la commune de CROZON concernant le terrain en cause ait eu pour résultat de contraindre M. THEVENON à en modifier l'état ;

Considérant qu'il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à demander une indemnisation de son préjudice au titre des dispositions de l'article L 160-5 du code de l'urbanisme ;
Sur la légalité de la décision de sursis à statuer :
Considérant que le plan d'occupation des sols de la commune de CROZON a été prescrit le 4 février 1972, et rendu public le 8 juillet 1980 par arrêtés préfectoraux régulièrement publiés ;
Considérant que l'article L 123-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1976 dispose : "Lorsque l'établissement d'un plan d'occupation des sols est prescrit ... l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délais prévus à l'article L 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant les constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan" ;
Considérant qu'aucune disposition du code de l'urbanisme ne s'opposait à ce que le préfet, à la suite des refus de permis de construire des 27 mai et 13 juillet 1977, ait pu opposer à la troisième demande de permis présentée le 27 novembre 1978 un sursis à statuer en application des dispositions précitées de l'article L 123-5 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'à la date de l'intervention du sursis à statuer, le 19 mars 1979, l'état d'avancement de la procédure d'élaboration du plan d'occupation des sols de la commune de CROZON était suffisant pour permettre au préfet d'apprécier l'incidence des travaux envisagés sur le terrain de M. THEVENON à l'égard de l'exécution des options d'urbanisme prévues dans le secteur ; qu'il résulte en effet de l'instruction que le terrain d'assiette du projet immobilier en cause était situé en zone naturelle N.A. et que dans ce secteur étaient notamment prévus l'aménagement d'un sentier piétonnier et la construction d'un aqueduc sur un ruisseau ;
Considérant, par ailleurs, que M. THEVENON ne saurait à l'appui de ses conclusions contester le classement en zone N.A. du terrain faisant l'objet de sa demande de permis ; qu'en effet et à supposer que ce classement soit entaché d'une irrégularité celle-ci est sans incidence sur la légalité du sursis à statuer ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Finistère a pu légalement opposer une décision de sursis à statuer sur la demande de permis de construire présentée le 27 novembre 1978 ;
Sur le comportement de l'administration :
Considérant enfin que le requérant n'établit pas que l'administration aurait, par son comportement dans les circonstances de l'affaire, commis un détournement de pouvoir ou de procédure ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. THEVENON n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Article 1 - La requête de M. THEVENON est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à M. THEVENON, au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89NT00014
Date de la décision : 05/07/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - DEVOIRS DU JUGE - Absence d'obligation - Demande d'indemnité fondée sur la seule illégalité d'une décision de sursis à statuer sur une demande de permis de construire - Obligation par le juge d'examiner la demande au regard de l'article L - 160-5 - 2e alinéa du code de l'urbanisme - Absence (1).

54-07-01-07, 60-02-05, 60-01-05 Sursis à statuer opposé à une demande de permis de construire. Le demandeur s'étant borné à invoquer à l'appui de sa demande préalable d'indemnisation au préfet, comme de son recours en indemnité devant le tribunal administratif, la seule illégalité dont serait entachée la décision de sursis à statuer, sans se référer à l'existence d'une servitude instituée par application du code de l'urbanisme, le préfet ne pouvait être regardé comme ayant fondé son rejet implicite de la demande indemnitaire sur le terrain des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme instituant un régime légal d'indemnisation des servitudes d'urbanisme exclusif de tout autre mode de réparation et le tribunal administratif n'avait pas à examiner d'office les prétentions du requérant au regard desdites dispositions.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - Institution de servitudes d'urbanisme (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Absence d'obligation pour le juge d'examiner une demande fondée sur la seule illégalité de la décision de sursis à statuer sur la demande de permis de construire au regard de l'article L - 160-5 - 2e alinéa du code de l'urbanisme (1).

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE REGIE PAR DES TEXTES SPECIAUX - Servitudes instituées en application du code de l'urbanisme (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Absence d'indemnisation sauf si ces servitudes portent atteinte à des droits acquis ou entraînent une modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct - matériel et certain - Absence d'obligation pour le juge d'examiner une demande fondée sur la seule illégalité de la décision de sursis à statuer sur la demande de permis de construire au regard de l'article L - 160-5 - 2e alinéa du code de l'urbanisme (1).


Références :

Code de l'urbanisme L160-5 al. 2, L123-5
Loi du 31 décembre 1976

1.

Rappr. CE, Section, 1984-12-19, Société Ciments Lafarge France, p. 432


Composition du Tribunal
Président : M. Capion
Rapporteur ?: M. Brin
Rapporteur public ?: M. Marchand

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1989-07-05;89nt00014 ?
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