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22/02/1989 | FRANCE | N°89NT00011

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Pleniere, 22 février 1989, 89NT00011


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la cinquième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nantes le dossier de la requête présentée par le centre hospitalier régional d'Orléans et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 septembre 1987 sous le n° 91-648 ; Vu la requête susmentionnée présentée pour le centre hospitalier régional d'Orléans - 1, rue Porte Madeleine - ... Cédex par la SCP Bore et Xavier avocats au Conseil d'Etat, enregistrée au greffe

de la Cour le 2 janvier 1989 sous le n° 89NT00011 et tendant à ce ...

Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la cinquième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nantes le dossier de la requête présentée par le centre hospitalier régional d'Orléans et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 septembre 1987 sous le n° 91-648 ; Vu la requête susmentionnée présentée pour le centre hospitalier régional d'Orléans - 1, rue Porte Madeleine - ... Cédex par la SCP Bore et Xavier avocats au Conseil d'Etat, enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 1989 sous le n° 89NT00011 et tendant à ce que la Cour : 1°) annule le jugement du 21 juillet 1987 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à payer à M. René Y... une somme de 265.074,75 F en réparation du préjudice subi du fait du décès de sa fille, 2°) rejette la demande présentée par M. Y... devant le Tribunal administratif d'Orléans, 3°) subsidiairement réduise sensiblement le montant de l'indemnité accordée par le tribunal ; Vu le jugement attaqué ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu le code civil et le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 89-906 du 2 septembre 1988 ;

Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte des rapports d'expertise établis au cours de l'instance pénale que le décès de Mme X... est dû aux complications d'une anoxie cérébrale survenue pendant l'anesthésie générale pratiquée lors de son accouchement le 5 mars 1981 à la maternité du Centre hospitalier régional d'Orléans ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'anesthésie générale a été réalisée pour permettre l'application du forceps rendue nécessaire par l'apparition de difficultés qui mettaient en jeu la vie de l'enfant ; qu'en raison de l'urgence et de l'impossibilité de joindre le médecin anesthésiste et le chef du service d'obstétrique qui assuraient la garde, l'intervention a dû être décidée et conduite par un interne avec l'aide d'une infirmière aide-anesthésiste et d'une sage-femme, alors que l'état de la parturiente, qui n'avait pas été suivie par le service et dont le médecin traitant n'a pu être joint, paraissait préoccupant ; qu'après avoir constaté les signes de cyanose, l'infirmière a procédé à une extubation mais que la réintubation n'a pu être effectuée que par le médecin anesthésiste dès qu'il a été en mesure d'intervenir ; que le délai qui s'est écoulé avant la réintubation a été, en prolongeant des conditions de ventilation précaires, à l'origine du caractère irréversible de l'anoxie ; que, dans ces conditions, quelle que soit la cause directe de l'anoxie, l'accident d'anesthésie ayant conduit au décès de Mme X... doit être regardé comme imputable à l'absence d'un médecin anesthésiste qui a privé la parturiente des garanties médicales particulières qu'exigeait son état tant au moment de la préparation de l'anesthésie que pour le contrôle de son déroulement ;
Considérant qu'alors même que la réglementation autoriserait les médecins à effectuer leur garde à domicile, l'absence d'un médecin anesthésiste susceptible d'intervenir sans délai, notamment pour les besoins d'un service d'obstétrique où les urgences sont fréquentes, constitue une faute dans l'organisation du service de nature à engager la responsabilité du Centre hospitalier régional d'Orléans ; que, par suite, ledit établissement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif l'a condamné à réparer le préjudice résultant du décès de Mme X... ;

Sur le préjudice :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le Tribunal administratif ait fait une évaluation exagérée des préjudices subis en fixant à 200.000 F le préjudice d'ordre patrimonial de l'enfant Mélanie X..., née lors de l'accouchement, à 40.000 F le préjudice moral de cette enfant, à 20.000 F le préjudice moral de M. et Mme Y..., parents de Mme X..., et à 5.074,75 F le montant du remboursement des frais d'obsèques ;
Considérant, cependant, que le droit à la réparation du préjudice moral subi par M. X... du fait du décès de son épouse était entré dans le patrimoine qu'il a transmis à sa fille Mélanie lors de son propre décès alors même qu'il n'est pas allégué qu'il ait introduit une action avant cette date ; que, par suite, M. Y..., administrateur des biens de sa petite-fille, est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant au versement de l'indemnité due à M. X... au titre de son préjudice moral et transmise par héritage à l'enfant Mélanie ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, dont la réalité n'est pas contestée, en accordant une indemnité d'un montant de 40.000 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions subsidiaires du Centre hospitalier régional relatives à l'évaluation du préjudice et de faire droit aux conclusions du recours incident de M. Y... à concurrence de la somme de 40.000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Y..., personnellement et en qualité d'administrateur des biens de Mélanie X... a droit, à compter du 14 février 1985, date de sa demande au Centre hospitalier régional d'Orléans, aux intérêts légaux sur la somme de 265.074.75 F accordée par le Tribunal administratif et sur la somme de 40.000 F accordée par la présente décision ;
Article 1 - L'indemnité de 265.074.75 F accordée à M. Y... personnellement et en qualité d'administrateur des biens de Mélanie X... par le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 21 juillet 1987 est augmentée d'une somme de 40.000 F.
Article 2 - Le jugement du Tribunal d'administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 - Les indemnités accordées par le Tribunal administratif et par la présente décision porteront intérêts au taux légal à compter du 14 février 1985.
Article 4 - La requête du Centre hospitalier régional d'Orléans et le surplus des conclusions du recours incident de M. Y... sont rejetés.
Article 5 - La présente décision sera notifiée au Centre hospitalier régional d'Orléans, à M. Y..., et à la CPAM du Loiret.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89NT00011
Date de la décision : 22/02/1989
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - ERREURS ET DEFAILLANCES ADMINISTRATIVES - Absence du personnel médical nécessaire - Défaut de présence sur place d'un médecin-anesthésiologiste ayant privé une parturiente des garanties médicales essentielles lors d'un accouchement.

60-02-01-01-01-01-01 Décès à la suite d'une anesthésie générale décidée et pratiquée lors d'un accouchement par un interne avec l'aide d'une infirmière aide-anesthésiste, en raison de l'urgence et de l'impossibilité de joindre le médecin anesthésiste et le chef du service d'obstétrique de garde. L'absence d'un médecin anesthésiste à laquelle a été imputable en l'espèce l'accident anesthésique qui a causé le décès de la parturiente a privé celle-ci des garanties particulières qu'exigeait son état. Alors même que la réglementation autoriserait les médecins à effectuer leur garde à domicile, une telle absence constitue une faute dans l'organisation du service de nature à engager la responsabilité de l'hôpital.

- RJ1 - RJ2 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CREANCIER DU DROIT A INDEMNITE - Créancier décédé - Transmission de la créance - Préjudice moral - Transmission de la créance en l'absence même de toute action introduite avant le décès (1) (2).

60-04-06 Le droit à réparation du préjudice moral causé par le décès du conjoint entre dans le patrimoine du conjoint survivant et se trouve ainsi transmis à ses héritiers alors même qu'aucune action indemnitaire n'aurait été introduite par le conjoint survivant avant son propre décès.


Références :

1. Comp. CE, Section, 1971-01-29, Association jeunesse et reconstruction, p. 81. 2.

Cf. Cass. mixte, 1979-04-30, Epoux Wattelet c/ Le Petitcorps et consorts Goubeau c/ Alizan


Composition du Tribunal
Président : M. Capion
Rapporteur ?: M. Lemai
Rapporteur public ?: M. Cacheux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1989-02-22;89nt00011 ?
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